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Les Coromantins, ces Akans rebelles des Amériques

Culture

Les Coromantins, ces Akans rebelles des Amériques

Par Makandal Speaks 9 novembre 2016

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Franswa Makandal – Désignant originellement les Ashanti asservis et déportés en Jamaïque, le terme Coromantin qualifia par la suite tout africain (principalement du groupe Akan) ressortissant de la Gold Coast (Ghana moderne).

Les Coromantins, ces Akans rebelles des Amériques

Mais qui sont véritablement les Coromantins ? D’où vient ce terme ? Qu’est-ce qui fait d’eux un des groupes ethniques les plus actifs dans les luttes de résistance au système esclavagiste ? Voici quelques questions auxquelles cet article tentera de répondre.

Coroman…Quoi ?

Tout d’abord, il semble judicieux de revenir sur la genèse du terme Coromantin, afin de nous imprégner au maximum du contexte dans lequel ce nom est apparu. Ainsi Coromantin (aussi orthographié Coromantee, Coromanti, Koromantins) est directement dérivé de Fort Koromantine. C’est le nom d’un fort britannique, plus tard passé sous contrôle néerlandais, où étaient entassés des esclaves.

Vue de face du Fort Coromanti, désormais Fort Amsterdam dans le Ghana actuel

Vue de face du Fort Coromanti, désormais Fort Amsterdam dans le Ghana actuel

Les Coromantins étaient issus de différentes populations Akan, un groupe ethnique installée principalement au Ghana et en Côte d’Ivoire. Du fait de rivalités les opposants au cours des XVII et XVIII ème siècles, certains groupes, notamment les frères ennemis Asante et Fanti, passèrent diverses alliances avec des puissances coloniales et esclavagistes rivales. Les Asante avaient pactisé avec les néerlandais tandis que les Fanti s’étaient associés au britanniques. Qu’ils soient razziés, captifs de guerre, soldats tombés dans une embuscade, les populations Fanti et Asante furent au final, et malgré leurs accords respectifs avec les européens, indistinctement déportés vers les Amériques pour y être réduits en esclavage. Les britanniques via le Fort William disséminèrent les Fanti à travers leur possessions (Jamaïque, Barbade etc). Les néerlandais  via le Fort Koromantin expédièrent, quant à eux, leurs captifs vers le Brésil et la Guyane.

L’histoire aurait pu se terminer ici. Cependant, bien qu’adversaires sur le continent africain, l’unité culturelle Akan permit au Coromantins (Fanti et Asante principalement) de faire front commun, devenant un groupe craint par les esclavagistes les plus cruels.

La cérémonie Yam observée par les groupes Akan

La cérémonie Yam observée par les groupes Akan

Avant toute choses rappelons que les Coromantins, appartenaient tous à un des quarante groupes Akan. Ils partageaient tous un langage politique et diplomatique commun. Ils étaient liés par une mythologie commune. Leur folklore était quasi-identique. Ils avaient des prénoms donnés en fonction du jour de naissance (Akissi, Koffi, Acouba, Kodjo, etc). Mais surtout, ces groupes Akan étaient dépositaires d’une puissante tradition d’organisation militaire qui leur fut d’une grande utilité dans le Nouveau Monde.

 

Les coromantins ou l’art de la guerre 

Ce haut degré de militarisation fut certainement ce qui fit des Coromantins les leaders de nombreuses insurrections sanglantes. D’abord en Jamaïque, mais aussi dans le reste de la Caraïbe. Parmi les révoltes les plus célèbres ont peut noter :

  • La rébellion d’Antigua de 1736 fomentée par un esclave africain du nom de « Prince Klaas » et qui fit de nombreuses victimes du côté des maîtres. Prince Klaas fut couronné « Roi des Coromantins » lors d’une cérémonie. Malheureusement pour eux, les blancs prirent pour un spectacle clownesque ce qui était en réalité une déclaration de guerre rituelle.
  • L’insoumission des esclaves de la Jamaïque de 1760 que l’on doit à un certain Tacky. Ce dernier était un Coromantin d’origine Ashanti, ancien général réduit en esclavage. Il avait planifié avec la célèbre reine « Nanny des Marrons » de fonder un état noir indépendant en Jamaïque, alors sous domination coloniale britannique. Cette rébellion fut, avec la révolution haïtienne, l’une des insurrections les plus importante de la Caraïbe .
  • Le soulèvement de Berbice (Guyana) de 1763, manigancé par un Coromantin du nom de Cuffy (=Koffi) qui parvint à mobiliser plus de 2500 noirs contre le régime esclavagiste néerlandais. Ayant mis la main sur des armes à feu, Cuffy mena son armée d’esclaves insurgés à l’assaut de la plantation et de la demeure du maître. Cuffy l’emporta sans mal, se payant même le luxe de prendre en épousailles son ancienne maîtresse. Ce ne fut que la trahison de l’un de ses lieutenants qui mis un terme à son épopée.
Guérilla forestière menée par les troupes Ashanti contre l'armée britannique

Affrontement durant la guerre Anglo-Ashanti

Ces exemples ne constituent qu’un petit échantillon des révoltes engagées par des leaders Coromantins. A celles-ci peuvent s’ajouter de nombreuses autres rébellions en Jamaïque ou encore aux État-Unis. Le caractère belliqueux des Coromantins ainsi que leurs nombreuses insoumissions, furent l’une des principales raison qui poussa les autorités britanniques à promulguer le Slavery Abolition Act en 1833. Cette loi mettait officiellement un terme à la l’esclavage institutionnel dans les possessions caribéennes de la Couronne d’Angleterre. Leur mentalité d’hommes fiers était tellement prononcée qu’ils se firent rapidement une mauvaise réputation parmi les propriétaire de plantations. De ce fait, dès 1765 un projet de loi visant à interdire la déportation de Constantin fut proposée. L’administrateur colonial , historien et auteur britannique, Edward Long écrivit d’ailleurs à ce sujet :

Un tel projet de loi, s’il est adopté frapperait à la racine même du mal. Plus aucun Coromantin n’infesterait ce pays, mais plutôt que leur race sauvage, l’île serait ravitaillée avec des Noirs d’une disposition plus docile et plus encline à la paix et à l’agriculture. 

Indubitablement, les maîtres esclavagistes ne devaient pas dormir sur leurs deux oreilles à proximité d’une potentielle marée noire, unie et militairement organisée. Seule l’application par les maîtres planteurs, du célèbre adage « diviser pour mieux régner« , leur permit de limiter l’impact des Coromantins.

L’héritage des coromantins 

L’impact culturel des Coromantins sur l’aire caribéene fut important, particulièrement en Jamaïque. Les traces de Twi, un dialecte Akan parlé au Ghana dans l’argot jamaïcain sont encore perceptibles de nos jours. Il en va de même pour les contes et légendes de Kwaku Anansi, personnage folklorique Ashanti. Ces derniers ont survécut au « Passage du Milieu » sous les traits d’Anancy ou Ba Yentay en Jamaïque, de Bru Nansi aux Iles Vierges, d’Anancy Drew aux Bahamas, d’Aunt Nancy en Caroline du Sud ou encore de Ba Anansi au Suriname.

En territoire hostile, en pleine période esclavagiste, des hommes et des femmes déterminés se sont levés contre l’oppression. Ils ont puisé leur force dans leur culture africaine originelle. Ils ont mis de côté leurs différends ancestraux afin de s’associer pour faire face efficacement à un ennemi commun. Les Coromantins matérialisent parfaitement la puissance de l’unité noire.

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