Le chanteur américain Mali Music était plus connu pour ses titres gospels. C’est avec un nouvel album aux sonorités hip hop, RnB et parfois reggae, qu’il se réinvente, pour notre plus grand bonheur.
Le succès des enfants de stars est-il légitime ?
Leurs parents sont des icônes de la chanson ou du cinéma depuis de nombreuses années. Les « fils et filles de » sont de plus en plus projetés sur le devant de la scène. Cette volonté de conquérir les charts, le box office ou les podiums est elle due à un réel talent artistique ? Pas toujours.
L’activiste américain Jesse Jackson
Le 8 octobre 1941 nait Jesse Jackson, pasteur baptiste, héritier et proche de Martin Luther King. Il est et restera un fervent militant politique pour la défense des démunis de la société américaine et des droits civiques des noirs.
Le rap : son arme contre le cancer.
Un cancer est une pathologie caractérisée par une prolifération anormale de cellules au sein d’un tissu normal de l’organisme, de telle manière que la survie de ce dernier est menacée. Depuis trois ans maintenant, Jeff Mortimer, un courageux adolescent noir américain de Palm Beach en Floride, souffre d’un cancer musculaire de cette maladie.
Simon Kimbangu, le prophète noir Kongo
En 1921, au cœur du Congo belge, Simon Kimbangu proclame la dignité noire et défie l’ordre colonial. Guérisseur, prophète et prisonnier, il devient l’icône spirituelle d’une Afrique en quête de liberté.
Le prophète et l’Empire
En 1921, dans le silence d’un petit village du Bas-Congo, un homme s’avance, la Bible à la main, le regard habité d’une certitude intérieure. Il dit pouvoir guérir les malades par la prière et l’imposition des mains. Rapidement, les foules accourent, certaines venues de centaines de kilomètres, témoignant de guérisons, d’exorcismes, de signes. L’homme s’appelle Simon Kimbangu.
Nous sommes au cœur du Congo belge, colonie dominée d’une main de fer par l’administration coloniale et les missions chrétiennes. Dans cet univers où la religion est censée légitimer l’ordre colonial, l’irruption d’un prophète noir qui prêche un christianisme africain autonome est une provocation insoutenable.
Car Kimbangu n’est pas seulement un guérisseur spirituel. Il incarne une double contestation : religieuse, en affirmant que Dieu parle aussi à travers un Africain ; et politique, en redonnant aux Congolais une dignité que la colonisation prétendait leur ôter. Ce qui naît à Nkamba n’est pas qu’un mouvement de foi : c’est déjà un soulèvement des âmes contre l’Empire.
Un fils du Kongo
Simon Kimbangu naît en 1887 à Nkamba, village du Bas-Congo, dans une région marquée par l’histoire du royaume Kongo et par la pénétration des missions chrétiennes. Issu d’une famille modeste, il grandit dans un environnement où la mémoire des rois kongo, christianisés dès le XVe siècle par les Portugais, demeure vivace. Le christianisme est là, mais sous tutelle coloniale : ce sont les missionnaires européens qui dictent la foi et encadrent les âmes.
Très tôt, le jeune Simon est remarqué par les catéchistes baptistes. Élève appliqué, il apprend à lire la Bible en kikongo et en français. Baptisé en 1915, il est formé comme catéchiste, chargé d’évangéliser les siens. Mais à la différence de ses maîtres missionnaires, Kimbangu retient surtout que la Parole peut se dire dans la langue et la culture des Africains.
Sa vie avant 1921 est celle d’un homme discret, marié, père de famille, travaillant comme ouvrier. Rien ne le prédestine, semble-t-il, à devenir prophète. Mais au fil des années, il nourrit la conviction intime d’une vocation spirituelle propre : un christianisme débarrassé du paternalisme colonial, recentré sur la dignité et l’espérance du peuple noir.
C’est dans ce terreau (à la croisée du royaume Kongo, du baptisme missionnaire et de la misère coloniale) qu’éclora en 1921 la figure prophétique de Kimbangu.
L’irruption prophétique
Le 6 avril 1921, un événement bouleverse le Bas-Congo. À Nkamba, Simon Kimbangu impose les mains à une femme malade que la médecine missionnaire avait abandonnée. Elle se relève. La rumeur se propage aussitôt : un prophète est né, capable de guérir, de prêcher, de consoler.
En quelques semaines, le village se transforme en lieu de pèlerinage. Des foules immenses affluent des quatre coins du Congo belge, parfois après plusieurs jours de marche. On parle de dizaines de milliers de fidèles rassemblés autour de ce catéchiste devenu thaumaturge. Sa parole est simple mais percutante : elle appelle à la repentance, à la prière, au rejet des fétiches… mais aussi à la dignité et à l’espérance d’un peuple opprimé.
Aux yeux des autorités coloniales, le danger est immédiat. L’État belge et les missions chrétiennes y voient une contestation frontale : non seulement Kimbangu attire les fidèles hors des églises officielles, mais son message semble annoncer la fin d’un ordre injuste. Certains de ses disciples prophétisent même l’émancipation des Noirs et le départ des Blancs.
En quelques mois, le “prophète de Nkamba” est devenu l’âme d’un mouvement de masse : spirituel pour ses adeptes, politique pour ses adversaires. L’alarme coloniale est donnée : ce guérisseur charismatique a franchi la ligne rouge.
La répression coloniale
Face à l’ampleur du phénomène, l’administration coloniale belge choisit la manière forte. Dès l’été 1921, les forces de l’ordre encerclent Nkamba, dispersent les foules et arrêtent Simon Kimbangu.
Son procès s’ouvre en septembre devant un tribunal militaire improvisé à Thysville. Les charges sont lourdes :
- « incitation à la révolte »,
- « atteinte à la sûreté de l’État »,
- « usurpation de fonctions religieuses ».
En réalité, on reproche surtout à Kimbangu d’avoir créé une Église africaine indépendante, échappant au contrôle des missions catholiques et protestantes.
La sentence tombe le 3 octobre 1921 : peine de mort, commuée en emprisonnement à perpétuité après intervention du roi des Belges. L’acharnement judiciaire en dit long sur la peur qu’inspire le prophète : il n’a jamais prôné la violence armée, mais son seul charisme ébranle l’édifice colonial.
Détenu d’abord à Léopoldville, il est transféré en Katanga, à la prison d’Elisabethville (Lubumbashi). Là, commence une captivité interminable de 30 années, marquée par l’isolement le plus strict. Ses fidèles ne le reverront jamais.
Mais loin d’éteindre la flamme, la répression nourrit le mythe : Kimbangu devient le martyr vivant, celui que les colons craignent au point de l’enterrer derrière des murs.
Un prophète derrière les barreaux
Simon Kimbangu entame à Elisabethville (Lubumbashi) une détention qui restera l’une des plus longues de l’histoire coloniale. Pendant 30 ans, il ne connaîtra que les murs, le silence et la surveillance permanente.
- Isolement total : aucun contact avec ses proches, aucune visite de ses fidèles. Ses gardiens eux-mêmes avaient ordre de limiter au strict minimum toute interaction.
- Conditions inhumaines : privations, climat rigoureux du Katanga, santé fragile. Kimbangu, atteint de plusieurs maladies, survit malgré tout ; ce qui renforce l’aura de sainteté autour de lui.
- Résilience spirituelle : même enfermé, il prie, médite, et transmet des paroles de réconfort aux rares personnes autorisées à l’approcher. Ses codétenus le décrivent comme un homme calme, rayonnant, jamais brisé.
Pendant ce temps, à l’extérieur, le kimbanguisme se structure clandestinement. Des disciples fidèles propagent son enseignement, malgré la répression féroce : arrestations, déportations vers d’autres colonies, interdictions de rassemblement.
Pour l’administration belge, maintenir Kimbangu enfermé équivaut à neutraliser une menace. Mais pour les Congolais, chaque année de captivité alimente le récit du prophète souffrant pour son peuple.
En 1951, Simon Kimbangu s’éteint en prison, à 72 ans. Son corps ne sera rendu à ses proches qu’après l’indépendance congolaise, en 1960. À sa mort, il laisse derrière lui non pas un mouvement étouffé, mais une Église souterraine plus vivante que jamais.
Le kimbanguisme après Kimbangu
La mort de Simon Kimbangu, en 1951, ne met pas fin à son œuvre. Au contraire, elle ouvre une nouvelle ère pour ses fidèles, qui se considèrent comme porteurs d’une mission sacrée.
- La clandestinité persistante : jusque dans les années 1950, les autorités coloniales belges traquent impitoyablement les kimbanguistes. Des milliers sont envoyés en camps de travail ou déportés dans d’autres territoires (Rwanda, Burundi, Congo-Brazzaville).
- Transmission familiale : les trois fils de Kimbangu (Charles, Salomon et Joseph) deviennent les gardiens de la mémoire. Ils consolident l’organisation du mouvement et entretiennent l’attente d’un temps nouveau.
- Une Église structurée : malgré l’interdiction, le kimbanguisme se dote de rites, de chants, d’un calendrier liturgique. L’image du « Prophète martyr » devient le centre d’une véritable théologie africaine, enracinée dans le christianisme mais adaptée aux réalités congolaises.
L’indépendance du Congo, en 1960, change la donne. Le kimbanguisme sort de l’ombre et devient rapidement une force religieuse majeure. En 1969, il est officiellement reconnu comme Église kimbanguiste. Cette reconnaissance lui permet d’entrer dans le Conseil Œcuménique des Églises, aux côtés de grandes confessions chrétiennes.
Aujourd’hui, l’Église kimbanguiste compte plusieurs millions de fidèles, principalement en République Démocratique du Congo, mais aussi dans la diaspora africaine et en Europe. Le village natal de Simon Kimbangu, Nkamba, est devenu une « Nouvelle Jérusalem », lieu de pèlerinage et capitale spirituelle du mouvement.
Là où la colonisation voulait éteindre une voix, une Église mondiale est née.
Du prophète colonial au symbole panafricain
L’histoire de Simon Kimbangu dépasse largement celle d’un prédicateur local. Son héritage se déploie sur plusieurs plans, religieux, politique et symbolique.
En proclamant que Dieu pouvait parler à travers un Africain, Kimbangu a brisé le monopole spirituel des missions européennes. Il a ouvert la voie à une théologie enracinée dans la culture et la dignité du peuple noir.
Pour les Congolais et plus largement pour l’Afrique colonisée, son emprisonnement de trente ans en fait un martyr, figure comparable à un Mandela avant l’heure. Son message, pacifique mais subversif, incarne la lutte contre l’humiliation coloniale.
Longtemps occultée par les autorités coloniales et même par les élites post-indépendance, la figure de Kimbangu connaît une réhabilitation progressive. En 2011, la justice congolaise annule officiellement sa condamnation de 1921, effaçant l’injustice coloniale.
À travers l’Église kimbanguiste et le pèlerinage à Nkamba, Kimbangu est devenu un repère spirituel pour des millions de croyants. Son nom circule dans la diaspora africaine, porté comme étendard d’un christianisme noir libéré du joug colonial.
Aujourd’hui encore, chaque 12 octobre, date de sa mort en prison, des milliers de fidèles commémorent celui qu’ils appellent le “Prophète de la Libération”.
Le prophète que l’Empire n’a pas pu étouffer

Simon Kimbangu fut condamné à perpétuité, ses disciples pourchassés, son nom diabolisé. Pourtant, un siècle plus tard, son message rayonne toujours. L’homme que l’administration coloniale voulait réduire au silence est devenu le fondateur d’un mouvement religieux mondialement reconnu, inscrit depuis 1969 au sein du Conseil œcuménique des Églises.
Son destin illustre une vérité universelle : la force d’une conviction spirituelle peut survivre aux prisons, aux décrets et aux empires. Kimbangu n’a pas seulement guéri des malades ; il a guéri des consciences en proclamant que la dignité noire n’était pas négociable.
Ainsi, dans la mémoire congolaise et africaine, il demeure un prophète libérateur, une voix qui, malgré les chaînes et l’exil, n’a jamais cessé de dire que Dieu n’appartenait pas aux puissants, mais à tous les hommes.
Notes et références
- Anderson, Allan. African Reformation: African Initiated Christianity in the 20th Century. Trenton: Africa World Press, 2001.
- Martin, Marie-Louise. Kimbangu: An African Prophet and His Church. Oxford: Basil Blackwell, 1975.
- Gondola, Didier. The History of Congo. Westport: Greenwood Press, 2002.
- Young, Crawford. Politics in the Congo: Decolonization and Independence. Princeton: Princeton University Press, 1965.
- Verhaegen, Benoît. Rébellions au Congo. Tome 1, Bruxelles: CRISP, 1966.
- MacGaffey, Wyatt. Religion and Society in Central Africa: The BaKongo of Lower Zaire. Chicago: University of Chicago Press, 1986.
- Fabian, Johannes. Prophètes congolais du XXe siècle. Paris: Karthala, 1996.
- M’Bokolo, Elikia. Afrique Noire: Histoire et Civilisations, Tome II. Paris: Hatier, 1992.
- Ndaywel è Nziem, Isidore. Histoire générale du Congo: De l’héritage ancien à la République Démocratique. Paris: Duculot, 1998.
- UNESCO. General History of Africa, Volume VII: Africa under Colonial Domination, 1880-1935. Paris: UNESCO, 1985.
Sommaire
Booba – OKLM
Booba est probablement l’un des seuls rappeurs français qui ne lésigne pas sur les moyens quand il s’agit de réaliser des clips. Cette fois encore, il a choisi de faire référence au cinéma américain en s’inspirant du film « Driver » avec Ryan Gosling. La performance est telle qu’on le verrait bien faire une reconversion dans le cinéma. On vous propose de voir le clip ci-dessous et n’hésitez pas à laisser vos avis en commentaire.
Huit chansons initialement écrites pour d’autres artistes
Lorsqu’un morceau a du succès, l’histoire qui a mené à sa réalisation n’est pas toujours celle qui était prévue au départ. Nous vous en avons listé un certain nombre dont les interprètes ne sont pas ceux à qui ces titres étaient destinés.
MANTATISI LA CONQUERANTE
Reine du peuple Sotho (ethnie de l’actuel Lesotho) est une femme de courage, une guerrière et un fin stratège.
Black Panther : Le célèbre procès d’Huey Newton
En 1968, Huey Newton, cofondateur du Black Panther Party, était reconnu coupable de l’assassinat d’un policier. Plus de 6000 personnes manifesteront devant le palais de justice pour sa libération.
Jesse Owens, le sprinteur qui fit vaciller Hitler
En 1936, Jesse Owens ridiculise le mythe aryen sous les yeux d’Hitler à Berlin. Mais ce héros olympique dut affronter, chez lui, l’humiliation de la ségrégation.
Quand un homme défia un empire
Berlin, été 1936. Dans le stade olympique drapé de croix gammées, Adolf Hitler entendait faire de ses Jeux une démonstration éclatante de la supériorité aryenne. Mais sur la piste brûlante, un fils de métayers noirs de l’Alabama s’apprête à pulvériser ce mythe forgé par la propagande. Jesse Owens, surnommé la “Buckeye Bullet”, sprinte comme si sa vie en dépendait. En quelques jours, il rafle quatre médailles d’or, devenant l’athlète le plus titré de ces Jeux.
Pour les foules du monde entier, il incarne un symbole lumineux : celui de la dignité noire humiliant, par la seule force de ses jambes, l’idéologie raciale la plus brutale du siècle. Mais derrière le triomphe, l’histoire cache une ironie tragique : adulé à Berlin, Owens restera méprisé dans son propre pays, encore prisonnier de la ségrégation.
Son destin raconte à la fois l’ascension d’un athlète hors norme et les contradictions d’une Amérique incapable, en 1936, d’honorer pleinement celui qui l’avait pourtant couvert de gloire.
D’un champ de coton à la Grande Migration
Jesse Owens naît le 12 septembre 1913 à Oakville, en Alabama. Petit-fils d’esclaves affranchis à peine deux générations plus tôt, il grandit dans une famille de métayers, ces paysans noirs condamnés à louer la terre contre une part de récolte. Le coton rythme les jours, la misère borne l’horizon. Très tôt, il apprend ce que signifie naître Noir dans le Sud profond : la pauvreté, la ségrégation, la précarité constante.
Comme des milliers d’Afro-Américains à la même époque, les Owens décident de prendre part à la Great Migration, ce vaste exode des Noirs du Sud vers les villes industrielles du Nord. Ils s’installent à Cleveland, dans l’Ohio, espérant échapper à la pauvreté rurale et trouver de meilleures perspectives. Là, dans les quartiers ouvriers, Jesse découvre un autre monde : celui de l’école publique et du sport.
Une anecdote célèbre illustre ce passage. Présenté en classe comme “J.C.” Owens, ses initiales, il est mal compris par son institutrice blanche qui l’inscrit sous le prénom de “Jesse”. L’erreur restera, comme si l’histoire s’était déjà chargée de le rebaptiser pour la légende.
C’est à Cleveland également que son talent athlétique explose. À l’adolescence, il bat ses premiers records scolaires, attirant l’attention des entraîneurs. La piste devient son échappatoire, l’endroit où l’enfant d’Alabama, qui n’était voué qu’à la pauvreté et à l’oubli, se met à courir vers son destin.
Ohio State et la discipline du champion

À l’université d’Ohio State, Jesse Owens ne bénéficie pas de bourse sportive : il doit multiplier les petits boulots (serveur, placeur de parking, aide à domicile) pour payer ses études et son logement. Même champion en devenir, il reste un étudiant noir dans une Amérique ségréguée : il ne peut ni loger sur le campus, ni manger dans les mêmes cantines que ses camarades blancs.
C’est pourtant là que sa rencontre avec l’entraîneur Larry Snyder change son destin. Ancien pilote de chasse, rigoureux et visionnaire, Snyder impose à Owens un entraînement scientifique, mêlant discipline, préparation mentale et travail technique. Entre le coach exigeant et l’élève d’une concentration rare, une relation de confiance totale se noue.
Le 25 mai 1935, à Ann Arbor, Michigan, Owens entre définitivement dans l’histoire. En 45 minutes, il égale ou bat cinq records du monde : 100 yards, 220 yards, 220 yards haies, 220 mètres, et surtout le saut en longueur avec 8,13 m, record qui tiendra 25 ans. Blessé au dos quelques jours plus tôt, il réalise cette performance presque surhumainement, au bord de l’épuisement.
La presse américaine le surnomme alors la “Buckeye Bullet”, la balle de l’Ohio. Mais au-delà des titres, ce jour marque un basculement : Owens n’est plus seulement un jeune espoir, il est désormais un phénomène planétaire. Les Jeux de Berlin approchent, et Hitler, sans le savoir, va bientôt rencontrer son pire cauchemar.
L’épreuve des Jeux nazis

L’été 1936, Berlin se transforme en gigantesque vitrine de la propagande nazie. Hitler veut démontrer au monde la supériorité de la “race aryenne”. Dans le stade olympique flambant neuf, drapeaux à croix gammées et saluts fascistes composent une mise en scène soigneusement orchestrée.
Face à ce décor, un jeune Noir américain entre en piste. Jesse Owens n’est pas seulement un athlète : il devient malgré lui l’incarnation d’un affront idéologique. Pour Hitler, la défaite d’un “homme de couleur” serait naturelle ; sa victoire, une humiliation.
Dès les premières épreuves, Owens pulvérise ces certitudes. Il remporte l’or sur 100 mètres, franchit ensuite 8,06 m au saut en longueur ; aidé par l’encouragement inattendu de son rival allemand, Luz Long, qui lui donne un conseil technique. Ce geste chevaleresque, immortalisé par l’histoire, symbolise une amitié plus forte que la propagande. Puis viennent le 200 mètres et le relais 4×100 m, où il décroche sa quatrième médaille d’or.
En une semaine, Jesse Owens ridiculise le mythe de la supériorité aryenne : quatre victoires, quatre records olympiques. Les tribunes acclament, le monde entier s’incline.
La légende veut qu’Hitler ait quitté le stade pour ne pas lui serrer la main. Les historiens débattent encore : le Führer avait cessé de féliciter tous les vainqueurs dès le premier jour, sur recommandation du CIO. Mais qu’importe : l’image demeure, symbole d’un tyran incapable d’affronter la vérité incarnée par un homme qu’il voulait considérer comme inférieur.
À Berlin, Owens devient bien plus qu’un athlète : il est le démenti vivant de l’idéologie raciale nazie.
Gloire mondiale, mépris national

De Berlin à New York, Jesse Owens est porté en triomphe. Des foules l’acclament, les journaux titrent sur son exploit, et son nom résonne dans le monde entier. Mais dès son retour aux États-Unis, la réalité rattrape brutalement le héros.
À New York, il est fêté lors d’un banquet au prestigieux Waldorf Astoria. Mais ironie cruelle : il doit entrer par la porte de service, car l’hôtel n’admet pas les Noirs par l’entrée principale. Franklin D. Roosevelt, président des États-Unis, ne l’invite jamais à la Maison-Blanche, alors même qu’il représente la gloire nationale. Hitler l’avait ignoré ; son propre pays l’humilie.
Privé de statut professionnel (l’athlétisme est alors amateur) Owens doit multiplier les emplois précaires. Pour survivre, il accepte des exhibitions insolites, courant contre des chevaux ou des motos devant des foules avides de sensationnel. À ceux qui s’étonnent, il répond avec amertume :
« On ne mange pas des médailles d’or. »
L’homme qui avait incarné la dignité face au nazisme redevient aux États-Unis un Noir anonyme, prisonnier des discriminations. Sa gloire universelle se heurte à la ségrégation nationale. Ce contraste cruel souligne l’hypocrisie d’une Amérique qui, tout en s’enorgueillissant de ses champions, refusait de reconnaître pleinement leur humanité.
Engagements et reconversions

Après la gloire brisée et les années de survie, Jesse Owens parvient à se réinventer. Dans les années 1950, le président Dwight Eisenhower le nomme ambassadeur de bonne volonté. Owens sillonne alors le monde (Inde, Philippines, Afrique) prêchant l’effort, la discipline et l’égalité. Dans le contexte de la guerre froide, son image sert à contrer la propagande soviétique dénonçant le racisme américain.
Sur le plan politique, Owens se rapproche des Républicains, qu’il soutient publiquement, suscitant parfois la critique dans les milieux militants noirs. Dans les années 1960, il choque en condamnant le geste des poings levés de Tommie Smith et John Carlos aux Jeux de Mexico (1968). Selon lui, les athlètes ne devaient pas “mélanger sport et politique”. Mais la décennie suivante, conscient de la radicalisation des luttes, il nuance ses propos et reconnaît la légitimité des protestations.
Ces contradictions révèlent un homme prisonnier de son temps : symbole de dignité face au nazisme, il cherche ensuite à composer avec une Amérique ségréguée et hostile. Entre fidélité à l’“American dream” et solidarité avec ses frères noirs, Owens incarne une trajectoire faite de compromis douloureux.
Dernières années et mort

Dans ses dernières années, Jesse Owens vit toujours de conférences et de missions officielles. Figure respectée, il reste sollicité, mais son corps, épuisé par les années de privations et une vie de déplacements incessants, commence à faiblir. Grand fumeur, il développe un cancer du poumon.
En 1976, une lueur de reconnaissance tardive vient illuminer sa vieillesse : le président Gerald Ford lui remet la Médaille présidentielle de la Liberté, plus haute distinction civile américaine. En 1979, c’est le président Jimmy Carter qui lui rend hommage, saluant « l’homme qui fit honneur à son pays quand son pays ne l’honorait pas ».
Le 31 mars 1980, Jesse Owens s’éteint à Tucson, en Arizona, à 66 ans. L’Amérique lui organise des funérailles officielles, et son nom, jadis ignoré par les présidents, est désormais gravé dans le marbre de l’histoire nationale. Mais cette réhabilitation posthume souligne encore une fois l’amertume de son destin : célébré trop tard, reconnu après avoir été méprisé.
Owens n’a jamais cessé de croire à l’effort individuel, à la dignité humaine et à la puissance du sport pour unir les hommes. Mais il fut aussi l’incarnation tragique d’une contradiction américaine : héros face à Hitler, mais citoyen de seconde zone chez lui.
La légende et ses paradoxes
Jesse Owens reste à jamais le visage d’un instant suspendu : celui d’un jeune Noir américain pulvérisant, sous les yeux d’Hitler, le mythe de la supériorité aryenne. Ses quatre médailles d’or de Berlin 1936 ne furent pas seulement des victoires sportives ; elles furent des coups portés à une idéologie meurtrière.
Mais derrière la gloire, Owens incarne aussi la douloureuse vérité de son pays. Héros universel en Allemagne nazie, il fut méprisé en Amérique ségréguée. Son parcours révèle l’hypocrisie d’une démocratie qui célébrait la liberté à l’étranger tout en refusant l’égalité à l’intérieur de ses frontières.
Symbole d’humilité, d’effort et de dignité, Owens est devenu une référence pour les générations suivantes : des athlètes noirs qui ont levé le poing à Mexico en 1968 aux sportifs d’aujourd’hui dénonçant les violences policières. Mais il reste aussi un homme de compromis, parfois critiqué pour son refus initial de mêler sport et politique.
Sa légende tient justement dans ces contradictions. Owens fut à la fois le démenti vivant du racisme nazi et le miroir des injustices américaines. Et s’il n’a pas changé seul le cours de l’histoire, il a prouvé que, parfois, une foulée suffit à ébranler un empire.
Notes et références
- Baker, William J. Jesse Owens: An American Life. New York: Free Press, 1986.
- Schaap, Jeremy. Triumph: The Untold Story of Jesse Owens and Hitler’s Olympics. Boston: Houghton Mifflin Harcourt, 2007.
- Wiggins, David K. Glory Bound: Black Athletes in a White America. Syracuse University Press, 1997.
- Guttmann, Allen. The Olympics: A History of the Modern Games. Urbana: University of Illinois Press, 2002.
- Krüger, Arnd, et William Murray (dir.). The Nazi Olympics: Sport, Politics, and Appeasement in the 1930s. Urbana: University of Illinois Press, 2003.
- Wiggins, David K., et Patrick B. Miller (dir.). The Unlevel Playing Field: A Documentary History of the African American Experience in Sport. Urbana: University of Illinois Press, 2003.
- Hilton, Christopher. Hitler’s Olympics: The Story of the 1936 Nazi Games. Stroud: Sutton Publishing, 2006.
- UNESCO, Sport, Racism and Discrimination: A Historical Perspective. Rapports en ligne.
Sommaire
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