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L’univers des objets parlants dans la culture africaine : le Masque et le Tambour

Histoire

L’univers des objets parlants dans la culture africaine : le Masque et le Tambour

Par Sandro CAPO CHICHI 22 novembre 2014

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Pour citer cet article:

Louis Obou (2015), L’univers des objets parlants dans la culture africaine : le Masque et le Tambour , NAC’s Journal of African Cultures & Civilizations, n°1, 2015, Paris : New African Cultures, : http://nofi.fr/nofipedia/6137 ; 
ISSN  2428-2510


Par Louis OBOU
Université de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire.
Spécialiste de Littérature et Civilisations Africaines des Pays Anglophones (LCAPA)

Résumé : 

L’utilisation métaphorique et métaphysique des objets parlants occupe une place majeure dans un monde africain traversé par de contradictions, lieux de vie multiples et concurrents. Pour gagner en profondeur et non en exclusivité, je me suis limité à l’espace Ouest africain en focalisant mon attention sur le Masque et le Tambour comme paroles silencieuses mais efficaces, correspondant chez certaines communautés à un besoin d’expression authentique intégrale, à travers leurs fonctions religieuse, politique et culturelle. Le Tambour et le Masque existent parce qu’ils ont une signification liée à un temps et à une société donnée. En outre, leur apparition ou manifestation dans la littérature africaine peut être considérée a priori comme une quête d’originalité, mais le rôle de ces objets montrent queles auteurs en font des supports planétaires de communication.
Mots clés : Masque, Tambour parleur, culture, tradition, danseur-masque, danseur-masqué, ancêtre

1. Introduction
La culture se définit comme un ensemble de valeurs matérielles, intellectuelles, spirituelles, élaborées par une société et qui est le fondement dynamique de sa conscience, à travers une histoire transmise de génération en génération, à travers des actes créateurs dont les objets parlants. Ceux-ci entrent dans un système de valeurs culturelles. Chaque objet parlant est un langage intégral. C’est cette sorte de totalisation que Wole Soyinka appelle « totalité cosmique » qui renvoie à l’idée qu’un destin commun qui lie passé, présent et futur, animaux, minéraux, plantes et humains. Ce sont des médiateurs qui donnent l’énergie de réaliser ce qui est autorisé, comme celle de franchir les limites.
Dans la tradition africaine, les objets parlants constituent une « plongée dans les entrailles (du) peuple », pour emprunter une expression à Frantz FANON. La parole y joue un rôle capital. Elle est au commencement de toute chose et comme l’indique si bien Anne STAMN, « toute chose est parole »<a href= »#_ftn1″ name= »_ftnref1″>[1]</a> . Elle environne l’individu, donne la sécurité à la communauté et se fond à l’environnement. Nous pouvons en déduire que L’Africain vit dans « un univers saturé de paroles »<a href= »#_ftn2″ name= »_ftnref2″>[2]</a>. De plus, elles aident à promouvoir la confiance en soi ou la reprise de la confiance en soi, la paix et la cohésion sociale.
Dans la tradition des rapports sociaux, il y a des possibilités créatrices ou recréatrices à travers des objets parlants: le masque et le tambour. Leur place et la manière dont ils fonctionnent dans la société sont au centre de cette étude. J’essaierai de les saisir dans leur individualité et dans leur rapport mutuel. Il s’agira de comprendre l’efficacité de ces langages, les raisons de leur survivance et leur signification dans le monde moderne.
2. La parole silencieuse du Masque
La culture, fruit de l’histoire, reflète toujours, à chaque instant les réalités matérielles et spirituelles de la société et de l’individu aux prises avec les conflits qui l’opposent à la nature et aux impératifs de la vie en commun. De plus, chaque culture est constituée d’éléments essentiels et secondaires, de points forts et de points faibles, de valeurs et de tares, d’aspects positifs et d’aspects négatifs, de facteurs de progrès et de facteurs de stagnation ou de régression. Le Masque et le Tambour sont des régulateurs de la société. Chaque sortie du Masque crée la synthèse des équilibres et apporte des solutions aux contradictions à tous les stades de l’histoire de la société où il émerge.
2.1. la dimension cachée du Masque
Dans la plupart des sociétés africaines, la vie religieuse de la communauté se caractérise par le culte des ancêtres ou des esprits. Le Masque joue un rôle de substitut. Il fournit, comme l’a noté L. de Heusch<a href= »#_ftn3″ name= »_ftnref3″><strong>[3]</strong></a>, un visage imaginaire ; mais ce n’est pas n’importe quel visage. C’est parfois par inspiration qu’il prend forme. Le sculpteur reçoit comme dans une vision des directives pour donner un visage aux esprits des ancêtres. Dans son atelier, loin des regards des non-initiés, en quête de visage à reproduire, il peut capter, plongé dans une extase silencieuse, la forme qui se révèle à lui. Dans son intéressant ouvrage intitulé Le masque au cœur de la société wè, Angèle GNONSOA écrit que :
La confection est entourée d’une grande discrétion. Le sculpteur fait le choix de l’arbre qui servira de matière première ainsi que du lieu qui lui servira d’atelier. Ce lieu qui se trouve toujours dans la forêt n’est connu et fréquenté que par lui et son assistant [4].
Un exemple nous est donné dans Arrow of God de Chinua ACHEBE :
Ezeulu’s first song, Edogo, had left home early that day to finish the mask he was carving for a new ancestral spirit. It was now only five days to the Festival of the Pumpkin Leaves when this spirit was expected to return from the depths of the earth and appear to men sat a Mark…But Edogo had a reputation for finishing his work on time unlike Obiako, the master carver , who only took up his tools when he saw his customers coming. if it had been any other kind of carving Edogo would have finished it long ago, working at it any moment his hands were free. But a mask was different; he could not do it in the home under the profane gaze of women and children but had to retire to the spirit-house built for such work at a secluded corner of the Nkwo market place where no one who had not been initiated into the secret of Masks would dare to approach[5]
Le Masque « cache plus qu’il ne dévoile » pour les néophytes. En effet, pour ce personnage, Edogo, le Masque ne renvoie pas simplement à une figurine. Les créateurs du masque, du Masque-sacré surtout, lui trouvent un sens au second degré. Le Masque est une forme anagogique. Il a une valeur didactique, mythique, voire idéologique ; d’où la complexité des encodages. Le Masque est un langage qui implique une certaine initiation relative à l’environnement socioculturel dans lequel il apparaît. Dès que le Masque sort de la forêt sacrée ou de l’enclos, accompagné de musique et de chants, il devient une Chose autre, c’est un esprit.
2.2. Le support et le Masque
Le Masque incarne le dédoublement : il est à la fois un homme et un esprit. En tant que homme, le porteur de masque ou le danseur masqué s’offre en spectacle, s’associe à « des activités souriantes »[6] . Il exécute des pas de danse et son allure attire l’admiration du public. Dans le cas de l’Abyssa [7]des N’Zima de Gand-Bassam en Côte d’Ivoire, les danseurs masqués évoluent dans un mouvement de liesse populaire ; ils empruntent des figures ou des tenues dont ils savent qu’elles ne font pas partie d’eux. Mais, tout masque ne conduit pas à la mascarade. Le Masque est « la manifestation matérielle d’une force inaccessible, comme une incarnation temporaire de ce qui est au-delà de l’humain »[8] . Dans The Road de Wole SOYINKA, Murano, support d’Ogoun au cours de la procession annuelle en honneur du dieu de la route, était déjà absorbé par cet Être lorsqu’il fut fauché par la camionnette et enlevé par la suite par Professeur :
PROF. (not looking up) : Was that the day of the miracle officer?
PARTIC.JOE: It was the day a god was abducted Professor?
PROF.: Abducted?
SAY T.(rising): My wife’s brother was there.[9]
On peut remarque que l’officier chargé de l’enquête ne parle plus d’un homme qui est enlevé, mais plus tôt d’un dieu. Incarnant le masque, Murano est le pont qui relie le monde des esprits à celui des vivants. Un esprit des ancêtres vient prendre possession de l’être humain qu’il va habiter et se manifester à travers lui. Je m’autorise de l’étude de Angèle GNONSOA pour relever qu’il y a différents types de masques : le masque danseur et/ou chanteur, le masque griot, le masque guerrier et le masque sacré. Par exemple, chez les Igbo comme chez les Yorouba, lors des différentes sorties des masques egungun, l’on peut citer des egungun dangereux, pleins de maléfices, ceux qui sont furieux ; il y a aussi les acrobates[10].
C’est en cela que le Masque est l’une des représentations artistiques les plus symboliques en Afrique. Chez les Yorouba, les morts ou ancêtres réapparaissent sous forme d’egungun. Il faut noter qu’egungun est l’esprit des ancêtres qu’une femme ne doit jamais voir. Cependant, le visage du danseur-masque peut être reconnu, mais le code du masque interdit de « nommer le porteur d’un masque » [11] . Ainsi dans Things Fall Apart de Chinua ACHEBE, les proches d’Okonkwo ne pouvaient prononcer son nom, même quand ils le reconnaissaient par son allure:
Okonkwo wives and perhaps other women as well, might have noticed that the second egwugwu had the springly walk of Okonkwo. And they might also have noticed that Okonkwo was not among the titled men and elders who sat behind the row of egwugwu. But if they thought these things they kept them within themselves. The egwugwu with the springy walk was one of the dead fathers of the clan [12].
Il faut ajouter qu’un culte annuel est organisé à l’intention du Masque sacré. C’est le culte le plus puissant et le plus secret. En effet, Le danseur-masque est la transfiguration d’un initié en un esprit supérieur, un génie de l’ordre sublime, de l’équilibre social. Á ce propos, je rencontre les conclusions de Jacques Maquet qui note que : « de façon générale, on peut dire que le porteur et l’objet de bois et de fibres prêtent leur réalité à l’être surnaturel qui en prend possession pendant les rites ou les danses » [13].
Le danseur-masque entretient un rapport distant et maîtrisé avec sa communauté. Cela est lié à des contraintes d’interdits et de pureté. Le Masque parle à la communauté. On l’invite au cours de grandes cérémonies ou en des situations de crises. Ce ne sont pas là de simples vues de l’esprit. Kofi AWOONOR écrit: « The mask is addressed, implored, and hailed in a series of heraldic expressions » [14]. Avec ou à travers le Masque, le monde des esprits s’invertit dans la vie des communautés. Chez les Guéré de Côte d’Ivoire, le Masque Glè est un protecteur qui est décrit comme « une figurine en terre, aux yeux saillants, faits la plupart du temps avec des étuis de cartouches, à la grande moustache, à la tête recouverte de plumes de toucan » [15]. Le rôle de ce Masque est double : il protège contre les esprits malveillants et met la communauté à l’abri des assauts des ennemis. On pourrait en écho citer Albert SCHWARTZ pour monter que :
Le sorcier qui essaie d’agir malgré la présence du protecteur est « saisi » par le glè : il tombe très gravement malade et ne peut être sauvé par un chasseur de sorciers que s’il reconnaît son forfait en se confessant publiquement [16]. Le danseur-masque porte sur lui tout le poids des épreuves et des attentes de la communauté. Ainsi, il joue un rôle fondamental dans la régulation social. Son pouvoir est fondé sur le temporel et sur le spirituel. Il est, bien plus, l’« âme » de la communauté à l’image du Tambour, le second objet parlant.

 

3. Le tambour : l’éloge de la parole essentielle
Depuis des millénaires, le tam-tam avait été l’instrument de communication par excellence en Afrique. La vie artistique était réglée sur lui, de même que la vie métaphysique. Il y a différentes appellations du Tambour selon les communautés : le Keninkpli chez les Agni N’Dénian, en Côte d’Ivoire et le Frontomfron chez les Ga ou Atumpan chez les Akan du Ghana. Il est associé à toutes les manifestations ou cérémonies rituelles : mariage, naissance, deuil, initiation, fête de la nouvelle igname… etc. C’est le messager par excellence. Il est l’expression profonde, plurielle de l’âme africaine. Il chante ou dit leur communauté, la famille, la culture. Sa parole branche au témoignage des « dieux enfouis » [17]; parole procède d’une expérience vécue ou imaginée et génère le potentiel créatif. Le tambour donne écho à un message dont il faut savoir décrypter les codes. La codicité est un des caractères définitoires de cet instrument-symbole. Le tambour demeure encore pour certaine communauté africaine la parole essentielle, variée dans ses formes et dans ses pratiques, porteurs de valeurs identitaires. Le Tambour est une métaphore de la consciente nationale.
Ainsi, lorsque le maître tambourinaire active le tambour, c’est toujours sur le mode du « pour ainsi dire ». Par exemple, lors qu’il y a un procès, le tambour rythme les mots, les martèle comme des corps dans le but de les graver dans la conscience des habitants. Le langage du tambour est en deux types d’expression : le langage tambouriné qui est un ensemble de technique rythmé produisant des sons et un langage parlé. Ce texte (son et parole) est avant tout une volonté de fonder mythiquement l’être africain. Le son ici est une parole. Roger SOME l’a bien perçu lorsqu’il précise ce type de parole « se distingue de l’oral produit en situation de lecture textuelle » [18]. Voici une illustration :

Kra hi gede gede gede gede gede kra hi ka, } Texte: langage Tamburiné
ou la parole en sons tambourinés
Kra hi kata kata kata kata kata Kra hi kata
Kra hi kra hi kre,
Kran hi kra hi kre,
Traduction du tambourinaire
The Creator made something,
What did he make?
He made the Herald,
He made the Drummer,
He made Kwawuakwa, the Chief Executionner,
They all, they all, declare that they came from one Ate pod,
Konimsi Amoagye,
Gyaneampon Amoagye,
Esene Konini Amoagye,
Come hither, oh, Herald, and receive your black monkey-skin cap.
What was your heritage?
Your heritage was a good master,
Your heritage was the death dance, Atopere,
Gyaneampon Sakyi Amponsa,
Asumgyima ‘Birempon,
Kon!
Asumgyima Firampon,
Alas!
Alas!
Alas!
Alas!
Alas!
Alas!
Alas![19]
Deux types de messages se présentent à l’auditeur : le message confié d’abord à un objet parlant (le tambour) et le message à base linguistique (le maître tambourinaire qui s’adresse directement à l’auditoire). Les roulements du Tambour instaurent un climat solennel sur les événements rapportés. Ces paroles ont trait à l’histoire de l’état de Mampon, différents rois ou chefs qui ce sont succédés sur le trône. Ici, il fait mention d’Asumgyima Firampon, le septième chef du clan Beretuo, fils du héraut Gyaneampon Amoagye. Rappelons que la communauté Akan – les Ashanti, les Fanti, les Akim pour ne citer que ceux-ci – avant l’indépendance de la Colonie du Gold Coast, actuel Ghana, comprenait soixante-dix Etats Akans dirigés chacun par un chef ou un roi ; les noms des rois défunts ne doivent pas être dits à la légère, aussi est-il fait recours au Grand Tambour pour rappeler la mémoire du peuple. George NIANGORAN-BOUAH dit à juste titre que le « Tambour est mémoire »[20]. Les événements à caractère historique sont donnés par le grand tambour royal. Cette idée est renforcée par ACQUAH lorsqu’il écrit : « tall stately (Akan) drums paramount among all royal drums whose dance, perhaps more than any other, recounts the epics and sagas of the people »[21].
Dans le royaume du N’Denian ( Indenié ), le Keninpli se fait entendre que dans les occasions importantes. Ce tambour est utilisé pour annoncé un événement malheureux tel que la mort d’un parent du roi. Mais il peut aussi se trouver au milieu de Keninpli [22], un orchestre composé d’une dizaine d’autres tambours et d’instruments différents dans le cas des funérailles dans la famille royal ou de la fête des ignames. C’est ce même type de tambour dont allusion Wole SOYINKA dans Kongi’s Harvest : le « Gbedu drum » [23]. Ce tambour royal (a royal drum) introduit le roi qui inaugure la danse sacrée. Cet instrument est à la fois son, rythme et parole ou parole médiatisée qui accélère le processus de totalisation. Comme l’explique, George NIANGORAN-BOUAH dans Introduction à la Drummologie :
Le tambour est doué de parole et il parle…la parole tambourinée est produite par le mouvement des crochets actionnés par la main sur la membrane. La main, les crochets et la membrane constituent les organes fondamentaux de la parole tambourinée » [24].
Il précise que « le tambour est le son que produit l’homme avec son instrument, ce tambour étant signifiant devient parole » [25]. Ce langage codé, mais compris des initiés est une parole : « Kassa bya Kassa » [26]qui signifie « toute parole est parole ». Il faut noter que le Tambour était et demeure le principal instrument de communication, à distance comme de près, dans les sociétés où il est joué.
Dans le cadre d’un tribunal coutumier ou d’une cérémonie rituelle, il est confié au Grand Tambour le soin d’accueillir les dignitaires, par des sons percutés qui sont par la suite verbalisés par le maître tambourinaire. Harold COURLANDER rapporte le cas du rôle du tambour en temps de crises ou de guerres dans les royaumes Yorouba. Ogedengbe, chef guerrier de la cité d’Ilisha, précédait ces expéditions contre les autres royaumes ennemis de ses tambourinaires. Les sons verbalisés des Tambours disent ainsi contre le royaume de Benin :
“Ogedemgbe is coming
Ogunmola is finished,
Now it is Benin’s turn.
Benin, prepare yourself,
Prepare to bury your corpses” [27].
La pensée verbale est portée plus loin par le tambour. Les adversaires qui savaient décrypter l’écho des Tambours et sentant l’imminence de la détresse qui s’abattrait sur eux, prirent la fuite parce qu’ils savaient que le tambour ne saurait leur mentir :
For everywhere it was said that Ogedengbe’s drums and war horns spoke only the truth. When the drums said that Ogunmola had been defeated, everyone agreed that it must be so[28].
La véracité du message dépend de la probité du tambourinaire qui fait désormais corps avec l’esprit du Tambour. Il est le ménestrel du peuple par excellence, un ménestrel qui puise aux sources du passé, consolide le présent et projette l’avenir. Toutefois, il y a des textes approuvés par les communautés qui ont en partage l’institution du tambour parleur : « une institution sacrée et vénérée, symbole de l’État, de la personne du roi et de la Nation » [29].
Le tambour est aussi est véhicule de littérature (conte, proverbe, mythe, poésie). Certains auteurs africains se sont inspirés du langage des tambours de leur région pour produire des « textes tambourinés ». Kofi AWOONOR montre que certaines communautés font du tambour un instrument relais de la poésie traditionnelle :
Among the Tumba and Kele of Zaire, the Ashanti of Ghana, the Ewe of Ghana and Togo, the Yoruba of Nigeria, and many other groups, their use of drums to transmit poetry is widespread[30].
Le poète Atukwei OKAI s’est fondé sur la tradition de tambour parleur, conscience et l’âme du peuple pour façonner sa technique poétique. ANGMOR écrit à juste titre : « From indigenous drum culture has come much of his explosive and rumbling sound effects » . Sa manière de rythmer les sons qui, ici, sont des paroles, ressemble à celle du tambourinaire actionne qui le tambour pour parler au peuple :
The Fontomfrom keeps on
Wailing
and weeping
and wailing!
The Fontomfrom
keeps on
Booming
and moaning
and booming![32]
La technique rythmée du Fontomfrom produisant des sons est un langage traduisible en mots. Le « Grand tambour » parleur, le Fontomfrom, martèle les mots qui exprimer son état d’âme devant la situation de crise que traverse son peuple.
My brothers,
my people,
my brothers,
I am sought,
I am sought because
When you want to starve
the ocean,
You paralyze
its source,
the river;
I am sought because
two harvests ago,
When they lay
In ambush
for us
On the market day
in the White Woods,
I discovered
and warned
my brothers.
I am sought,
I am sought
day and night
Because I have torn down
the masks
From the faces of our ill-wishers[33].
Le poète fait corps avec le « Grand tambour » parleur, le Fontomfrom. Il est le « drum poet », le porte voix de son peuple, l’âme de tout un continent, c’est-à-dire l’Afrique :
I am
the Fontomfrom –
listen !
Frontomfrom…Frontomfrom !
Of you the living,
I am
the Frontomfrom –
listen!
Frontomfrom…Frontomfrom !
Of your great sires,
I was
the Frontomfrom –
listen!
Frontomfrom…Frontomfrom !
Of all your offsprings,
I shall be the Frontomfrom –
listen!
Frontomfrom…Frontomfrom !…
Frontomfrom…Frontomfrom !…
I am the Frontomfrom –
I am Africa[34]!
Le Frontomfrom se présente comme un principal chroniqueur de l’histoire de sa société. Mais il est également l’esprit invincible d’un peuple déterminé à surmonter toutes les adversités ; un peuple qui garde espoir quant à un avenir radieux et prometteur. La voix du « poète-tambour » est un message en rapport avec la situation sociale et psychologique qui prévaut. Le Frontomfrom est la parole par excellence, la parole de raison. Il est associé aux ancêtres. Ainsi, sa voix est la parole d’un esprit, parole différente de celle qui est dite ordinaire.
Le langage tambouriné joue un rôle important dans la vie traditionnelle. Il est d’abord un instrument de signalisation, d’annonce d’un fait ou événement capital pour la communauté. Ce sont des paroles qu’on pourrait qualifier de porteuses de valeurs psychologiques que les initier se plaisent à décrypter. Ensuite, il communique un système de langage tonal appréhendé comme un relais littéraire. Cet objet parlant, comme par le passé, peut encore jouer un rôle de cohésion international, d’éveil de conscience dans notre monde présent. Du tambour local au tam-tam planétaire, c’est l’appel du poème « The Drummer in Our Time » d’Albert KAYPER-MENSAH au tambourinaire de notre époque :

Drummer, heartbeat of our being,
When you drum our ancient bravery
Do not miss our present history;

Of Kweku Ananse’s modern children
Sent to trade and bring home profit
Taking with them gifts and greetings
To rivers of the world,

The Thames, Rhine, Mississippi, Tiber,
Jordon, Seine, St. Lawrence, Volga;

And the bundles they returned with
Some of seeds and some of iron,
Some of stirrings of the spirit…[35]
L’utilisation du tambour est élargie métaphoriquement pour fonctionner comme une esthétique globale. Á travers ce model d’expression et de communication artistique, l’on ouvre sa société au monde et vice versa. C’est également s’ouvre à de nouvelles perspectives de créations scripturales.

4. Conclusion
Les objets parlants étudiés concilient les notions du monde sensible et du monde surnaturel. Le Masque et le Tambour sont marqués certes par l’esthétique mais surtout par la spiritualité. Ils ne sont ni des sculptures, ni une œuvre d’art, comme le conçoivent les non initiés, mais plutôt des esprits au sens de réalité immatérielle. Ils réinsèrent le passé dans le présent en faisant revivre une expérience commune, qu’elle soit mythique ou historique. Si l’on tressaille à la vue du Masque et au son du Tambour, c’est par ce qu’ils laissent échapper des paroles qui rejoignent nos figurations les plus secrètes de la culture Africaine. Certains auteurs ont trouvé dans le sillon tracé par les objets parlants, dans cet héritage culturel, la source de leur imagination créatrice.

Bibliographie
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NIANGORAN-BOUAH, George, Introduction à la Drummologie (Abidjan : Collection
Sankofa,G.N.B, 1981).
OKAI, John, The Oath of the Fontomfrom and Other Poems (New York: Simon and Schuster,
1971).
SERY, Baiily, Regards culturels (Abidjan: PUCI, 2009).
SOME, Roger, « « Gens de la parole », Gens du livre livre ou l’humanité bipolaire ?», in
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SCHWART, Alfred, La vie quotidienne dans un village guéré (Abidjan : INADES, 1975).
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Références

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<a href= »#_ftnref2″ name= »_ftn2″>[2]</a>Séry Bailly, Regards culturels (Abidjan :PUCI, 2009), 49.

<a href= »#_ftnref3″ name= »_ftn3″>[3]</a>L. de Heusch cité par  Anne STAMN,  La parole est un monde (Paris: Seuil, 1999) .144.

<a href= »#_ftnref4″ name= »_ftn4″>[4]</a> Angèle GNONSOA, Le masque au cœur de la société wè (Abidjan :Frat Mat Editeurs, 2007).53.

<a href= »#_ftnref5″ name= »_ftn5″>[5]</a> Chinua ACHEBE, Arrow of God (London : Heinemann,1964).50,51.

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<a href= »#_ftnref7″ name= »_ftn7″>[7]</a>Fête annuelle des N’Zima, ponctuée par la danse sacrée l’Abyssa.

<a href= »#_ftnref8″ name= »_ftn8″>[8]</a>Ola Baogun, « Forme et expression dans les arts africains », in Introduction à la culture africaine (Paris : Union Générale d’Editions,1977). 64.

<a href= »#_ftnref9″ name= »_ftn9″>[9]</a> Wole Soyinka, The Road (Oxford: Oxford University Press, 1965).79.

<a href= »#_ftnref10″ name= »_ftn10″>[10]</a>Wole Soyinka, Aké, les  années d’enfance (Paris :Belfond,1981).69,70.

<a href= »#_ftnref11″ name= »_ftn11″>[11]</a> Angèle Gnonsoa, op.cit.,65.

<a href= »#_ftnref12″ name= »_ftn12″>[12]</a>Chinua Achebe, Things Fall Apart (London: Heinemann,1958).63,64.

<a href= »#_ftnref13″ name= »_ftn13″>[13]</a>Jacques Maquet,op.cit.

<a href= »#_ftnref14″ name= »_ftn14″>[14]</a>Kofi Awoonor, The breast of the earth. A survey of history, culture, and literature of Africa south of the Sahara,(New York: Anchor Press, 1975).65.

<a href= »#_ftnref15″ name= »_ftn15″>[15]</a> Alfred Schwartz, La vie quotienne dans un vilage guéré (Abidjan: INADE, 1975).144.

<a href= »#_ftnref16″ name= »_ftn16″>[16]</a>Alfred Schwartz, op.cit..

<a href= »#_ftnref17″ name= »_ftn17″>[17]</a>Fawzia Zouari et Annick Thébia-Meslan, « Césaire parle… » in Jeune Afrique, N°1966 du 15 au 21 septembre 1998. 42-48

<a href= »#_ftnref18″ name= »_ftn18″>[18]</a>Roger SOME, « « Gens de la parole », Gens du livre livre ou l’humanité bipolaire ?», in L’écriture secrète d’Afrique noire (Département d’Ethnologie, UFR Sciences sociales, Université Marc Bloch, 2005).15-28.

<a href= »#_ftnref19″ name= »_ftn19″>[19]</a>Harold COURLANDER, A Treasury of African Folklore (New York ;Crown Publishers,1075).107.

<a href= »#_ftnref20″ name= »_ftn20″>[20]</a>George NIANGORAN-BOUAH, introduction à la Drummologie (Abidjan : Collection Sankofa, G.N.B, 1981).148.

<a href= »#_ftnref21″ name= »_ftn21″>[21]</a>ACQUAH,  Music for a Drum Dance (Accra:Asempa,1989).95,99.

<a href= »#_ftnref22″ name= »_ftn22″>[22]</a>Cet orchestre porte également  le nom du tambour principal ; il intègre de manière méthodique et harmonieuse, le verbe et  le chant et la gestuaire, la musique et la danse.

<a href= »#_ftnref23″ name= »_ftn23″>[23]</a>Wole SOYINKA, Kongi’s Harvest (Ibadan :Universty Press PLC ,2002).8.

<a href= »#_ftnref24″ name= »_ftn24″>[24]</a>George NIANGORAN–BOUAH, introduction à la Drummologie (Abidjan : Collection Sankofa, G.N.B, 1981).180.

<a href= »#_ftnref25″ name= »_ftn25″>[25]</a>Idem

<a href= »#_ftnref26″ name= »_ftn26″>[26]</a>Idem,p.63.

<a href= »#_ftnref27″ name= »_ftn27″>[27]</a>Harold COURLANDER, A Treasury of African Folklore (New York ;Crown Publishers,1075). 217.

<a href= »#_ftnref28″ name= »_ftn28″>[28]</a> Idem

<a href= »#_ftnref29″ name= »_ftn29″>[29]</a>George NIANGORAN-BOUAH, op.cit. 147.

<a href= »#_ftnref30″ name= »_ftn30″>[30]</a>Kofi AWOONOR, The breast of the earth. A survey of the history, culture, and literature of  Africa south of the Sahara(New York: Garden City, 1975). 89.

<a href= »#_ftnref31″ name= »_ftn31″>[31]</a>ANGMOR, Contemporary Literature in Ghana, 175-76.

<a href= »#_ftnref32″ name= »_ftn32″>[32]</a>John OKAI, The Oath of the Fontomfrom and Other Poems (New York: Simon and Schuster, 1971). 15.

<a href= »#_ftnref33″ name= »_ftn33″>[33]</a> John Okai, op.cit.18.

<a href= »#_ftnref34″ name= »_ftn34″>[34]</a>John Okai,op.cit.21.

Albert KAYSER-MENSAH cité par Kofi ANYIDOHO in  Frontomfrom. Contemporary Ghanaian Literature, Theatre and Fiction (Amsterdam-Atlanta: GA, 2000).13.