Neïba

La résolution finale du 1er Congrès des écrivains et artistes noirs (1956)

Histoire

La résolution finale du 1er Congrès des écrivains et artistes noirs (1956)

Par Mathieu N'DIAYE 1 février 2018

Pour ne rien manquer de l'actualité,
téléchargez l'application depuis ce lien
Recevez du contenu exclusif, de l'actualité, des codes promos Nofi Store ainsi que notre actualité évenementielle chaque week-end !

Nofi vous propose de découvrir les préconisations du 1er Congrès des écrivains et artistes noirs, tenu à Paris en 1956 à l’initiative d’Alioune Diop et de la revue Présence africaine qu’il avait créée en 1947.

La résolution finale du 1er Congrès des écrivains et artistes noirs (1956)

Le Congrès des écrivains et artistes noirs fut une réunion d’intellectuels noirs de renom. Cette rencontre avait pour objectif de s’attaquer aux problèmes du colonialisme, de l’esclavage et du racisme. Le premier congrès des écrivains et artistes noirs fut organisé par la revue trimestrielle culturelle, politique et littéraire panafricaine Présence Africaine [1]. Il se déroule du 19 septembre au 22 septembre 1956 dans l’amphithéâtre Descartes à la Sorbonne. Y participeront, entre autres Aimé Césaire, Richard Wright, Amadou Hampâté BâJames BaldwinJoséphine Baker ainsi que de nombreux étudiants noirs parisiens.

Cérémonie d’ouverture du Premier Congrès des écrivains et artistes noirs, le 19 septembre 1956.

Au cours de son introduction, Alioune Diop déclarera :

« ce jour sera marqué d’une pierre blanche. Si depuis la fin de la guerre, la rencontre de Bandung constitue pour les consciences non-européennes, l’événement le plus important, je crois pouvoir affirmer que ce premier Congrès mondial des Hommes de Cultures noirs, représentera le second événement de cette décennie » [2]

L’affiche du congrès est signée Pablo Picasso. © D.R

Voici la résolution finale de ce premier Congrès des écrivains et artistes noirs au cours de laquelle s’est joué l’émergence d’une conscience communautaire fondée sur quelque chose de plus grand que la simple couleur de la peau :

« Le Congrès des écrivains et artistes noirs réunis à Paris les 19, 20, 21 et 22 septembre 1956,

Considérant,

1. Que les travaux du Congrès ont dégagé l’immense intérêt de l’inventaire entrepris devant lui eu égard aux diverses cultures noires qui ont été systématiquement méconnues, sous-estimées, parfois détruites ;

2. Qu’il lui est apparu la nécessité impérieuse de procéder à une redécouverte de la vérité historique et à une revalorisation des cultures noires, l’ignorance et la présentation erronée ou tendancieuse de cette vérité ayant contribué à provoquer la crise qui atteint la culture noire en elle-même et dans ses rapports avec la culture humaine en général. Invite artistes, écrivains, théologiens, penseurs, savants et techniciens à participer à cette tâche historique de faire revivre, de réhabiliter et développer ces cultures afin de favoriser leur intégration à l’ensemble de la culture humaine.

Nous, écrivains, artistes et intellectuels nègres, divers par nos idéologies politiques et nos confessions religieuses, avons éprouvé le besoin de nous réunir à cette étape cruciale de l’évolution de l’humanité pour confronter d’une manière objective nos points de vue sur la culture et les étudier en hommes conscients de nos responsabilités devant nos peuples respectifs, devant les peuples coloniaux et semi coloniaux et devant tous les hommes libres de bonne volonté.

Il nous apparaît indigne d’un intellectuel véritable qu’il hésite à prendre position sur des questions essentielles sans servir l’injustice et l’erreur.

Nous avons examiné nos cultures en elles-mêmes et en fonction des conditions sociales et générales qui les affectent : le racisme et le colonialisme.

Nous estimons que l’épanouissement de la culture est conditionné par la fin de ces hontes du vingtième siècle : le colonialisme, l’exploitation des peuples faibles, le racisme.

Nous considérons que tout peuple doit pouvoir effectivement prendre connaissance des valeurs de sa culture nationale (histoire, langue, littérature, art, etc.) et bénéficier de l’instruction et de l’éducation dans le cadre de sa culture propre.

Notre Congrès regrette l’absence involontaire d’une délégation de l’Afrique du Sud.

Notre Congrès enregistre avec satisfaction les progrès accomplis ces dernières années dans le monde, progrès qui laissent prévoir une abolition générale du système colonialiste, ainsi que la liquidation définitive et universelle du racisme.

Notre Congrès invite sous les intellectuels noirs à unir leurs efforts pour que devienne effectif le respect des droits de l’Homme quelle que soit sa couleur, des peuples et des nations quels qu’ils soient.

Notre Congrès engage les intellectuels noirs et tous les hommes épris de justice à lutter pour la création des conditions concrètes de la renaissance et de l’épanouissement des cultures nègres.

Notre Congrès, qui rend hommage aux cultures de tous les pays et apprécie leur contribution au progrès de la civilisation, engage tous les intellectuels noirs à défendre, à illustrer et à faire connaître dans le monde les valeurs nationales de leurs peuples.

Nous, écrivains et artistes noirs, proclamons notre fraternité envers tous les autres hommes et attendons d’eux qu’ils manifestent envers nos peuples la même fraternité. »

VOUS AIMEREZ AUSSI :

https://www.nofi.media/2018/02/nofi-celebre-le-black-history-month/9667

Source :

« Le Premier Congrès International des Écrivains et Artistes Noirs, numéro spécial« , Présence africaine, p. 361-363

Notes et références

[1]  Carole Boyce Davies ~ Encyclopedia of the African Diaspora: Origins, Experiences, and Culture, publié en 2008

[2] Repris dans Afriscope n° 47, septembre 2016, p. 22.