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Minerais du sang : le Rwanda accueillera la première usine de traitement de coltan

Economie

Minerais du sang : le Rwanda accueillera la première usine de traitement de coltan

Par SK 19 septembre 2016

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La compagnie américaine AB Minerals, a annoncé que la première usine de traitement de coltan en Afrique ouvrirait au Rwanda d’ici 2017. Une nouvelle étonnante quand on sait que le Rwanda n’est  pas producteur de ce minerai, mais qu’il en est  néanmoins le premier exportateur mondial, grâce aux réserves de la République démocratique du Congo.  Qu’en est-il de la question du Kivu dans cette affaire ?

Cette annonce remet sur le devant de la scène la guerre d’intérêts qui se joue actuellement au Kivu (Nord de la RDC). Il s’agira de la première usine de transformation de coltan en Afrique. Le Rwanda est le premier exportateur mondial de coltan, alors qu’il n’en produit pas. En effet, ce minerai est exporté depuis la République démocratique du Congo. En 2013, d’après les chiffres de la Banque nationale du Rwanda (BNR), les recettes du coltan s’élevaient à 134,5 milliards de dollars, avec 2, 466,025 kg de tantale exporté soit 28% de la production mondiale. Il est l’un des principaux enjeux du conflit le plus meurtrier du XXème siècle. La colombite-tantalite (coltan), précieux matériau qui sert à la fabrication de smartphones, micro-ondes et autres objets de technologie pointue, fait des millions de morts dans la région du Kivu, en République démocratique du Congo. Tout comme l’Ouganda, le Rwanda participe à cette situation, avec une intensification de sa présence via l’exportation du génocide en 1994, puis, par la fabrication de factions rebelles rwando-congolaises qui veillent aux intérêts financiers des différents exploitants. Car, en deçà des gouvernements locaux, les rebelles armés et les entreprises étrangères tirent également profit de la situation. Les Etats-Unis, partie prenante de ce conflit, consolident ainsi leur présence dans la zone via la compagnie AB Minerals.

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Légaliser le pillage ?

Franck Balestra, PDG d’AB Minerals, a déclaré à l’Agence Ecofin que la construction de cette usine au Rwanda répond à « un besoin urgent d’accroître l’industrialisation du secteur minier en Afrique ». Une initiative visant donc à corriger l’absence d’autonomie industrielle de l’Afrique, quant à ses matières première, et qui permettra de générer de l’emploi. Tout cela  grâce à l’exploitation lucrative d’un tiers américain… Les accords liant AB Minerals au gouvernement rwandais dans cette aventure n’ont évidemment pas été révélés, toutefois, il n’est question nulle part du bénéfice direct pour le Congo et son économie. Kinshasa n’a d’ailleurs fait aucune déclaration suite à cette annonce. Ainsi, les commissions financières et politiques internationales cautionnent ce projet, sous couvert d’une éthique non- encadrée juridiquement. Le Rwanda affirme avoir mis en place un programme n’autorisant à la vente que les minerais exempts de conflit. Cependant, cette loi ayant naturellement compromis plusieurs ventes et l’extraction du tantalite pouvant difficilement  s’effecteur en dehors de la guerre, il apparaît que cette tentative de régulation n’a pas permis d’endiguer la catastrophe.

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Le vide juridique complice de l’hécatombe

L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) devait fournir une réglementation dite sur « les minerais de sang » avant la fin de l’année 2013. Pourtant, aucun rapport n’a emporté l’adhésion des membres à l’unanimité, renforçant ainsi le vide juridique. Cette lacune a permis aux chefs de guerre de s’enrichir dans une impunité quasi-totale. La question de la complicité des puissances mondiales dans l’achat de minerais ensanglantés avait déjà été mise sur la table. Au début des années 1990, le monde découvrait médusé  l’affaire des diamants de sang, cailloux qui avaient été au cœur de conflits meurtriers au Liberia et en Sierra Leone. Ainsi, en 2000, les pays producteurs de diamants s’étaient réunis à Kimberley, en Afrique du sud, afin de créer une instance de contrôle sur la production et le commerce de diamants bruts: le processus Kimberley, entré en vigueur en 2003. Depuis 2014, il compte 54 pays dont 841 participants (l’Union européenne est adhérente et compte comme un seul pays). Il regroupe 99,8 des producteurs mondiaux de diamants et la république démocratique du Congo en fait partie. Elle a même présidé l’une des commissions, se voyant ainsi offrir l’occasion de dénoncer les exactions au Nord Kivu. Selon les rapports, le processus est efficace, du moins dans son domaine (les diamants), mais pour ce qui est des autres minerais, le vide persiste et des compagnies d’exploitations voient le jour au creux des conflits.