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Assata Shakur, icône du militantisme noir US victime du rapprochement americano-cubain?

Société

Assata Shakur, icône du militantisme noir US victime du rapprochement americano-cubain?

Par Sandro CAPO CHICHI 20 décembre 2014

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La récente annonce de la normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba est généralement bien reçue dans le monde noir activiste. Toutefois, une inquiétude s’y fait ressentir : elle concerne l’extradition d’Assata Shakur, ancienne militante des Black Panthers, exilée depuis 1984 à Cuba et qui depuis 2013, est la première femme sur la liste des terroristes les plus recherchés des Etats-Unis. Tante de Tupac Shakur, elle a été l’objet de nombreux hommages dans le hip-hop américain et dans la musique noire en général.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Presque inconnue dans la communauté noire francophone, Assata Shakur est une véritable personnalité aux Etats-Unis.  Née en 1947 et membre du Black Panther Party en 1970, puis de la Black Liberation Army, une branche de celle-ci, elle rejoint la Republic of New Afrika, une organisation dont l’objectif était de réunifier de créer des Etats indépendants dans les régions du sud des Etats-Unis à majorité noire.

L'ignoble J. Edgar Hoover, alors à la tête du FBI et à l'origine du programme COINTELPRO

L’ignoble J. Edgar Hoover, alors à la tête du FBI et à l’origine du programme COINTELPRO

Au début des années 70, qui voient les dernières années officielles du programme COINTELPRO du FBI destiné notamment à neutraliser les organisations luttant pour les droits des Noirs, Shakur aurait été la victime de CHESROB, un programme du FBI consistant notamment à la faire soupçonner et accuser  de tous les crimes commis par des femmes noires de la Côte Est. Après sept incidents ayant eu lieu entre 1971 et 1973 dont elle est au final acquittée à l’exception de son implication dans la mort du policier Werner Foerster en 1973 lors d’un contrôle de police qui aurait mal tourné dans le New Jersey, une implication qu’elle a toujours niée, Assata Shakur est condamnée à 33 ans de prison.

Assata Shakur en 1973

Assata Shakur en 1973

En 1979, avec l’aide de son frère  Mutulu Shakur et d’autres militants du Black Liberation Army, elle parvient à s’échapper de prison, vit comme une fugitive dans son pays avant de rejoindre Cuba en 1984, où elle obtient l’asile politique et habite depuis. Trois ans plus tard, elle y publiera son autobiographie, Assata qui est aujourd’hui considéré comme un classique de la littérature noire américaine militante.

Assatabio

Par son activisme dans les années 70, sa résistance aux divers complots dont elle a été victime via COINTELPRO (l’une des banques qu’on l’avait accusé d’avoir braqué n’existait même pas encore à l’époque!) , pour son apport idéologique au militantisme afro-américain (elle avait quitté les Black Panthers en critiquant leur manque d’intérêt pour l’histoire des Noirs) et pour avoir réussi à doubler et à narguer le FBI, pour avoir accouché de sa fille en prison, d’en être séparée pendant des années et d’avoir été torturée par la police américaine juste après son accouchement, Assata Shakur a inspiré parmi les plus grands artistes noirs US. 2Pac, son neveu par alliance- il est le beau-fils de son frère Mutulu Shakur-, termine sa chanson Words of Widsom  par la phrase « Assata Shakur…Cauchemar de l’Amérique » .

Le rappeur Common, après lui avoir rendu visite à Cuba, lui a dédié une chanson ‘A song for Assata’ en 2000 puis l’a mentionné dans un duo avec Jay-Z en 2013.

Les membres de Public Enemy s’en sont déclarés des supporteurs en 1988 dans la chanson ‘Rebel without a pause’.

En 2013, 40 ans après la mort de Werner Foerster, Assata Shakur fut la première femme placée sur la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI, doublant la prime de sa capture à deux millions de dollars.

Toutefois, quelques jours après la normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis, les autorités du New Jersey ont demandé l’extradition d’Assata Shakur, afin qu’elle y termine sa peine de prison. Cette demande aboutira-t-elle? Shakur décrivait le Cuba de l’ère Fidel Castro comme le plus grand camp d’esclaves réfugiés que la terre n’ait jamais connu. En dépit d’améliorations des relations entre les anciens pays rivaux américains et cubains, on peut penser et espérer que l’esprit de la Révolution de Cuba ne sera pas trahi par Raul Castro et que la légende d’Assata Shakur, cette fugitive qui avait trompé la vigilance du plus puissant état militaire de l’histoire prendra fin à Cuba dans la liberté.

Affiche d'"Hands off Assata" (ne touchez pas à Assata), une campagne en ligne en défense d'Assata Shakur et son traitement par la justice US

Affiche d' »Hands off Assata » (ne touchez pas à Assata), une campagne en ligne en défense d’Assata Shakur et son traitement par la justice US