Neïba

Les Anioto ou les hommes-léopard du Congo d’avant l’indépendance

Histoire

Les Anioto ou les hommes-léopard du Congo d’avant l’indépendance

Par Sandro CAPO CHICHI 4 janvier 2024

Pour ne rien manquer de l'actualité,
téléchargez l'application depuis ce lien
Recevez du contenu exclusif, de l'actualité, des codes promos Nofi Store ainsi que notre actualité évenementielle chaque week-end !

Découvrez le mystère des Anioto, la redoutable société secrète des hommes-léopard du Congo pré-indépendance. Nofi plonge dans l’histoire fascinante et les traditions des Anioto, explorant leur rôle et leur influence dans la société congolaise avant l’indépendance. Un voyage captivant au cœur des légendes et de la culture africaine.

Les Anioto étaient une société d’hommes léopards du nord-est de la République Démocratique du Congo. Ils se sont notamment attaqués à des collaborateurs du régime colonial qui modifiaient les structures politiques traditionnelles locales.

Anioto : les hommes-léopard du Congo d’avant l’indépendance

Les Anioto1 sont une société secrète d’hommes-léopard qui a sévi jusque dans les années 1930 chez les populations Bali2 du nord-est du Congo. Ils tuaient typiquement leurs ennemis avec des fausses griffes de léopard et en laissant de fausses empreintes près des cadavres laissés dans la forêt, donnant l’impression d’une mort causée par des léopards.

anioto

La société secrète Anioto et la culture traditionnelle africaine

Les Anioto étaient une sorte de caste principalement héréditaire chez les populations Bali du nord-est du Congo. Ils étaient sélectionnés parmi les initiés au Mambela3, une société d’initiation des jeunes garçons. Ils servaient de milices à des personnages puissants de la société. Les meurtres qu’ils devaient accomplir étaient décidés par des chefs traditionnels à la fin de conseils du Mambela. Si quelqu’un affilié par des liens familiaux à un Anioto ou Mambela souhaitait se venger de quelqu’un, il formulait sa demande et le conseil des chefs du Mambela décidait ou non de l’entériner.

anioto

L’utilisation des Anioto ciblait aussi souvent l’autorité de chefs. Plutôt que de les tuer directement, ils s’en prenaient le plus souvent à leurs sujets. Dans les sociétés locales, le léopard était en effet associé au pouvoir. Les chefs étaient sensés être dotés de pouvoirs leur permettant de contrôler les actions des léopards. Lorsque des léopards s’en prenaient à leurs sujets, leur capacité de leadership était remise en question par leurs sujets. D’autrefois, ils s’attaquaient aux ennemis de leurs rivaux, espérant provoquer des réactions contre eux. Cette situation de terreur permettait aux chefs possédant des  Anioto de gagner pouvoir, territoire et ressources au détriment de ces chefs.

anioto
Statue d’un homme-léopard du Congo par Jean Wissaert (1915)

Impact colonial et résistance des Anioto

Durant la colonisation de l’actuelle République Démocratique du Congo, les autorités belges respectèrent les structures territoriales locales. Ils attribuèrent toutefois à de nouveaux chefs le pouvoir dans les chefferies locales bouleversant l’équilibre social traditionnel. Les chefs traditionnels, généralement des anciens, utilisèrent des Anioto pour contester leur leadership.

anioto
Costume d’homme-léopard, Musée Royal d’Afrique Centrale, Bruxelles

Le Mambela étant une société secrète responsable de l’initiation des jeunes hommes, il exerçait une puissance très importante sur la société bali. Il imposait par là à ses membres comme à ses victimes de garder le secret de la nature des meurtres sous peine de représailles, notamment auprès des autorités belges. Cette omerta a permis pendant un certain temps aux autorités coloniales de considérer ces morts comme le fait d’attaques de léopards. Plus les structures traditionnelles s’effritèrent, plus la véritable nature des crimes des Anioto et leur lien avec le Mambela se révéla à l’administration belge. Des procès et des condamnations dans les années 20 et surtout dans les années 30 après une impressionnante série de meurtres mirent progressivement fin aux Anioto.

Anioto
Des Anioto dans Tintin au Congo

Dans la culture populaire, les Anioto ont été mentionnés dans le tristement célèbre « Tintin au Congo » d’Hergé (1931) ou dans la nouvelle « Tarzan et l’homme-léopard » d’Edgar Rice Burroughs (1935). 

Des Anioto dans Tarzan et l’homme-léopard

Leur influence est également perceptible dans une référence plus récente, celle de Black Panther, où comme ici et là, des hommes africains enfilent des costumes de léopard pour défendre les intérêts de leur société.

VOUS AIMEREZ AUSSI

Notes et références

Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur le sujet des sociétés secrètes des hommes-léopards en Afrique, voici deux ouvrages recommandés :

  • Les Sociétés secrètes des Hommes-léopards en Afrique Noire. Par P. E. Joset. Paris: Payot, 1955.

Cet ouvrage offre une étude détaillée des sociétés secrètes des hommes-léopards, en se concentrant particulièrement sur leur présence et leur rôle en Afrique Noire. L’auteur, P. E. Joset, explore les aspects culturels, rituels et sociaux de ces sociétés mystérieuses, offrant un aperçu précieux de leur fonctionnement et de leur influence dans diverses communautés africaines.

  • The Leopard Men of the Eastern Congo. (ca. 1890-1940): history and colonial representation. Vicky L. M. Van Bockhaven.

Ce livre examine l’histoire et la représentation coloniale des hommes-léopards dans l’est du Congo entre 1890 et 1940. Vicky L. M. Van Bockhaven analyse comment ces sociétés secrètes ont été perçues et représentées pendant la période coloniale, offrant ainsi une perspective historique et critique sur la manière dont les puissances coloniales ont interagi avec et interprété les traditions et les pratiques africaines.

  1. Anioto (ou Anyoto) : Le terme « Anyoto » dérive du verbe « nyoto« , qui signifie « griffer » dans certaines langues locales du nord-est du Congo. Cette origine étymologique fait directement référence aux méthodes utilisées par la société secrète des hommes-léopard, qui imitaient les griffes et les attaques d’un léopard. ↩︎
  2. Bali : Les Bali sont une population bantoue d’Afrique centrale, principalement établie au nord-est de la République Démocratique du Congo. Ce groupe ethnique, faisant partie de la grande famille des peuples bantous, est reconnu pour sa culture unique et ses traditions. Les Bali ont une histoire riche et ont contribué de manière significative à la diversité culturelle et sociale de la région. ↩︎
  3. Mambela : Le Mambela est une société traditionnelle d’initiation présente chez certaines communautés ethniques en Afrique centrale, notamment chez les Bali en République Démocratique du Congo. Cette société joue un rôle crucial dans la transition des jeunes garçons à l’âge adulte, leur enseignant les valeurs, les compétences et les connaissances nécessaires pour devenir des membres respectés et responsables de leur communauté. Le Mambela est souvent associé à des rituels, des enseignements secrets et des cérémonies qui marquent l’entrée dans l’âge adulte. Ces sociétés d’initiation sont essentielles pour la préservation et la transmission de la culture et des traditions ancestrales au sein des communautés. ↩︎