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France: un système éducatif en perte de vitesse

Société

France: un système éducatif en perte de vitesse

Par Atouma NKeussi 21 novembre 2017

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C’est un fait, le niveau éducatif français est en chute depuis quelques années. Placée à la 25ème place sur 65 pays, la France est en régression. Plusieurs études sérieuses, dont le rapport Pisa (qui mesure le niveau de connaissance des élèves de différents pays) de l’OCDE (l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques) ou encore Pirls le démontrent, tandis que le ministère de l’éducation nationale l’admet timidement. Malgré les 130 milliards d’euros investis (7 % du PIB) et les différents ministres qui se sont succédés pour tenter d’inverser la tendance, rien n’y fait. Pisa démontre qu’un bon système éducatif ne correspond pas à de grandes dépenses d’argent public et que l’état n’est pas le mieux placé pour combattre les inégalités. Quelles sont donc les raisons qui peuvent expliquer cette réalité ?

Ne nous y trompons pas, les enseignants ne sont pas les seuls responsables de la situation et les parents non plus. Il s’agit clairement d’un système éducatif en perte de vitesse, qui n’a pas encore trouvé la formule permettant de donner un nouvel essor à la formation de sa jeunesse.

Un système éducatif conservateur

En effet, alors que la plupart des pays européens et asiatiques ont su faire évoluer leurs systèmes éducatifs respectifs, les français sont à la traîne. L’étatisation du système scolaire y est pour beaucoup : les politiciens se trouvant à des années lumières des réalités du terrain, décident de l’avenir de l’éducation en France avec des modes éducatifs figés, dans une idéologie cloisonnée et poussiéreuse, bien que l’ère de la « pédagogie adaptée » ait sonné il y a longtemps déjà. La culture du système de notation et du classement obsessionnel imposée aux apprenants est un  facteur de stress non négligeable. En effet, cette façon d’appréhender le savoir rend secondaire le plaisir d’apprendre et de s’enrichir intellectuellement, pourvu que les appréciations suivent et que le bulletin soit bon à l’issu de chaque trimestre. En réalité, seul prime le côté superficiel de l’apprentissage, autrement dit, la réussite en surface. On n’apprend plus pour « savoir » mais pour « avoir » de bonnes notes et in fine des diplômes. S’ajoute à cela la lourdeur des programmes, qui finissent souvent par être survolés voire non-traités à cause des échéances trimestrielles et annuelles. Pourtant, d’autres pays d’Europe ont déjà pris en compte l’inefficacité de cette méthode. C’est par exemple le cas pour la suède:

« Dans une Étude consacrée à la réforme du système scolaire suédois, l’IREF a montré qu’à partir du moment où l’école suédoise s’était ouverte à la liberté et à la concurrence, grâce aux chèques éducation, les résultats des élèves s’étaient améliorés et les inégalités scolaires baissaient rapidement. Une autre Étude, encore plus récente, réalisée par notre Institut, a comparé le degré de liberté du système scolaire et les résultats des élèves et a prouvé que plus l’école était autonome, meilleurs étaient les résultats des élèves. Dans le classement Pisa, Singapore, Hong Kong et les Pays-Bas se situent respectivement à la 2ème, 3ème, et 8ème place. Ce sont aussi les pays dont le système scolaire est le plus libre donc le plus concurrentiel. »

IREF – Europe (décembre 2013)

 

« Il suffit de regarder ce qui se passe à l’étranger pour se rendre compte que tout n’a pas été tenté. Notre école est très conservatrice dans son fonctionnement et s’appuie encore sur des outils peu efficaces : une notation stigmatisante dès le primaire, une faible mixité sociale, des redoublements très nombreux, une aide individualisée insuffisante aux élèves en difficulté, une faible formation continue des enseignants, pour ne citer que quelques exemples. La marge de progression est immense ! »

Nathalie Mons – diplômée de Science-Po, directrice du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) depuis janvier 2014.

L’intouchable corps enseignant : attention, sujet tabou

Il est bien plus courant d’entendre parler de « mauvais élève » que de « mauvais pédagogue ». Et pourtant. A l’heure où les autorités françaises constatent, après certaines études menées auprès d’élèves de différents niveaux, des résultats plus faibles que la moyenne européenne et encore bien plus faibles que les résultats des élèves asiatiques, ne serait-il pas intéressant d’analyser cette chute en posant également un regard du côté de « la salle des profs » ?

On assiste depuis quelques années à une impressionnante baisse des exigences auxquelles doivent répondre les futurs enseignants durant leurs formations. En effet, au sein de l’Académie de Créteil, pour le concours des professeurs des écoles 2016/2017, les candidats devaient obtenir au minimum 3,5/20 pour être admis ! Quelques années en arrière, il fallait évidemment obtenir une note bien supérieure mais surtout effectuer en complément trois ans dans une école afin d’acquérir l’ensemble des compétences intellectuelles et pédagogiques nécessaires pour pouvoir exercer. De son côté, Pôle Emploi se charge de recruter des Bac + 2 ou Bac + 3 pour devenir enseignant. Aujourd’hui, des non-initiés se permettent donc d’initier de jeunes apprenants et acquièrent d’emblée la confiance des parents sous couvert de l’autorité d’« enseignant ». Ce n’est pas un scoop, lorsque les bases ne sont pas correctement construites, il est difficile de rattraper des lacunes bien intégrées, ce qui ne présage guère une scolarité brillante et par association un avenir radieux dans la plupart des cas.

Professeurs des écoles
Crédit photo: Ministère de l’Education nationale

Cependant, il faut admettre que l’Education nationale  se doit de faire face à un obstacle de taille : la disparité des niveaux dans une même classe. En effet, lorsque l’on accueille des élèves provenant de pays étrangers, ne maîtrisant pas la langue nationale, ou la pratiquant peu à la maison, il est difficile de s’adapter si on n’y est pas préparé. L’arrogance insidieusement latente du « Vivre-ensemble » révèle ici des failles, et de sérieuses.

Le rôle des parents

Certains parents abandonnent volontiers leur rôle d’éducateur aux équipes pédagogiques des structures scolaires existantes. Pourtant, parents et enseignants sont censés travailler de concert, les premiers en inculquant les bases et en contrôlant le rythme du travail scolaire à la maison. En fait, il y a longtemps que la sociologie a montré que le rôle de la  famille est déterminant dans l’explication des différences de résultats scolaires. Bien des travaux ont analysé l’impact des différents capitaux (économique, social, culturel) transmis par la famille. Chez Bourdieu, les différences de capital culturel [cela dépasse les simples savoirs, il y a aussi les savoir-faire etc …)  sont essentielles. L’école privilégie une culture dite légitime, autrement dit, la culture imposée par la classe dominante. Par conséquent, l’école a une lourde responsabilité dans la reproduction sociale, et finalement, ce point de vue est déculpabilisant à la fois pour les profs (ce sont les dysfonctionnements de l’institution scolaire qui sont mis en avant) et pour les parents. Les parents de ceux dont les enfants peinent, seraient victimes d’une violence symbolique, contre laquelle ils n’auraient pas les armes pour se défendre.

Elèves de maternelle
Crédit photo: RT en français

En somme, la France n’aura pas le choix, elle devra s’adapter et moderniser son système éducatif si elle souhaite figurer parmi les nations ayant l’un des meilleurs taux de réussite. La formation des enseignants est certainement à revoir, et préparer de façon efficace de jeunes enseignants à faire face à une jeunesse qui deviendra le moteur de la nation est l’enjeu de ces prochaines années. La prochaine enquête-test PISA de l’OCDE sera dévoilée en 2019.

Sources :

Classement Pisa

La voix des parents

Le Monde

 

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