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Construction&Engineering ou l’aventure d’un Ange dans une Saint-Martin post-cyclonique

Entrepreneuriat

Construction&Engineering ou l’aventure d’un Ange dans une Saint-Martin post-cyclonique

Par SK 15 juin 2020

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Si l’aventure entrepreneuriale est le récit d’un risque décuplé à l’infini, certains parmi ces aventuriers du sort élus décidés à faire les choses, décident de spéculer en terre inconnue. Ange Zeby Goba est de ceux qui parviennent à lire dans le chaos l’opportunité de réécrire une nouvelle page d’histoire. Ainsi, après que le monde ait assisté consterné le 6 septembre 2017 aux ravages provoqués par l’ouragan Irma sur les îles du nord des Antilles (Saint-Martin et Saint-Barthélemy), cet ancien militaire, diplômé en ingénierie du bâtiment a choisi Saint-Martin pour créer son entreprise. Avec 3 autres ingénieurs, il a monté Construction & Engineering, et participe aujourd’hui à la reconstruction et aux nouveaux projets de l’île. Entretien.

Pourquoi avoir choisi Saint-Martin pour démarrer votre activité ?

Après la catastrophe causée par le cyclone Irma sur les infrastructures de l’île autour de 90 % des habitations (écoles, bâtiment public), la situation désastreuse vécue par la population nous a poussés à mettre à disposition nos compétences et nos expériences en ingénierie de la construction au service du plus grand nombre à Saint Martin. Pour ce faire, quoi d’autre que de créer une société d’ingénierie pluridisciplinaire ?

Dans quel état trouvez-vous l’île à votre arrivée ?

J’ai atterri le 26 octobre 2017 à Saint-Martin, près de deux mois après le passage du cyclone. J’ai trouvé l’île dévastée, complètement ravagée. En août 2006, j’ai participé à la mission FINUL au sud Liban comme casque bleu, lors du conflit qui a opposé l’état d’Israël au Liban. À mon grand étonnement, les paysages et l’état des maisons étaient presque semblables. En janvier 2018, dans un article de l’AFP, les assureurs, disent être « face à une situation inédite », avec un montant des dommages qui s’élève à 1,8 milliard d’euros : « Il faut avoir conscience que c’est un événement majeur dans l’histoire des assurances depuis l’existence du régime de catastrophe naturelle (…) Le montant des dommages assurés s’élève à 1,8 Milliard d’euros », ont ajouté les représentants des assureurs. En tout, 24.000 sinistres assurés ont été enregistrés sur les îles du nord. 16.000 sinistres à Saint-Martin pour 970 millions d’euros de dégâts et 8.000 sinistres à Saint-Barthélemy pour 830 millions d’euros.

Quelles difficultés cette catastrophe entraîne-telle alors directement sur les affaires ?

Deux mois après le passage du cyclone certains services étaient inexistants ou ralentis, le téléphone, internet, l’eau courante, les coupures récurrentes d’électricité…Les conséquences, plus de 2 ans plus tard sont :

– la difficulté de trouver des logements et des véhicules à des prix raisonnables

– l’instabilité des prix de la construction

– les difficultés du recrutement d’ingénieurs pour l’ile.

Quelle est l’histoire de cette jeune entreprise ? Combien d’employés composent actuellement son effectif ?

Nous sommes d’abord quatre amis de longue date et d’écoles, nous avons décidé d’additionner nos connaissances pour devenir des collaborateurs associés sous la bannière de la société Construction & Engineering. Nous venons tous les quatre d’Afrique: deux du Gabon, un du Congo Brazzaville et moi-même de Côte d’Ivoire. Chacun de nous a travaillé en qualité de chef de projet, ingénieur dans divers Grands groupes du BTP, des cabinets d’architectes ou des bureaux d’études techniques à Paris et à Lyon.

Aviez-vous depuis le départ le projet de vous expatrier ?

Je me rappelle du jour de ma soutenance pour l’obtention de mon diplôme de Technicien supérieur d’études en génie climatique. Après mon passage à l’oral, J’ai demandé aux membres du jury «Comment puis-je faire pour exploiter ce diplôme pour le bien du plus grand nombre tout en continuant de voyager, de découvrir et d’apprendre ? ». Ce jour-là, je n’ai pas eu de réponse à ma question. J’ai donc continué à y réfléchir durant mon cursus d’ingénieur au CESI Nanterre, pour aboutir à Construction & Engineering.

En quoi votre entreprise répond-t-elle directement à un besoin local ?

Une reconstruction maîtrisée techniquement est une production au coût maîtrisé. L’aspect économique est déterminant car les fonds délivrés par les assurances sont limités en termes d’enveloppes et sont souvent sous-estimés.

De quelle façon les locaux perçoivent-ils les arrivants étrangers ?

Près de 120 nationalités sont connues à Saint-Martin, avec une prépondérance des nationalités française, haïtiennes, dominicaines, Nord et Sud-Américaines et d’autres pays européens.

Cela complique-t-il le business ?

La différence n’est pas un frein, bien au contraire, notamment lorsqu’il est question d’apport des compétences nouvelles et de valeurs ajoutés.

Quelles ont été vos principales difficultés d’adaptation ?

La question n’est pas facile. Je dirai que c’est le temps que peuvent parfois prendre les réponses aux points bloquants.

Saint-Martin c’est, une partie française donc francophone et une partie hollandaise anglophone, quels sont les enjeux d’un tel espace ?

Les enjeux sont les mêmes, travailler sur des projets neufs ou de reconstruction. Pour travailler à Sint Maarten (partie hollandaise), il faut y créer une société. Sans ça, l’intervention en partie hollandaise pour une entreprise française est limitée en volume d’heures par semaine.

Vous quittez l’armée pour entreprendre, comment cela est-il perçu par votre ancien corps ?

L’expérience militaire pousse à utiliser ses facultés en utilisant les moyens à disposition et ce au service de nos concitoyens. Donc oui, je pense que cela peut être bien perçu.

En quoi votre activité profite-t-elle à la main d’œuvre locale ?

Nos retours d’expérience, notre savoir-faire organisationnel, les détails que nous apportons à nos études et plans d’exécution sont des supports efficients pour les entreprises BTP locales. Toute problématique traitée en amont par notre intervention est un gain économique pour l’entreprise car nous réduisons les marges d’erreur.

Saint-Martin, c’est également beaucoup de clandestins. Est-ce une réalité qui complique vos affaires en termes d’emplois ?

Pas directement, mais ce phénomène peut avoir son incidence sur les projets en phase travaux.

Au-delà de l’aspect économique, que pensez-vous apporter à un territoire comme celui-ci ?

Un regard neuf, mais très simplement en cette période post-ouragan où le besoin est urgent, des compétences complémentaires aux professionnels déjà actifs sur l’île est nécessaire si l’on veut répondre à l’urgence. Pour rappel, près de 90 % des infrastructures ont été endommagées y compris dans les rangs des opérateurs économiques (promoteurs, architectes et entreprises du BTP).

Les institutions favorisent-elles l’entrepreneuriat local ?

Oui, la CCI de Saint-Martin et le service de la perception (Trésor public local) nous ont accompagnés avec bienveillance depuis la création de nos statuts.

En tant que citoyen français, êtes-vous accompagné par le gouvernement français ?

Il existe de nombreuses aides gouvernementales, régionales et locales pour l’accompagnement des entrepreneurs Français et c’est une chance. Cependant à ce jour, nous n’avons pas encore sollicité d’accompagnement.

Quel est votre avis sur l’implication des institutions internationales, des ONG et particuliers dans la résolution de la situation post-ouragan ?

Mise à part les forces armées françaises et la Croix Rouge, je n’ai pas eu l’opportunité d’observer d’autres institutions ou ONG. La population s’est organisée en associations ou groupes de bénévoles pour nettoyer et restaurer la beauté de l’île. De l’extérieur, le public a eu l’impression d’un traitement de faveur de certains habitants par rapport à leur couleur de peau.

La question raciale est-elle un enjeu important sur l’île ?

De manière générale les gens sont bienveillants entre voisins.

Comment s’est organisé le confinement à Saint-Martin ?

A Saint-Martin et dans le reste des Antilles françaises les mesures mise en place le gouvernement pour faire face à la crise sanitaire mondial du COVID -19 ont été appliquées. Dans l’ensemble tout c’est passé pour le mieux.

Quelles en sont les répercussions sur ton activité ?

Notre bureau a fermé durant toute la période du confinement, notre chiffre d’affaires a bien sûr été impacté. Cette longue période nous a permis de faire un état des lieux de l’évolution du marché du BTP au niveau national comme régional. Ce qui nous permet de vous annoncer que notre bureau d’études renforce son offre digitale via l’intégration d’outils numérique de dernière génération et de méthode innovante à l’ensemble de nos services pour une transition effective dans les prochains mois.

De quelle façon l’Etat a soutenu/soutient les entrepreneurs hors de l’hexagone ?

Comme sur le reste du territoire l’état à déployer un ensemble de mesures d’aides aux entreprisses qui ont permis aux petites entreprises comme la nôtre de limiter la case.

Pensez-vous que la diaspora afro devrait être plus active ? Comment ?

Black Lives Matter , notre vie compte et cela est immuable. Dans notre société capitaliste, compter, veut aussi dire compter économiquement, pour cela l’entreprenariat et l’investissement sont de bons moyens. Dans une démarche d’amélioration continue, il nous appartient d’élever la qualité de notre produit ou de notre service, être compétitif pour ne pas se fermer aux autres communautés.

Votre africanité vous a-t-elle toujours animée dans vos aventures personnelles et professionnelles ?

Elle a toujours été déterminante, dans tous mes choix.

Avez-vous des projets d’expansion au-delà de Saint-Martin ? Spécifiquement dans la Caraïbe ou en Afrique ?

En Afrique, nous avons collaboré sur des projets d’envergure au Gabon, sur ces projets, notre expertise locale a été déterminante. Actuellement, nous travaillons au développement de notre activité dans d’autres pays africains, en particulier dans mon pays d’origine, la Côte d’ivoire. Dans les Caraïbes, notre activité s’étend à Saint-Barthélemy, nous étudions également les valeurs ajoutées que nous pouvons apporter à nos services afin de les proposer a d’autres iles de la région.

Que pourriez-vous dire à ceux et celles qui souhaitent aussi monter une entreprise à l’étranger?

Si vous avez confiance en vos compétences, avez défini le produit dont vous avez la parfaite maîtrise et que vous êtes suffisamment ouvert d’esprit pour adapter votre offre à la demande locale, alors FONCEZ !

 

« Chez CONSTRUCTION & ENGINEERING, nous faisons de nos passions, nos missions »

La société d’ingénierie CONSTRUCTION & ENGINEERING est un bureau d’études techniques qui intervient dans le domaine de la construction. Il répond aux besoins de nos clients depuis la programmation du projet jusqu’à son parfait achèvement :

  • M.O. (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage)
  • Maîtrise d’œuvre d’exécution, D.E.T. (Direction de l’exécution des contrats de travaux) et A.O.R. (Assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception)
  • P.C. (Ordonnancement, Pilotage, Coordination)
  • Bureau d’études structures (béton armé, métallique et bois)
  • Bureau d’études fluides (Chauffage, Ventilation, Climatisation et plomberie).
  • Ingénierie conseil