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MOVE 9 : les prisonnières politiques oubliées

Société

MOVE 9 : les prisonnières politiques oubliées

Par Mathieu N'DIAYE 19 février 2018

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Les « MOVE 9 » sont des activistes injustement emprisonnés depuis le 8 août 1978, à la suite d’un raid massif de la police contre leur Q.G à Philadelphie. Parmi eux se trouvaient des femmes courageuses. Voici l’histoire de ces prisonnières politiques.

MOVE est un groupe de libération afro basé à Philadelphie et fondé par John Africa en 1972. Ce groupe qui vit en communauté à de nombreuses fois participé à des manifestations publiques contre le racisme ou les brutalités policières au péril de leur vie.

On se rappellera  particulièrement de MOVE pour deux conflits majeurs avec les forces de l’ordre de Philadelphie. En 1978, un affrontement violent entraîna la mort d’un policier et en blessa plusieurs autres. De sévères peines d’emprisonnement scellèrent le destin de 9 membres de MOVE. Que l’on appel les « MOVE 9« .

MOVE et la police pendant la confrontation de 1978 en dehors du siège de MOVE.

MOVE et la police durant la confrontation de 1978 en dehors du siège de MOVE.

Cependant, les échauffourées avec la police ne cessèrent pas pour autant. En effet, en 1985, un autre conflit éclata entre les membres de l’organisation et la police. Cette confrontation se soldera par le bombardement depuis un hélicoptère de police du quartier général de MOVE, provoquant un incendie. 11 militant perdirent la vie, dont 5 enfants.

Parmi les « MOVE 9 » se trouvaient aussi des femmes qui combattirent valeureusement pour leur idéaux. Rien de plus normal à cela, Assata Shakur, ne disait-elle pas que « la place des femmes est dans la lutte » ?

Qui étaient donc ces femmes ? Voici leur histoire :

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Janine Phillips Africa

Janine Africa fut Ministre de l’Éducation de MOVE. Sa fille, Life Africa, fut tuée à trois semaines par la police de Philadelphie. Elle fut ensuite interpellée lors du raid de la police sur le Q.G de MOVE où elle et 8 autres personnes furent injustement condamnés pour le meurtre d’un policier (sans doute tué par un tire « ami »). Elle purgea plus de 30 ans de prison malgré son innocence.

«Je ne savais pas comment être une mère ou une femme et essayer d’être les deux à la fois d’être à la fois me conduisit à une dépression nerveuse. J’ai développé un état dans lequel ma gorge se fermer et je ne pouvais pas manger. Je suis allé de médecin en médecin, d’hôpital en hôpital et aucun d’eux ne put rien faire pour moi. « 

 Janine continue de lutter pour un monde meilleur à l’intérieur de sa cellule. Elle a, avec ses sœurs  de MOVE, empêché des prisonniers de se suicider, a résolu des conflits raciaux et a aidé à garder les prisonniers loin des problèmes afin qu’ils puissent sortir pour se retrouver de nouveau avec leurs familles.

Debbie Sims Africa

Debbie Sims Africa est membre du groupe de libération noire MOVE, mère de deux enfants et prisonnière politique qui a déjà purgé plus de 25 ans de prison après que la maison dans laquelle elle vivait fut prise d’assaut par la police de Philadelphie. Debbie peut bénéficier de la liberté conditionnelle depuis 2008, mais chaque fois, elle lui est refusé.

« Avant que nous le sachions, l’eau passa à travers le trou où la fenêtre se trouvait autrefois. La vague d’eau pulvérisée par le tuyau d’incendie prit toute la largeur et la longueur de la fenêtre, jetant 2 × 4 poutres de chêne à travers la salle pour plaquer nos gros chiens contre le mur et littéralement déchirer la maison à part l’intérieur, puis une seconde vague d’eau vint par une autre fenêtre et nous avons furent pris dans un feu croisé d’eau.

Tout ce que je pouvais faire, c’était crier. J’étais effrayé. Les chiens et les poutres volaient partout et j’ai pleuré quand j’ai vu nos chiens être blessés et tués. Je me suis serré contre mon bébé et je suis restée basse pendant que les hommes planaient autour de nous pour nous protéger.

Quand les flics ont commencé à tirer, j’ai fermé les yeux et je me suis juste serré contre mon estomac pour les protéger du mieux que je pouvais des débris et des planches qui volaient. C’était la situation la plus effrayante dans laquelle j’aie jamais été.

À un moment donné, je ne pouvais même pas voir le visage du bébé à cause des bombes de fumée et des gaz lacrymogènes jetés dans le sous-sol par les flics qui m’étouffaient aussi, tout le temps le niveau de l’eau a augmenté (nous avons découvert plus tard pendant notre procès, que lorsqu’un mélange de fumée et d’eau est jeté ensemble, il agit comme une arme mortelle et pourrait nous suffoquer tous).

Personnellement, je pensais que nous allions mourir. Ce n’était uniquement par miracle que nous ne sommes pas morts, vu comment ces flics nous ont tiré dessus, la façon dont les pompiers ont balancés l’eau par les fenêtres du sous-sol et la manière dont ils nous ont gazé . « 

Le 15 septembre 1978, Debbie met au monde son fils, Mike Jr., dans sa cellule de prison sans l’aide d’aucun médecin, d’infirmière ou de personnel pénitentiaire. Pendant plusieurs heures, Debbie tient son fils, angoissée par l’inévitable moment où elle devra l’abandonner. Elle informe finalement le personnel pénitentiaire de l’accouchement et perdra son deuxième enfant.

Janet Hollaway Africa

Janet Africa est membre de MOVE et fait parti des « MOVE 9« . Elle est injustement accusée du meurtre d’un officier de police.

« Je me souviens de m’être assise dans mon fauteuil à bascule avec mon nouveau-né dans les bras en train de ressentir la même chose que ma mère, voulant le meilleur pour ma fille; Voulant qu’elle soit en sécurité, heureuse, loin de la souffrance, de la douleur, de la déception et de la désillusion de ce système froid, cruel et partial. »

Peu de temps avant que Janet ne fasse l’objet d’une libération conditionnelle pour la première fois, elle dû faire fasse au tentative de l’administration pour la faire craquer. Elle fut par exemple prise à partie par un gardien de prison qui lui dit qu’elle devait être fouillée. Elle y consenti, mais demanda qu’une femme dirige la procédure comme il est contraire à ses croyances d’être touchée par un homme. Le garde accepta et appela une femme, laquelle exprima son désaccord disant «qu’elle n’est en rien spécial». Malveillante, elle insista pour que Janet soit mise en isolement pour faute. Ceci, en dépit du fait que c’est un droit pour les femmes prisonnières de pouvoir demander que les gardiennes effectuent les fouilles.

Prisons de femmes. Janine, Janet & Debbie, une histoire américaine de Claude Guillaumaud-Pujol

Prisons de femmes. Janine, Janet & Debbie, une histoire américaine de Claude Guillaumaud-Pujol

Janet, ainsi que les autres « MOVE 9« , se sont vu refuser la libération conditionnelle à plusieurs reprises, bien qu’ils aient purgé plus de 30 ans pour un crime qu’ils n’ont pas commis.  Janet, Janine et Debbie ne furent pourtant jamais  mises en cause pour possession. C’est la raison pour laquelle d’aucun aurait pu penser qu’elles bénéficieraient d’un libération conditionnelle. Ce refus manifestement injuste ne peut que confirmer le fait que les MOVE 9 sont bels et biens des prisonniers politiques.

A l’heure où ces lignes sont écrites, seuls 7 autres prisonniers politique de MOVE sont en vie : Chuck Africa, Michael Africa, Debbie Africa, Janet Afrique, Janine Africa, Delbert Africa et Eddie Africa. Quelques personnes à travers le monde soutiennent ces rescapés. Restons mobilisés pour leur libération.

Notes et références :

« Prisons de femmes Janine, Janet & Debbie, une histoire américaine« , Claude Guillaumaud-Pujol (Temps des cerises)