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La résistance des Africains à l’arrivée des premiers esclavagistes

Culture

La résistance des Africains à l’arrivée des premiers esclavagistes

Par Sandro CAPO CHICHI 9 avril 2015

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En évoquant la résistance des Africains à l’esclavage,  on mentionne souvent des rois s’étant élevés contre un système déjà établi, comme s’il s’agissait d’exceptions face à une grande majorité de collaborateurs africains.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Selon cette vision généralement présentée, les Européens n’auraient fait qu’hériter d’un esclavage intra-africain et d’une traite arabo-berbère des Noirs. Les récits portugais contemporains de l’arrivée des premiers arrivants en Europe montrent une réalité bien différente. Ainsi, l’historien portugais Gomes Eanes de Zurara rapporte que lorsque les premiers explorateurs portugais sont arrivés vers 1444-1446, ils se livrèrent au rapt de populations noires. Il rapporte le cas de Dinis Dias, qui fut le premier navigateur chargé de la capture d’esclaves noirs, destinés à financer les expéditions de son prince Henri le Navigateur. Avant d’arriver à la Presqu’île du Cap-Vert au Sénégal, Dias attaqua des Noirs qui se dirigèrent naïvement vers lui, et en captura quatre. D’après Zurara, il s’agissait là « des premiers Noirs à être capturés dans leur propre pays par les chrétiens. »

D’après Zurara toujours, « en 1445, à l’embouchure du fleuve Sénégal, des hommes de l’expédition de Lançarote capturèrent deux enfants trouvés dans une paillotte » et Alvaro Fernandes fit aussi des captifs par cette pratique atroce qu’était la razzia.

Toutefois, il importe que devant cette agression des leurs et de leurs terres, les Africains ont vigoureusement réagi. Ainsi, après que le père des enfants capturés par Lançarote se soit rendu compte du rapt de ses enfants, il traqua les Portugais, les frappa et força les Portugais à s’enfuir de justesse avec la vie sauve.

Comme il y avait sur le rivage une si grande multitude de ces Guinéens que d’aucune façon ils ne pouvaient aller à terre ni de jour ni de nuit, Gomes Pires voulut leur montrer qu’il entendait débarquer amicalement au milieu d’eux, et il déposa sur le rivage un gâteau, un miroir et une feuille de papier sur laquelle il avait dessiné une croix. Mais eux, quand ils furent venus et eurent trouvé ainsi ces choses, ils mirent le gâteau en miettes et le jetèrent au loin, et ils lancèrent leurs zagaies sur le miroir jusqu’à ce qu’ils l’eurent réduit en pièces, et ils déchirèrent le papier, montrant qu’ils ne s’intéressaient à aucune de ces choses. Puisqu’il en est ainsi, dit Gomes Pires aux arbalétriers, tirez sur eux à l’arbalète afin qu’ils connaissent que nous sommes des gens qui peuvent leur faire du mal s’ils ne veulent pas entrer amicalement en relations avec nous. Mais les Guinéens, voyant le dessein des autres, commencèrent à leur répliquer en leur envoyant pareillement des flèches et des sagaies, dont ils apportèrent quelques-unes au royaume. »

Ces contre attaques des Africains face à la menace européenne fut fréquente. Ainsi, par exemple, le célèbre explorateur portugais Nuno Tristão, considéré comme le premier Portugais à avoir foulé le sol de la Guinée-Bissau fut attaqué et tué avec 19 de ses archers alors qu’il cherchait à s’établir sur la terre ferme pour lancer des razzias.

A partir de 1448, les écrits montrent que les Portugais comprirent que se procurer des esclaves par le rapt était trop dangereux pour eux et décidèrent de parvenir par d’autres moyens à leurs fins. Ils envoyèrent des missions régulières destinées à convaincre les rois africains qu’ils avaient pourtant régulièrement agressés, de participer à la traite de Noirs de leurs régions. Certains rois, comme le dénommé Bezeguiche de la Presqu’île du Cap-Vert, résista très longtemps aux avances des Portugais, leur montrant une grande hostilité. Pour mettre fin à cette résistance, le Portugais Diogo Gomes captura Bezeguiche en 1456 et plutôt que de le tuer et le punir de sa résistance, essaya de le manipuler psychologiquement en le relâchant, tout en rappelant que le roi africain lui devait la vie.

C’était le début de la traite négrière, cette traite présentée comme un échange de cupidité entre Noirs et Blancs, voire comme impliquant plus activement les premiers que les seconds n’était en réalité que l’évolution par la manipulation politique, psychologique et la cupidité, devant la résistance des nôtres de ces raids orchestrés dans le seul but de voler, d’agresser et de s’enrichir par les Portugais. Un crime dont il est aussi injuste d’accuser les nôtres qui s’y sont enrichis que les femmes noires soumises à l’esclavage dans les Caraïbes britanniques, forcées depuis l’enfance à se prostituer et qui se vantaient d’être les plus sollicitées, oubliant les racines atroces de ce qui constituait leur satisfaction du moment.