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Pub, séries, cinéma : le compromis Noir

Culture

Pub, séries, cinéma : le compromis Noir

Par Mathieu N'DIAYE 28 septembre 2022

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Pub, séries, cinéma : le compromis Noir

Par Kris Osare – La représentativité des personnes noires dans le paysage audiovisuel en occident a été l’objet de débats passionnés sur les réseaux sociaux, à la radio, et en télévision. Jusqu’à questionner le gouvernement français sur la place de la diversité et comment participer à plus d’égalité. Les époques nous ont montrés des évolutions importantes dans la forme, mais le sujet soulève de vraies interrogations sur le fond. Il ne s’agit pas de nier les avancées, se plaindre et de quémander d’exister dans l’univers de l’audiovisuel en France, mais de faire un constat sur la manière dont on y fait une place aux noirs à travers les publicités, les séries et le cinéma.

Peut-on s’enorgueillir si la manière de façonner la perception générale envers les personnes noires semble orientée ? Il suffit d’analyser de près l’utilisation et le positionnement des noirs à travers le story telling des marques ou des scénaristes sous la direction des grosses productions cinématographiques. Restons-en aux faits.

Pub : genre et mixité

Les marques nommées ci-dessous utilisent des profils très précis qu’on retrouve de plus en plus dans de nombreuses publicités. Abritel : femme noire lesbienne. Tinder : Homme noir Drag Queen. Peugeot E-208 Like : Famille mixte avec un père noir et une mère blanche, qui reçoivent leur fille métisse avec le gendre blanc. De nombreuses publicités font ce genre de parallèle, ce qui n’est sans aucun doute pas le fruit du hasard.

Série Netflix : rôle de second plan et symbolique

Prenons l’exemple de la série de fiction Netflix « Sandman », N°1 des séries à l’été 2022 où un nombre important de personnages noirs apparaissent, ce qui est assez rare pour une série. Le personnage principal, un caucasien à la tête d’un royaume a pour assistante Lucienne, une femme noire au crâne rasé avec un style vestimentaire masculin, sa fidèle et loyale conseillère.

Autre scène avec une femme noire gisant dans son lit de mort avec un air de toxicomane, Rachel, est la partenaire amoureuse d’une des femmes blanches ayant un des rôles principaux. Sur le chemin du héros du film, on aperçoit une femme noire emprisonnée répondant au nom de Nada qui lui demande de lui pardonner. Et il lui répond en la faisant savoir, qu’après 10 000 ans d’enfermement, il n’est pas prêt de la pardonner. Dans le regard de Nada en pleine hallucination, ce même héros est vu sous l’apparence d’un jeune homme noir avec des dreadlocks.

Dans un épisode au royaume de l’enfer gouverné par une femme blanche, le bras droit est Mazikeen de Lillim, une femme noire au visage partiellement brûlé coiffée de dreadlocks. Dans un autre épisode, un des personnages représentant le méchant, le Corinthien, est un homme blanc qui séduit un jeune homme noir et a des rapports charnels avec lui.

Dans une autre scène, un homme blanc mentalement déséquilibré et diabolique est dépanné par une femme noire pour l’emmener en voiture à sa destination. En discutant avec lui, elle se rend compte au fur et à mesure avec qui elle a affaire et se sent prise au piège, dans le rôle de victime. Il finit par l’épargner car elle a coopéré pour l’emmener à son objectif et poursuit sa route. Le roi des rêves et des cauchemars, Sandman, personnage principal, a une sœur parmi ses sœurs qui représente la reine de la mort, une femme noire portant une croix d’ankh au cou.

Que dire de l’homme noir dominé par sa femme asiatique castratrice, Gary, qui finit par commettre un adultère avec … un homme blanc. Avec des dreadlocks aux couleurs LGBT, Rose Walker est la jeune demoiselle noire incarnant un problème majeur que doit résoudre le personnage principal. Cette série est un exemple très significatif de la volonté de mettre en scène des personnages noirs correspondant à des profils assez précis.

Séries documentaires : tri sélectif

Force est de constater que dès qu’un noir ou une noire à succès est mis en lumière, c’est étrangement toujours celui ou celle qui est en couple avec un caucasien ou une caucasienne. Comme pour signifier l’indissociable réussite. Par ailleurs, hors contexte, il y a de quoi s’interroger sur le président américain métisse, qu’on qualifie toujours automatiquement de 1 er président noir. Serait- il aussi apprécié et médiatisé par les européens s’il était de lignée 100% noire ? La question se pose.

Sans émettre de jugement de valeur, on peut légitimement se demander pourquoi les personnes noires ne sont représentées que lorsqu’elles doivent être adossées à une catégorie de persona. Est-ce une volonté délibérée d’enfermer ces personnes dans une case dans l’esprit du téléspectateur ? Montrer qu’être noir, c’est forcément appartenir à un genre ? ou une profession ? ou autre critère stéréotypé ou de subordination choisi ?

La télévision présente systématiquement des couples mixtes quand il s’agit d’inclure une personne noire en scène, comme s’il était inconcevable d’exposer le « black love » sur la place publique dans le récit. La famille noire épanouie est aux abonnés absents dans l’imaginaire collectif. Ce qui influence inconsciemment le public dans sa perception. C’est de cette manière qu’on renforce la perception des personnes qui n’ont jamais côtoyés de noirs ou ceux qui les côtoient sans chercher à les connaître réellement et se nourrissent d’à priori. Et sans aucun doute, influence même la perception des noirs entre eux. L’image qu’on finit par entretenir est celle de l’homme noir infidèle, jamais positionné dans un rôle de pouvoir, incapable de construire un couple ou une famille solide et durable avec ses semblables, qui a besoin de ceux qui ne sont pas noirs pour s’élever ou réussir ce qu’il entreprend. C’est l’image de femmes noirs soumises, victimes, sources de fantasmes de genres et issues de familles déstructurées.

C’est la démonstration du cheval de Troie dans le subconscient du public via le paysage audiovisuel. Les personnes noires voulaient plus de représentativité, ils sont servis. Disons plutôt de toute évidence, qu’on se sert d’eux pour les placer dans des cases tout en donnant satisfaction aux quotas de diversité et étouffer le débat. Si on veut être honnête, les personnes noires ont plutôt intérêt à tout attendre d’eux-mêmes en créant leurs propres récits, leurs productions audiovisuelles et leurs supports de communication afin d’exprimer avec justesse ce qu’elles sont pleinement dans leur pluralité, leur culture et leur histoire.

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