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Libération de l’otage français au Mali : la vie d’un Blanc vaut elle plus que celle d’un Noir?

Politique

Libération de l’otage français au Mali : la vie d’un Blanc vaut elle plus que celle d’un Noir?

Par Sandro CAPO CHICHI 12 décembre 2014

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En marge de la libération de Serge Lazarevic, le dernier Français encore en otage, est apparue une polémique au Mali. Le fait que Lazarevic ait obtenu sa libération contre celle de quatre Maliens dont un assassin a suscité une vive émotion dans l’opinion publique malienne qui se demande si la vie d’un Noir est véritablement jugée comme égale à celle d’un Blanc.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Après son calvaire de trois ans sous la captivité du groupe AQMI (al-Qaïda au Maghreb Islamique) au nord du Mali, le Français Serge Lazarevic a enfin recouvert sa liberté. Mais pas à n’importe quel prix.

Serge Lazarevic  et le président français François Hollande

Serge Lazarevic et le président français François Hollande

Car si la France prétend ne jamais payer de rançon, la libération d’un des deux derniers français encore en otage dans le monde ne s’est pas faite sans frais. Deux (ou quatre selon les sources) prisonniers maliens affiliés à AQMI ont été libérés en échange de la remise en liberté de Lazarevic, l’un d’entre eux étant Mohamed Aly Ag Wadoussène emprisonné pour avoir assassiné Kola Sofara, un gardien de prison lors d’une tentative d’évasion en juin dernier.

Mohamed Aly Ag Wadoussene

Mohamed Aly Ag Wadoussene

Confirmant cette transaction, un officiel malin a déclaré : « Oui, nous avons fait un échange de prisonniers vous pouvez le dire (…) Paris l’a demandé, nous l’avons fait ». Cette déclaration qui fait froid dans le dos et rappelle les heures les plus sombres de la Françafrique s’inscrit à contre-courant d’un climat d’indignation et d’incompréhension qui règne chez le peuple malien. Sidi Sofara, le frère du gardien de prison assassiné par Mohamed Aly Ag Wadoussène a ainsi déclaré:

J’ai été littéralement foudroyé par l’annonce de cette nouvelle qui est une indignation sans égale, sans précédent. Si les autorités maliennes ont accepté ça, moi je me demande : la dignité malienne, elle est comment maintenant ? Un Français vaut mieux donc qu’un Malien ? Ces autorités, est-ce qu’elles sont directement concernées ? […] Et si c’était leur frère, est-ce qu’elles allaient accepter d’échanger l’assassin contre un Français ? Quel est le poids que pèse un Français par rapport au Malien ? C’est une indignation terrible. Je suis bouleversé. Je suis littéralement déçu. Je ne sais plus que faire.

De même, les gardiens de prison maliens projettent de se mettre en grève si l’Etat ne leur fournit pas des explications et la Ligue Malienne des Droits de l’Homme, par la voix de son Président Moctar Mariko s’est ouvertement inquiétée du degré de sécurité que l’Etat malien offre à ses habitants:

« Si c’est un succès pour la diplomatie française, pour nous, c’est une grave violation des droits des victimes maliennes. Parce que c’est nous qui souffrons au Mali. Et s’il faut échanger un terroriste malien contre un otage français, ça voudra dire que nous n’avons plus notre raison d’être et que le gouvernement ne défend pas les populations. »

En France l’Islamologue suisse d’origine égyptienne Tariq Ramadan s’est aussi exprimé sur le sujet sur les réseaux sociaux:

Le temps des colonies est passé, dit-on, mais certainement pas sa logique, ni sa mentalité. Qui aurait accepté cela en France ? Personne… sauf peut-être si le mort est Noir, arabe ou Rom… là, ça se  » « négocie…

Tariq  Ramadan

Tariq Ramadan

De notre côté, au delà de cet échange honteux, on ne peut que se féliciter de l’indignation du peuple malien qui montre que contrairement à ce qu’a laissé entrevoir les actions de son gouvernement ne rendra pas facile les futures tentatives de manipulations néocolonialistes si elles devaient se produire.