Anton Wilhelm Amo
Histoire

Par Sandro CAPO CHICHI 24 novembre 2014
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Anton Wilhelm Amo (né vers 1700, mort en 1758) est un philosophe originaire de l’actuel Ghana ayant étudié et enseigné en Allemagne. Sa trajectoire de jeune Africain capturé de sa terre natale devenu un érudit dans l’Europe du 18ème siècle et de philosophe à l’œuvre remarquable est doublement intéressante pour le lecteur d’ascendance africaine du vingt-et-unième siècle.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofipedia
Origines et jeunesse
Anton Wilhelm Amo est né vers 1700 (ou vers 1703) à Axim en pays nzima, une ethnie akan du sud-ouest de l’actuelle République du Ghana.
Vers l’âge de trois ans il voyage vers les Pays Bas, probablement à la suite d’un enlèvement, bien que certains spécialistes ne posent l’hypothèse qu’il serait parti avec l’accord de ses parents, qui auraient été chrétiens et auraient encouragé le départ de leur fils afin qu’il puisse étudier le christianisme en Europe. Très tôt, la Compagnie Néerlandaise des Indes Occidentales offre le jeune Amo en ‘cadeau’ aux Ducs de Wolfenbüttel en Allemagne. Son frère jumeau Atta, lui aussi déporté aux Pays-Bas, sera envoyé au Surinam pour y travailler comme esclave.
En 1708, le jeune Amo est baptisé sous le nom de Wilhelm Anton, les prénoms de ses deux protecteurs les contes de Wolfenbüttel.
Etudes
Le statut social officiel d’Amo n’est pas connu avec certitude. Toujours est-il qu’il ne travaille pas pour ses ‘protecteurs’ comme on pourrait l’attendre de la part d’un esclave. Il commence en 1727 ses études à l’Université de Halle et obtient une maîtrise de droit traitant de la question du droit des Noirs en Europe, où il adopte notamment des positions anti-esclavagistes, notamment en faveur son frère Atta, qu’il parvient à faire quitter son statut d’esclave au Surinam. Cet écrit marque un véritable intérêt pour la cause des Noirs à cette époque, intérêt aussi illustré par la signature d’Amo, qui en latin est systématiquement Antonius Guilielmus Amo, Guinea Afer, c’est-à-dire Anton Wilhelm Amo, l’Africain de Guinée.
Il continue ses études en 1730 l’Université de Wittenberg où il soutiendra en 1734 une thèse de doctorat intitulée ‘La dissertation inaugurale de philosophie sur l’apathie de l’esprit humain : Sur l’absence de sensation dans l’esprit humain et sa présence dans notre corps vivant et organique’. Il devient ainsi la première personne d’origine africaine à obtenir un doctorat de philosophie en Europe.
Enseignement et recherche scientifique
Après l’obtention de son diplôme, Amo enseigne deux ans encore à l’Université de Wittenberg avant de retourner exercer sa profession à Halle, l’Université de ses débuts entre 1736 et 1739, période durant laquelle il publie un travail un travail intitulé ’Traité sur l’art de philosopher sobrement et correctement’. De 1739 à 1746, il rejoint ensuite l’Université d’Iena. Durant cette dernière période, il se serait vu accorder le titre de Conseiller d’Etat par la cour de Berlin. Lors de l’ensemble de son parcours universitaire allemand, Amo avait étudié, outre la philosophie et le droit, la théologie, la logique, l’astronomie, l’astrologie, la science politique et la physiologie et avait appris à maîtriser le latin avec lequel étaient écrits les travaux académiques de l’époque, le grec, l’hébreu, l’allemand et le néerlandais.
Retour en Afrique et mort
C’est probablement en 1747 qu’Amo quitte l’Allemagne pour sa ville natale d’Axim dans l’actuel Ghana. Il y retrouve son père et sa sœur. Les raisons précises de ce départ ne sont pas connues bien que l’on ait évoqué la perte de son bienfaiteur, le prince de Brunswick et de ses amis les Professeurs Hoffman et von Ludewig qui auraient causé une dépression chez le philosophe. Le changement de la société et une montée du racisme ont aussi été avancées comme motifs de son départ. Il serait resté jusqu’en 1753 à Axim date à laquelle un savant européen du nom de David-Henri Gallandat lui aurait rendu visite et l’aurait rapporté par écrit. Apparemment considéré comme un sage par ses voisins d’Axim, il doit toutefois rejoindre un château fort d’esclavagistes à Chama.
Il a été proposé que ce départ n’était pas volontaire et qu’il s’agirait plutôt d’une punition envers un érudit contre un esprit brillant africain aguerri des vices illégaux de l’Europe quant à l’exploitation des Africains. Il y mourra en 1758. Le parcours et l’œuvre de ce philosophe d’importance notable au destin exceptionnel qui avait su surpasser les préjugés à son endroit tout en les combattant allait être prolongé par d’autres grands esprits du monde noir, comme l’Américain Du Bois et le premier président Kwame Nkrumah, un Nzima comme lui qui en le présentant allaient l’inscrire dans le patrimoine intellectuel et historique du monde noir.
Références
John H. McCLendon (2008), Anton Wilhelm Amo : Philosophe africain en Europe , in Dieudonné Gnammankou & Yao Modzinou (éds.), Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siècle: actes du colloque international, 8-10 décembre 2005, Toulouse : MAT Éd. , pp. 149-163
Yoporeka Somet (2007), Anthony William AMO : sa vie et son œuvre, ANKH n°16, Gif-sur-Yvette : Khepera, pp. 128-151.