Le Quimbois ou l’héritage spirituel africain des Antilles françaises
Société

Par Atouma NKeussi 2 février 2018
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Il aurait été étonnant que la Martinique et la Guadeloupe aient été totalement coupées de leurs racines ancestrales, alors que chaque recoin des Amériques ayant accueilli les communautés africaines ont hérité de leurs cultures dans tous leurs aspects. Le Quimbois tient une place importante dans l’environnement antillais.
Rares sont les personnes qui n’ont pas entendu parlé du Vaudou haïtien, de la Santería cubaine, de l’Obeah jamaïcain ou encore du Candomblé brésilien. Loin d’être totalement acculturées par les religions étrangères, les Antilles françaises possèdent elles aussi leur spiritualité issue du continent africain, il s’agit du Quimbois (Tjenbwa en « créole »). L’origine du mot Quimbois vient du créole de la Martinique et de la Guadeloupe où le mot « Kenbwa » désigne la sorcellerie. Il vient du mot « Kimbwa » de la langue Kikongo qui signifie « connaissance ». Aux Antilles françaises, les différentes pratiques religieuses sont réparties comme telles: Catholique romain 94 %, hindouisme et cultes africains 3 %, Témoins de Jéhovah 2 %, protestant 1 %.
Dans ces sources tirées de l’Insee, le culte hindouiste et les cultes africains sont confondus dans un faible pourcentage assez opaque. Pourtant, la pratique du Quimbois est bien plus présente dans l’existence des Antillais que les statistiques ne le prétendent. Il est connu que les personnes d’ascendance africaine aux Antilles qui représentent 90 % de la population, bien qu’elles pratiquent en surface majoritairement les religions romaines issues de l’esclavage, sont très souvent en lien étroit avec le quimboiseur ou le Gadèd-zafè (le voyant qui « regarde les affaires », autre nom qui lui est attribué), présents un peu comme le médecin de famille. Contrairement aux autres représentants des spiritualités africaines pratiquées dans les Amériques qui se vivent en communauté comme avec le prêtre Vaudou (Hougan/Hounnon), le quimboiseur est une personne solitaire, isolée de la communauté. On ne le fréquente que lors de consultations.

© medium-consultation.fr
Depuis les temps les plus anciens, les peuples noirs accordent autant d’importance au monde visible qu’au monde invisible. Les traites arabo-musulmanes et européennes n’ont pas été en mesure d’éradiquer l’existence de ces croyances et de ces pratiques appartenant à l’intellect et à l’imaginaire africain. Preuve que quelques siècles de déracinement physique n’effacent en rien l’enracinement cultuel et culturel, de façon consciente ou non. Le paradigme antillais, imprégné des différentes cultures que compose l’archipel caribéen, est fortement habité par les âmes ancestrales africaines.
Qu’est-ce que le Quimbois ?
Le Quimbois est l’alliage des différentes pratiques mystiques issues du syncrétisme des rites africains et catholiques, sans oublier les pratiques amérindiennes. Toutes ces religions ou spiritualités fonctionnent selon les mêmes principes animistes, propres aux civilisations Bantoues, dont les origines remontent à l’Égypte pharaonique. Il peut tuer comme il peut guérir, tout dépend de la croyance qu’on lui accorde.
Le quimboiseur
Le quimboiseur (Tjenbwazè) est à la fois un mystique, guérisseur, possédant le secret ancestral des savoirs africains. Il est par son encrage autant dans le monde visible que dans le monde invisible, un lien identitaire au monde antillais. Bien qu’officieusement consulté à cause de la diabolisation faite des pratiques africaines par les envahisseurs européens, le quimboiseur reste un pilier central du paradigme antillais, une figure omniprésente (voire quasi-omnisciente de part les pouvoirs qu’on lui prête). Il est également l’un des ambassadeurs de la survie des traditions africaines, un véritable symbole. Aucune classe sociale fait l’économie de profiter de ses conseils: ouvriers comme hommes politiques le consultent pour trouver des réponses à leurs questionnements et tenter d’avoir des réponses sur n’importe quel sujet, lorsque l’avenir semble opaque. Très souvent, on vient le voir pour des raisons sentimentales, des difficultés à trouver un emploi, pour la réussite d’un projet, pour le pouvoir, pour l’argent mais aussi pour nuire à autrui.

©e-soteria.com
Si le quimboiseur semble parfois se confondre avec un chaman, il semble également être la combinaison entre le médium qui déchiffre l’avenir et le nganga, (guérisseur en terme lingala, qui a pour rôle de soigner avec les plantes). Son grand savoir au sujet des plantes, des potions et filtres en tout genre, mais également ses connaissances du monde visible et invisible font de lui un être précieux et respecté, garant des traditions que l’on penserait, à tort, perdu dans l’oubli.