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DOIT-ON ÊTRE PANAFRICAIN EN FONCTION DES CIRCONSTANCES?

Politique

DOIT-ON ÊTRE PANAFRICAIN EN FONCTION DES CIRCONSTANCES?

Par SK 15 octobre 2014

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Actuellement se joue la vingtième Coupe du monde de football au Brésil. Il y a quelques jours avait lieu le match opposant l’équipe nationale du Ghana à celle des Etats-Unis. Mon choix personnel était une victoire des Américains, qui est l’une des trois équipes que j’aimerais voir aller le plus loin possible dans le tournoi

Une préférence que j’ai relayée sur les réseaux sociaux. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Pour beaucoup d’africains, il est totalement inconcevable qu’un africain puisse soutenir l’équipe opposée à une équipe africaine.

D’aucuns m’ont assimilé à un traitre. Pour d’autres, c’était une honte. Je n’étais pas un vrai africain. Ne voyais-je pas ce que les Etats-Unis font endurer au reste du monde ? Décidément, nous les africains sommes des personnes sur qui on ne doit pas compter pour bâtir une Afrique grande et prospère, etc.

Il y a quatre années, le même Ghana loupait d’un cheveu une qualification historique pour les demi-finales de la Coupe du monde. Performance jamais atteinte par un pays africain. Cette rencontre contre l’Uruguay était épique dans tous les sens du terme. Mais de nombreux africains en ont gardé un goût amer d’injustice. Une amertume totalement injustifiée.

Luis Suarez, l’attaquant uruguayen avait sorti un ballon de but sur la ligne en s’aidant de sa main. Depuis, sous nos latitudes, il est le diable en personne, un filou de la pire espèce, un voleur. Pour avoir empêché un but et pour avoir permis à son équipe de se qualifier, car faut-il le rappeler, un but à ce moment là du match qualifiait le Ghana. Suarez avait mis la main, l’arbitre avait accordé un pénalty au Ghana, expulsé le fautif et Gyan, l’attaquant ghanéen avait totalement manqué son tir.

Comme d’habitude, la thèse du complot a fait son apparition. Il y avait eu complot contre le Ghana et par là, contre l’Afrique. Balivernes. Personne n’a par contre jamais demandé à Asamoah Gyan pourquoi il avait aussi lamentablement manqué le pénalty de la victoire. On y reconnait là cette mauvaise habitude bien africaine de toujours reporter la cause de nos malheurs sur les autres. Personne n’a vu que l’action faisait suite à un coup-franc indûment accordé au Ghana et qu’il y avait deux joueurs ghanéens dont la position de hors-jeu n’avait pas été signalé.

C’est la même rengaine tous les quatre ans. « Nous sommes africains et nous devons soutenir les équipes africaines ». Sauf que ce n’est pas exactement de cette façon que tout le monde fonctionne.

Ceci dit, doit-on attendre la Coupe du monde pour affirmer notre appartenance africaine ? Pourquoi se rend-t-on compte de notre africanité qu’au moment où la FIFA le décide ? Nous ne sommes pas africains seulement pendant la Coupe du monde. Nous le sommes tout le temps. Alors, nous devons le démontrer tout le temps.

Nous sommes sur un continent qui ne manque pas de problèmes. Et notre comportement devant ces problèmes met à mal cette sorte d’union sacrée qui se met en place quand il faut regarder des gens qui courent derrière un ballon.

La République Démocratique du Congo est attaquée et envahie par ses propres voisins. Ces voisins montent et financent des milices qui pillent les richesses de ce pays. Voilà une réalité devant laquelle nous les africains fermons les yeux. C’est la faute aux Occidentaux, nous aimons dire. Il y a quelques semaines, pour des raisons totalement nébuleuses, Kinshasa et Brazzaville (respectivement capitales de la RDC et de la république du Congo) qui sont les capitales les plus proches du monde (séparées par un fleuve) sont entrées dans une guerre des nerfs. Du jour au lendemain les autorités des deux pays ont demandé au ressortissants du pays en face de désormais disposer de passeport et d’un visa pour pouvoir avoir l’autorisation d’entrer sur le territoire. Chaque jour, des milliers de personnes traversent le fleuve dans les deux sens pour aller travailler. Il faudrait désormais à toutes ces personnes et à toutes les autres un visa pour vaquer à leurs occupations. Une véritable hérésie !

Il y a un an et demi, la menace islamiste a vu le jour au Mali. Une autre occasion manquée africaine. Le nord du Mali a été le théâtre d’exactions en tous genres. Le nord du Mali a été le théâtre de beaucoup de destructions. Des mausolées ont été réduits à néant, des bibliothèques ont été mises à sac. La ville de Tombouctou a perdu des siècles d’histoire en quelques semaines, sous l’œil placide des africains. Le seul pays africain qui s’y est risqué fut le Tchad. Lequel a payé un lord tribut dans cette guerre.

Ce type de frénésie inerte a poussé beaucoup d’autres à élever Kadhafi au rang de martyr de la cause africaine. Il faisait la promotion de ce qu’il avait lui-même appelé les Etats-Unis d’Afrique. Le problème est que la présentation qu’il en faisait et les buts qu’il annonçait vouloir atteindre ne feraient pas passer le Continent pour une fédération comme celle des USA, mais la ferait devenir un empire. Cette idée des Etats-Unis d’Afrique, quoique séduisante, se retrouvera confrontée à un sérieux écueil : la trop grande diversité culturelle et traditionnelle des populations. Nous sommes dans un continent où des villages voisins s’affrontent encore à coup de machettes pour des broutilles. En plus de cela, très peu de pays sont prêts à lâcher leur souveraineté, et on a fini par s’habituer aux frontières que nous ont léguées les colons.

Des exemples similaires, on peut en citer à profusion.

Alors, c’est un peu hypocrite et très réducteur de ne sentir naître chez soi ce sentiment d’Africain seulement quand arrive la Coupe du monde. Ce d’autant plus que le football est un jeu et que nous en sommes juste des fans. Ce d’autant plus que la sympathie vis-à-vis de telle ou de telle équipe ne se décrète pas. Elle dépend de la sensibilité de tout un chacun. En tant qu’africains, nous avons des combats bien plus importants que celui de savoir pourquoi ce sont toujours les pays africains qui sont les premiers éliminés de la Coupe du monde.

René Jackson, pour NOFI