Martin Luther King n’était-il vraiment qu’un doux rêveur ?
Culture

Par SK 4 avril 2016
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Par Franswa Makandal. Au panthéon des combattants pour la libération des populations africaines à travers le globe, le Révérend Martin Luther King Jr est certainement l’un des plus connus et populaires. Que ce soit au sein-même de la communauté noire ou pour le reste du monde. Néanmoins, comme c’est souvent le cas avec les personnalités portées à nu, peu d’entre nous ont fait l’effort de chercher à étudier en profondeur le parcours et l’oeuvre de MLK contre la ségrégation raciale et la pauvreté.
Trop d’entre nous ont tendance à résumer le charismatique pasteur africain-américain de Géorgie au rêveur intégrationniste qu’il fut lorsqu’il prononçait le fameux « I have a dream » le 28 août 1963, tout en occultant le révolutionnaire noir qu’il fut jusqu’à son assassinat le 4 avril 1968. Il est vrai que dans l’imaginaire collectif, crée et diffusé via l’Éducation Abrutissement Nationale et les me(r)dias, Luther King le non-violent est en parfaite opposition avec Malcolm X le « raciste noir », suprématiste et violent de la Nation of Islam. Cependant, nous ne devrions pas être dupes et nous souvenir que les élites dirigeantes occidentales ont tout intérêt à promouvoir et à encourager la non-violence plutôt que la radicalité…
Ceux d’entre nous qui ont suivi les recommandations de Cheikh Anta Diop, qui nous enjoignait à nous « armer de sciences jusqu’aux dents« , savent que le Dr King fut bien plus révolutionnaire et radical qu’on veut nous le faire croire…
Dans les dernières années de sa vie, loin du battage médiatique, à l’abri des oreilles indiscrètes, MLK tenait un discours plus tranchant que celui que l’on nous présente habituellement. Un discours remettant en cause la démarche intégrationniste et non-violente qui fut la sienne. On rapporte d’ailleurs à ce sujet, qu’au crépuscule de sa vie, au cours d’une discussion avec son fidèle ami, le chanteur et acteur africain-américain engagé Harry Belafonte, le Révérend King déclara :
« Tu sais, nous nous sommes battus longtemps et durement pour l’intégration … Mais je te le dis, Harry, je viens de réaliser quelque chose qui me trouble vraiment profondément. Je viens de prendre conscience que je pense que nous allons probablement être intégrés dans une maison en feu « .
Dans l’ouvrage “Where Do We Go From Here?” édité de manière posthume, on apprend qu’un an avant son assassinat, en 1967 le Révérend King s’intérrogeait :
« Pourquoi l’Amérique Blanche se berce d’illusion, et comment faut-il expliquer qu’elle maintienne le mal ? »
Il en arriva même à la conviction que les Blancs n’avaient que faire du respect de la Justice de l’équité pour les Noirs en Amérique, pour King, leur foi en ces principes fondamentaux du respect des droits humains n’était « qu’un fantasme d’auto-tromperie et de vanité confortable ».
Cela ne s’arrête pas là, les griefs de King, qui parlait auparavant de fraternité universelle et de solidarité raciale, devinrent sans pitié et toujours plus violents à l’encontre de l’Amérique blanche et raciste. C’est en tout cas ce que l’on peut lire dans le recueil de discours de MLK, « All Labor Has Dignity » :
« Les Américains blancs ont laissé le Noir sur le carreau et en nombre dévastateur s’en sont allé avec l’agresseur. Il est apparu que le ségrégationniste blanc et le citoyen blanc ordinaire avaient plus en commun entre eux qu’avec le nègre ».
C’est le même Dr King que la culture populaire nous a vendu comme l’archétype du gentil militant noir, qui finis même par admettre, « [qu’]il y a des points au niveau desquels je vois la nécessité de la séparation temporaire comme une simple halte vers une société véritablement intégrée.«
Il y eut aussi la question de la guerre du Viêtnam (un sujet très sensible à cette époque) sur laquelle MLK se prononça sans aucune ambiguïté en 1968 :
« Et je suis triste de dire que la nation dans laquelle nous vivons est la coupable suprême. Dieu n’a pas appelé l’Amérique à s’engager dans une guerre injuste insensée, comme la guerre du Viêtnam. Et nous sommes des criminels dans cette guerre. Nous avons commis plus de crimes de guerre que presque tout autre pays dans le monde, et je vais continuer à le dire. «
Dans son tout dernier discours à Memphis, au milieu des éboueurs en grève le 3 avril 1968, le Dr King fit carrément mention de REPRÉSAILLE NOIRES contre les forces de l’iniquité en utilisant « la puissance du sevrage économique. »
« Jusqu’à présent« , enseignait-il, « seuls les éboueurs ont ressenti la douleur; désormais nous devons faire en sorte de redistribuer la douleur« .
Le gouvernement des USA, comme à son habitude, espionna le Dr King et tenta de faire de sa vie un enfer pour le déstabiliser, le faire craquer. A n’en pas douter, le gouvernement américain a une grande responsabilité dans la mort de notre glorieux aîné, alors âgé de 39 ans, dans ce motel de Memphis, le 4 avril 1968. Parmi les effets personnels de Martin Luther King se trouvait le brouillon d’un discours qu’il se préparait à livrer le dimanche suivant intitulé: « Pourquoi l’Amérique ira probablement en Enfer« .
Que s’est-il passé dans le cheminement intellectuel de Martin Luther King pour amorcer ce virage révolutionnaire en fin de vie ? A-t-il compris que sa démarche non-violente pour apporter le bien-être aux africain-américains était plus que limitée ? Est-ce la rencontre du Dr King et de son épouse Coretta avec Elijah Muhammad (le leader de la Nation of Islam de l’époque) à son domicile de Chicago le 24 février 1966 qui entraîna la radicalisation de son discours ? Je laisse à chacun le soin de se faire son propre avis en approfondissant les quelques pistes de réflexion et clés de compréhension de cet article…
Quoiqu’il en soit, il est urgent, vital, fondamental, pour ceux d’entre nous motiver par le désir d’élévation de notre communauté, de comprendre Martin Luther King dans sa globalité, dans sa complexité, de l’étudier intensément et de conserver son héritage contre ceux qui voudraient faire mauvais usage de ses paroles pour envoyer et maintenir la communauté Noire de France et d’ailleurs dans un « bâtiment en feu« .
Panafricainement Votre, Franswa Makandal