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La présence historique de Juifs au Sahel

Histoire

La présence historique de Juifs au Sahel

Par Sandro CAPO CHICHI 14 octobre 2017

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Bien que relativement bien documentée, la présence historique de Juifs au Sahel est très mal connue du grand public.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Dans un précédent article, je faisais mention de la présence de Juifs dans la région sénégambienne et du Cap-Vert  d’avant la colonisation. Les premiers de ces Juifs implantés en Sénégambie et au Cap-Vert étaient pour beaucoup des commerçants d’esclaves directement arrivés de la péninsule ibérique.

Bien qu’elle ne soit pas aussi bien documentée, le reste de la région du Sahel a également connu une présence historique de Juifs.

Au 11ème siècle, la ville d’Aoudaghost, à un moment dépendante de l’empire de Ghana, était un centre ‘actif de judaïsation’ alors que dans la région du Tagant, au carrefour du Sahara et du Sahel, il existait à cette époque des Nègres judaïsés.

Entre les 12ème et 14ème siècles de notre ère, la région du Touat dans le Sahara au sud de l’Algérie était peuplée de Noirs libres (les Haratines), des Berbères zénètes et des Juifs. Cette région était devenue la plaque tournante du commerce transsaharien. Les pays du Sahel et du Soudan occidental, qui bénéficiaient notamment de ce trafic avec du sel en l’échange d’esclaves et d’or, ont probablement, même dans une proportion limitée, la migration de Juifs.

Les migrations de plus en plus fréquentes de musulmans intolérants dans la région du Touat allaient notamment à partir du 14ème siècle causer la marginalisation des Juifs du Touat. A partir de 1492, le commerce transsaharien et la sécurité des Juifs du Touat allaient largement régresser.

Au 15ème siècle, le sultan de l’Etat du Bornou (actuels Tchad et Nigéria) écrivait une lettre implorant les commerçants touatiens de revenir faire du commerce dans son pays, ce dernier ayant été brusquement interrompu. Puisqu’un commerçant génois du nom de Malfante avait rapporté au 15ème siècle que le commerce du Touat était entre les mains des Juifs, on peut penser que certains des commerçants touatiens au Bornou mentionnés par son souverain l’étaient.

L’ouvrage de référence du 17ème siècle sur l’empire de Songhaï, le Tarikh Al Fettach rapporte l’existence des Beni Israel, une ethnie qui auraient été des descendants de Juifs.

A Songhaï toujours, le prédicateur musulman al-Meghili se trouvait en compagnie du souverain l’Askia Mohamed el Hajdj à la fin du 15ème siècle lorsqu’il apprit le meurtre de son fils par des Juifs. Il demanda à l’Askia l’arrestation de tous les Juifs de Gao ce qu’il accepta dans un premier temps puis refusa finalement.

Avant la fin du 15ème siècle sur les lieux de l’actuelle Tendirma (actuel Mali), à 100 kilomètres au sud-ouest de Tombouctou aurait aussi existé une communauté juive dont d’anciens puits auraient été les vestiges de la présence.

A Tombouctou, jusqu’au 18ème siècle, les juifs pratiquants étaient nombreux. Ils y parlaient arabe et ne se distinguaient des  musulmans que difficilement. De même,  toujours dans l’actuel Mali, mais plus au sud à Sansanding, se trouvaient des Juifs culturellement assimilés aux Maures.

Juifs au Sahel

Le rabbin Mordechai Aby Serour

L’une des dernières références aux Juifs dans le Sahel fut celle d’un rabbin et explorateur marocain, Mardochée Aby Serour qui rencontra en 1859 à Tombouctou une population, les Daggatoun, qui se disaient descendants de Juifs originaires du Touat.

Très rarement mentionnés depuis cette époque, les Juifs du Sahel allaient devenir un secret bien gardé dans cette région jusqu’à ce qu’en 1993, Ismael Daidé Haidara, un Malien originaire de Tombouctou ne créé Zakhor. Ce mouvement, qui aurait compté à un moment environ mille membres, se compose de Maliens se revendiquant de descendants de Juifs du Touat islamisés à la pointe de l’épée. Selon leurs dires, les descendants des Kehaths Lévites de l’époque s’appelleraient aujourd’hui Kati. S’il n’est pas sûr que leurs ancêtres eurent été des descendants des premiers Israélites plutôt que des populations converties, c’est aujourd’hui de l’identité juive plutôt que de la religion israélite qu’ils ne pratiquent plus, que se revendiquent ces vulgarisateurs d’une histoire millénaire.

Référence

Jacob Oliel / Les Juifs au Sahara, Le Touat au Moyen Âge

www.jewishvirtuallibrary.org/zakhor