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Rencontre avec Runoko Rashidi, historien afro-américain

Culture

Rencontre avec Runoko Rashidi, historien afro-américain

Par Sandro CAPO CHICHI 26 novembre 2014

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Lors d’un de ses passages à Paris, NOFI eu l’occasion de rencontrer et d’interviewer le chercheur afro-américain Runoko Rashidi. Son domaine de recherche principal est ce qu’il appelle la Présence africaine dans le monde (Global African Presence).

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Par Présence Africaine, il ne fait pas référence à la célèbre maison d’édition parisienne ; ni à la présence de Sénégalais, de Maliens, d’Ethiopiens ou de Nigérians ayant quitté leur continent d’origine à la recherche d’une nouvelle vie.

Du moins pas totalement. Car si aucune de ces nationalités n’existait il y a 70000 ans, à partir de cette période, des Africains ont effectivement quitté l’Afrique pour s’établir en Asie, en Océanie, en Europe et en Amérique.

Ce sont les descendants de ces populations, celles qui auraient conservé leur peau noire de cette période, comme les Indiens dravidiens, les Sumériens, les aborigènes d’Australie ou les habitants des îles Andaman qui constitueraient, au même titre que les descendants africains cette présence africaine dans le monde. J’entends déjà la remarque suivante sommeiller dans la bouche de certains des lecteurs de ce texte:

« Marre des Noirs Américains qui rejettent leurs racines africaines! Quel complexé ! Il peut pas s’intéresser
à ses vrais ancêtres? Les vrais Africains? »

Non, Runoko Rashidi n’est pas un de ceux qui s’intéressent aux ancêtres des peuples du monde entier sauf aux siens.

Un disciple de Marcus Garvey, un des pères du Panafricanisme, il s’est d’abord intéressé dans ses recherches à…l’Egypte. Bon d’accord ce n’est probablement pas exactement la terre de ses ancêtres directs, mais c’est déjà leur continent. Mais plus sérieusement, Runoko Rashidi s’intéresse véritablement à l’Afrique, et le montre dans certaines de ses publications et de ses conférences. Elève du Dr Ivan van Sertima, un théoricien de la présence d’Africains en Amérique précolombienne, Runoko Rashidi décida d’étendre de manière radicale cette thématique en s’intéressant à tous les Noirs du monde dans une perspective panafricaniste.

Rashidi donnant une conférence sur son mentor Ivan van Sertima au Guyana

Rashidi donnant une conférence sur son mentor Ivan van Sertima au Guyana

Son intérêt pour les peuples noirs séparés depuis longtemps du continent est facilement justifiable. Des Noirs africains ont pu, dans le cadre de l’esclavage quitter le continent , perdre la langue de leurs ancêtres et une bonne partie de leur culture, mais au final se définir comme des Africains du fait de leur apparence et leur origine. C’est le cas de Runoko Rashidi et de ses ancêtres. Pourquoi alors d’autres Noirs comme les Fidjiens, les Négritos d’Asie du Sud-Est ou les Indiens Dravidiens ne pourraient-ils pas le faire?

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Carte postale représentant un homme fidjien

L’essentiel de la recherche de Runoko Rashidi est aussi originale que sa thématique de recherche.

Bien que Runoko Rashidi ait obtenu un doctorat et ait enseigné à l’Université, il a décidé de quitter cette institution. Ses recherches, il les effectue à travers les voyages. Elles portent sur l’étude de l’iconographie, sur quelques textes, sur la discussion avec les populations, leurs traditions, leur vision de l’Afrique, etc.

Femme indienne à Mumbai par Ramzi Hachicho

Femme indienne à Mumbai par Ramzi Hachicho

Comme toute théorie scientifique, celle du Dr. Rashidi rencontre des accrocs.
Certains Aborigènes d’Australie refusent notamment  d’admettre leur origine africaine.

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Le Grand Sphinx : selon le leader de la Nation of Islam Louis Farrakhan, son nez aurait détruit par le raciste Napoléon pour cacher sa négritude au monde entier

De même, son honnêteté scientifique lui a parfois joué des tours. C’est ainsi qu’il m’a rapporté comment il s’était fait violemment attaquer par des lecteurs noirs qui affirmaient que les nez des statues égyptiennes avaient été cassés par des Blancs racistes voulant occulter la négritude du peuple des pharaons. Rashidi avait pointé du doigt que cela ne pouvait être le cas, puisque des statues grecques et romaines souffraient des mêmes dégâts.

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Statue d’une déesse romaine au nez cassé…Et ne me dites pas…

"Elle était NOIRE!!!!"

« Elle était NOIRE!!!! »

 

De même, certains postulats avancés par le Dr. Rashidi sont de véritables raccourcis.

Ainsi, par exemple, dans son ouvrage parce qu’un chercheur américain en 1927 du nom de Chamberlain avait déclaré que Sakanouye, un aborigène du Japon du 7ème siècle était un nègre, sans que l’on sache de qui et d’où lui venait cette information, qu’aucune autre source que cet écrivain du début du 20ème siècle ne le corroborait, il en a conclu que les premiers Japonais étaient des Noirs, et donc que les Noirs pouvaient se réclamer de ce patrimoine. Il s’agit d’un type de conclusions très fragiles, qui selon moi pourraient avoir des conséquences néfastes sur l’éducation et la formation des jeunes Noirs dans le monde. Mais une nouvelle fois, quelle théorie scientifique, quel chercheur n’a pas de maillon faible ?

Runoko lors d'une conférence en Colombie

Runoko lors d’une conférence en Colombie

Runoko Rashidi ne fait pas exception à la règle et son œuvre, colossale, mérite d’être étudiée, discutée et critiquée. C’est une meilleure connaissance de lui même que l’homme noir a y gagner.

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