De par leur résistance à l’esclavage et leur vie dans un contexte de marronnage, les Boni de Guyane française ont conservé une composante africaine très marquée dans leur culture. Echantillon.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Les Boni (ou Aloukou) de Guyane (également présents au Surinam) descendent, comme les autres populations afro-descendantes des Amériques, de populations africaines. Toutefois, l’identité africaine des Boni semble bien plus marquée que beaucoup d’autres populations noires des Amériques. Dans le domaine de la religion et du vocabulaire notamment, les traces de l’Afrique centrale et occidentale y sont fortement présentes, même si leur langue est un créole à base lexicale anglaise.
D’après les chercheurs, la culture des Boni tire une grande partie de ses origines des cultures akan du Ghana et de Côte d’Ivoire. Ainsi, de manière extraordinaire, la culture traditionnelle boni utilisait la célèbre liste de prénoms akan (empruntée par d’autres populations africaines jusqu’au Bénin) basée sur le sexe et le jour de la semaine:
Chez les Boni
Masculin / Féminin
Kodio Aduba
Kwami Abeniba
Kwakou Akuba
Yao Yaba
Kofi Afiba
Kwamina amba
Kwasi kwasiba
Chez les Akan
Masculin / Féminin
Kodjo Adjoa
Kwabena Abena
Kwaku Akua
Yao Yaa
Kofi Afua
Kwame Amma
Kwasi Akosua
Chez les Akans comme chez les Bonis, la société est matrilinéaire, chez les uns comme chez les autres, Dieu est appelé par le titre ‘Nana’ qui est un titre d’aînesse. L’une des langues secrètes des anciens boni était manifestement très proche de l’ashanti du Ghana. Ils partagent aussi le tambour Apinti, la notion ontologique de akan (o)kra (pluriel akra) qui est la force vitale reçue de Dieu connue sous le nom d’Akaa chez les Boni; la danse Awissa connue sous le nom d’Awassa chez les Boni, ou encore le transport du cadavre transporté dans le cercueil par deux porteurs connu de ceux populations des côtés de l’Atlantique.
Si la marque des Akans sur la culture boni est très visible, celle des populations de langue gbe (éwé, fon, aja, etc.) s’y retrouve aussi. Ainsi, on retrouve par exemple le culte du Python Dangbe appelé Dagwe chez les Boni, le nom générique du clan lo qui proviendrait de la langue éwé.
Une partie de la culture et du vocabulaire des Boni viendrait également de locuteurs de langues bantoues, comme le montrent notamment l’usage de mots comme kumba pour désigner le nombril comme c’est le cas dans des langues bantoues occidentales, ou bansa qui signifie flanc et qui provient du kikongo ou d’une langue proche où ce mot se retrouve sous la forme mbaansya.
Plus frappant encore, et même s’il est plus difficile d’identifier leur identité avec leurs prototypes africains, des noms boni semblent pouvoir tracer leur origine dans des régions précises du coeur de l’Afrique. On retrouve ainsi des noms ressemblants à des noms bantous comme Makele, Oyoo, Bangassa ou Bangassa ; à des noms fon comme Agossou, porté par un chef de ce groupe ethnique et fils de celui qui aurait donné son nom à l’ethnie, Boni commun chez les Akan de Côte d’Ivoire et qui trouve son représentant le plus célèbre à travers le footballeur ivoirien d’ethnie agni Wilfried Bony.
Le monde des marrons du Maroni en Guyane (1772-1860): la naissance d’un peuple, les Boni / Jean Moomou
Voir aussi le reportage intéressant de Serge Bilé sur le sujet.