Piankhy, le conquérant soudanais de l’Egypte ancienne

Après le XIe siècle avant notre ère s’était développé un royaume autour de la ville de Napata au Soudan. En lançant, au VIIIe siècle, une guerre sainte au nom du dieu Amon, Piankhy, un des rois de Napata, allait faire passer cet État au statut de puissance régionale à celui de puissance internationale en conquérant l’Egypte et en instaurant la dynastie desdits « pharaons noirs »

Par Sandro CAPO CHICHI

Origines et début de règne

La prononciation et l’origine du nom de Piankhy ne sont pas connues des spécialistes, même approximativement. Le célèbre historien égyptien Manéthon fait en effet commencer la 25e dynastie égyptienne avec Shabaka, qu’il appelle Sabacon, et non avec Piankhy. Aucun autre texte étranger ne mentionnant son nom, on ne peut être sûr qu’il s’agisse d’un nom purement égyptien ou d’un nom kouchite ressemblant au nom égyptien signifiant Piankhy, qui signifie quant à lui « le vivant ». Nombre de ses successeurs semblent en effet avoir eu des noms authentiquement kouchites. Lorsque leurs noms ont été retranscrits en écriture égyptienne, ils le furent avec des noms ou des phrases égyptiens ressemblant à leurs noms. Il a ainsi été suggéré que son nom était effectivement Piankhy, un nom égyptien, Peye ou Piye, qui serait un nom kouchite, ou plus récemment Bu(n)xw(e), qui serait son nom kouchite d’origine et qui aurait ressemblé à Piankhy.

Piankhy est le fils de Kashta, roi de Napata et héritier d’une chefferie basée à el Kourrou dans l’actuel Soudan. Formée après une longue période de colonisation égyptienne, cette chefferie est influencée, dans l’expression de sa royauté, par l’Egypte des pharaons. Piankhy accède au trône de Napata après la mort de Kashta, vers 755 avant notre ère. Entre-temps, sa sœur Amenirdis Ire, a été nommée divine adoratrice du Dieu Amon. Ce titre sacerdotal signifie aussi l’autorité religieuse et politique de Kashta et des rois de Napata sur la région de Thèbes, capitale de l’Egypte.
Lors de son accession au trône, Piankhy adopte une titulature égyptienne comprenant cinq noms. L’un de ces noms est le même utilisé par trois souverains de la 23e dynastie, Pedubast I, Takelot III et Osorkon III. Deux autres de ces noms sont les mêmes que ceux du célèbre Pharaon de la 18e dynastie Thoutmosis III. Le fait que ces noms soient portés par ces rois était très vraisemblablement connu de Piankhy. D’après l’égyptologue hongrois Laszlo Török, ils furent choisis par lui en espérant rééditer leurs règnes respectifs de restaurateurs de l’ordre traditionnel et de conquérant en Asie et au Soudan.
Le règne de Piankhy nous est principalement connu par trois documents : une stèle fragmentaire de grès, une autre stèle fragmentaire de granit et une stèle triomphale érigée après sa conquête du pays.
Dans la première, il fait part de son devoir d’expansion du territoire de Kouch, ainsi que de son programme de réunification de l’Egypte et du royaume kouchite, tout en laissant l’autonomie politique aux chefs qu’il vaincra. Le royaume des Pharaons est alors morcelé entre le pouvoir de roitelets et de chefs au Nord du pays. Piankhy estime sa légitimité supérieure à la leur et ce droit de régner lui est donné par le Dieu Amon, commun aux Kouchites et aux Nubiens.
Dans la stèle fragmentaire de grès, il déclare, fier et sûr de sa prédestination: « Amon de Napata m’a fait souverain de toutes les nations. (…) Amon de Thèbes m’a fait souverain de l’Egypte. (…) Les dieux peuvent faire les rois, Les hommes peuvent faire les rois, Moi c’est Amon qui m’a fait ! »

Le casus belli

Au début de son règne, Piankhy semble avoir pris part à un conflit avec une ou des armées du nord de l’Egypte. Ce n’est que plus tard que Piankhy rapporte être entré en conflit avec les puissances du nord de l’Egypte. Tefnakht, un chef des groupes ethniques libyques Meshwesh et Libu,  réagit à une potentielle invasion assyrienne de l’Egypte en fédérant autour de son domaine de la ville de Saïs plusieurs autres domaines du Nord et la Moyenne l’Egypte dont Memphis et Hermopolis, auparavant alliée de Piankhy. Il avance vers le sud de l’Egypte et porte le siège sur la ville d’Hérakleopolis, alliée de Piankhy. Probablement en raison de la présence de sa sœur Amenirdis en tant que divine Adoratrice d’Amon, où elle dispose d’une autorité spirituelle majeure dans la région de Thèbes, Piankhy y possède des troupes. Il décide d’envoyer des troupes de Thèbes et de Napata pour conquérir le nord de l’Egypte et remporte quelques victoires.

L’invasion de Piankhy

Après la défaite de ses troupes, il décide de mener personnellement une armée vers le nord de l’Egypte. Il arrive, vers 735 avant notre ère, à Thèbes pour célébrer le festival de l’Opet du Dieu Amon. Là-bas, il obtient le soutien officiel des Thébains dans la campagne qu’il prévoit d’entreprendre contre les « rebelles ». Mais cette guerre n’est pas que politique. C’est aussi une guerre sainte à mener contre les « mécréants » libyques qui méconnaissent les rituels appropriés au culte d’Amon. Après avoir levé le siège autour d’Hermopolis, il parvient à obtenir les faveurs de nombreux roitelets de la région et à prendre les villes saintes de Memphis et d’Héliopolis où il reçoit la reconnaissance officielle de sa royauté sur l’Egypte de leurs clergés. Esseulé, Tefnakht, cerveau de la coalition du nord, a fui Memphis pour se rendre dans son fief de Sais. Piankhy envoie alors une délégation pour obtenir la reddition et la soumission de son rival. Piankhy retourne triomphalement à Napata laissant derrière lui l’administration des territoires du nord aux roitelets vaincus.

Il s’agit toutefois d’une erreur stratégique, car au départ de Piankhy, Tefnakht conserve le titre de roi d’Egypte et préserve l’autorité libyque sur le nord de l’Egypte jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Shabaka, son frère et successeur, que de nombreux historiens, dont Manéthon considèrent comme le véritable fondateur de la 25e dynastie égyptienne. Les dix dernières années du règne de Piankhy à Napata sont consacrées à des constructions religieuses notamment destinées à rendre hommage à Amon, le dieu dont il disait qu’il lui avait promis avec raison, lorsqu’il était dans le ventre de sa mère, qu’il deviendrait roi d’Egypte.

 

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

Articles récents

Article précédent
Article suivant

Articles similaires