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Le rôle crucial d’Haïti dans l’indépendance du Venezuela

Politique

Le rôle crucial d’Haïti dans l’indépendance du Venezuela

Par Sandro CAPO CHICHI 2 octobre 2017

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Par son soutien économique, militaire et idéologique à la révolution de Simon Bolivar contre la colonisation espagnole, Haïti est à l’origine de l’indépendance d’une grande partie des pays hispanophones d’Amérique latine, dont le Venezuela.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

La République Bolivarienne du Venezuela

Venezuela

Carte du Venezuela

Le nom officiel du Venezuela est la République Bolivarienne du Venezuela. Cette dénomination a fait suite au changement de constitution du pays en 1999 lors de l’élection du Président Hugo Chavez.

Venezuela

Hugo Chavez

Il s’agissait là d’une référence En introduisant dans le nom du pays cette référence fondamentale à Simon Bolivar, héros de l’indépendance vénézuélienne du joug colonialiste espagnol. Par celle-ci, Chavez exprimait sa volonté de retour à un certain nombre de valeurs héritées de Bolivar comme  le nationalisme et la solidarité pan-américaine comme réaction à l’impérialisme ou l’abolition de la hiérarchie des classes sociales. Ce qui est moins connu du grand public, c’est que l’indépendance du Venezuela et l’idéologie de Simon Bolivar sont très largement le résultat de l’aide et de l’influence d’Haïti.

Les racines

Les début du soutien d’Haïti à la lutte d »indépendance du Venezuela et de nombreux autres états latino-américains est souvent associée à l’asile accordé par le Président de la République d’Haïti, Alexandre Pétion à Simon Bolivar en 1815.

Venezuela

Alexandre Petion

En réalité, le début de l’influence haïtienne sur la révolution bolivarienne peut être tracée à une période bien antérieure.

Dès 1799, sous Toussaint Louverture, des corsaires haïtiens sous le commandement des frères Gaspar Bossé tentent de répandre, comme un jeu de domino, le renversement des autorités blanches et esclavagistes au Venezuela, après y être parvenu quelques années auparavant en Haïti quelques années auparavant. Si cette tentative de sédition sera finalement un échec, elle constituera la première tentative sérieuse de lutte d’indépendance contre le pouvoir colonial espagnol en terre vénézuélienne.

Le second épisode se déroulera en 1806 avec Francisco de Miranda, le principal précurseur de Bolivar dans la lutte de l’indépendance du Venezuela. Miranda était hostile envers le projet idéologique de transposition de la révolution haïtienne dans son aspect ethno-racial au Venezuela. La réalisation d’un tel projet aurait en effet menacé sa position de Blanc issu de la couche aisée de la société vénézuélienne.

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Francisco de Miranda

Miranda allait toutefois bénéficier de cette solidarité envers les peuples opprimés en Amérique initiée par Haïti, empruntant dans la ville de Jacmel deux navires ainsi que leurs corsaires pour l’aider dans sa tentative infructueuse de libération du Venezuela.

Fait hautement symbolique, c’est à Jacmel en Haïti, que sera réalisé et hissé pour la première fois le drapeau du Venezuela, créé par Miranda.

Après l’assassinat du premier Empereur d’Haïti Jacques I en 1806, le gouvernement du pays est partagé entre deux de ses anciens généraux, Pétion au sud et Henri Christophe au nord.

Après l’ascension de Pétion

Cette arrivée au pouvoir d’un métis au pouvoir au sud d’Haïti va faire évoluer les relations entre les révolutionnaires vénézuéliens et les autorités du sud du pays. A la chute du pouvoir noir radical haïtien autrefois craint par eux et incarné par Dessalines, les révolutionnaires vénézuéliens allaient reconnaître en le nouveau pouvoir incarné par Pétion un partenaire partageant avec eux une même vision de la révolution non basée sur la prise du pouvoir des Noirs sur le reste de la population.

L’aide d’Haïti au Venezuela allait se faire de plus en plus fréquente. En 1812, 1813 et 1815, des meneurs d’expéditions vénézuéliens viendront rechercher en Haïti un soutien militaire et logistique. A cette période, Haïti accueillait des révolutionnaires latino-américains qu’ils soutenaient logistiquement, financièrement et moralement dans leurs projets de lutte. Ces soutiens étaient rendus possibles grâce à un fond spécial issu du Trésor Public nommé ‘Secours Patriotique’ destiné à aider les combattants pour la liberté du reste du continent. Il s’agissait là des prémisses de la solidarité pan-américaine dont Pétion et Bolivar allaient devenir les deux incarnations officielles, mais qui impliquera en réalité toute la société haïtienne et dont se réclamera près de deux siècles plus tard Hugo Chavez dans la création de la République Bolivarienne du Venezuela.

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Simon Bolivar

L’influence haïtienne sur l’indépendance du Venezuela  et sur la formation de la République Bolivarienne d’Haïti s’est également faite sur l’idéal de la disparition de la hiérarchie des classes sociales. En 1814 Pétion avait déjà fourni une aide financière à Bolivar et à sa famille, une aide issue du ‘Secours Patriotique’. Lorsque ce dernier fuira la Jamaïque en 1816, il se réfugiera en Haïti où Pétion n’acceptera de lui fournir une aide militaire, logistique et financière si Bolivar acceptait de s’en servir pour libérer les esclaves de l’Amérique espagnole.  Il y parviendra en juin 1816 avant d’enchaîner les succès militaires jusqu’à déclarer l’indépendance des actuels Venezuela, Colombie, Panama et Equateur.

Cette dette à l’égard d’Haïti, ce grand pays qui s’était sacrifié pour redonner leur fierté aux peuples d’Amérique, Bolivar allait la matérialiser à d’innombrables endroits de sa correspondance destinée à son ami Pétion, mais également à son île en général comme le montre ce courrier de 1818 destiné à Jean-Pierre Boyer, successeur de Pétion:

« Je désire ardemment que le Venezuela soit libre afin de pouvoir établir des relations plus fréquentes et plus suivies avec les valeureux Haïtiens et pouvoir leur manifester les sentiments fraternels et amicaux des Vénézuéliens pour eux, et les miens en particulier ».

Une dette et une admiration qui traverseront les siècles pour se retrouver intacts dans les paroles de Chavez, artisan du renouveau bolivarien au Venezuela.

Références :
Alain Yacou (éd) / Bolivar et les peuples de Nuestra America

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