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Toussaint Louverture, héros de la révolution haïtienne

Histoire

Toussaint Louverture, héros de la révolution haïtienne

Par Sandro CAPO CHICHI 1 février 2021

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Véritable génie militaire et politique, Toussaint Louverture fut l’un des tout principaux meneurs de la révolution haïtienne, celle-là même qui allait entraîner le mouvement de libération mentale et physique du monde noir du traumatisme de l’esclavage.

Toussaint Louverture, héros de la révolution haïtienne

Par Sandro CAPO CHICHI

Jeunesse et origines

Toussaint est né esclave vers 1743 dans la sucrerie Bréda du Haut du Cap dans l’île française de Saint-Domingue. Il est le fils d’Hippolyte et de Pauline, deux esclaves noirs d’origine arada. Le terme « arada » vient d’Allada, nom du royaume le plus puissant de l’aire culturelle gbe ou adja-tado, qui couvre notamment les peuples éwé, adja et fon du Ghana, Togo et Bénin. Arada ne fait pas toujours référence au royaume d’Allada, mais aussi aux populations adja-tado en général. La tradition présente Hippolyte comme fils de Gaou Guinou, roi des Aradas. Toutefois, selon le fils de Toussaint, Isaac Louverture, Gaou Guinou est Hippolyte.
De son côté, la tradition actuelle du royaume ayizo d’Allada présente depuis au moins la moitié du XXe siècle un certain Gawou Déguénon comme fils d’un roi d’Allada qui aurait voyagé en tant qu’homme libre vers les Amériques. Elle l’identifie aujourd’hui avec Gaou Guinou (déformation de Gawou Déguénon). L’historien français Jean-Louis Donnadieu évoque la mention, dans les descriptions de voyageurs européens, d’un « Grand Capitaine » d’Allada qui, en ayant soutenu le roi d’Allada vaincu dans un conflit face au roi de Dahomey Agadja, aurait pu être déporté aux Amériques, Gawou signifiant aujourd’hui « ministre de la Guerre » à Allada.
Toujours est-il que la tradition fait d’Hippolyte un praticien de la médecine à base de plantes, et que des chants guerriers sont entonnés par d’autres esclaves aradas à son endroit qui le tenaient pour leur prince. Cette déférence ne semble pouvoir être justifiée que par des  origines royales.

Le jeune Toussaint est petit, maigre, avec des traits jugés disgracieux par les canons de beauté d’alors. Il sera surnommé de ce fait « fatras bâton ». A cause de sa constitution chétive, ses maîtres l’emploient à garder des animaux plutôt qu’à couper la canne à sucre, activité réservée aux physiques les plus imposants. Cette constitution ne l’aurait toutefois pas empêché d’exceller aux combats de bâton, où il aurait dominé nombre de ses adversaires plutôt plus grands et mieux bâtis que lui.

D’esclave à homme libre

Vers 1760, il rencontre une autre esclave, Cécile, avec qui il a au moins trois enfants. Considéré comme un esclave travailleur et bon père de famille, Toussaint est affranchi en 1776, deux ans après la mort de ses deux parents. Il est désormais Toussaint Bréda, un homme libre, bien que ce statut n’empêche pas le profond racisme que les Noirs, libres ou pas, subissent de la part des Blancs. Peu après son affranchissement, il libère un esclave qu’il possédait, Jean-Baptiste, originaire de l’actuel Liberia. Vers 1782, Toussaint se sépare de Cécile et se rapproche d’une esclave appelée Suzanne avec qui il aura aussi deux enfants. A l’époque, il est décrit comme « intelligent », « doux mais bigo » « aimant catéchiser et faire des prosélytes ».

Les premiers troubles

Lors de l’insurrection des esclaves du nord de l’île en 1791, Toussaint envoie sa famille en sécurité dans l’île espagnole voisine de Santo Domingo. Plus tard, Toussaint dira s’être senti, à ce moment-là, investi d’une mission divine. Il rejoint Biassou et Jean-Christophe, les leaders de la révolte, qu’il sert en tant que médecin. La révolte est mâtée et des chefs insurgés dont Biassou, dont Toussaint est l’assistant, acceptent de se soumettre moyennant amnistie et de nombreux affranchissements. Les promesses initiales ne seront pas tenues. Toussaint, qui avait pris un rôle important dans les négociations, s’engage de manière encore plus déterminée dans une lutte clandestine dont il devient, avec Jean Christophe et Biassou, des figures de proue.

De Toussaint Bréda à Toussaint Louverture

Après la proclamation de l’indépendance de la France en 1792, la lutte de ceux qu’on appelle les « brigands » s’intensifie contre le pouvoir local. Pour réaffirmer son soutien à la monarchie française, Toussaint se dit notamment gouverneur des armées du roi. En 1793, il est désormais connu sous le nom de Louverture, qui serait une référence aux brèches qu’il crée dans les armées adverses.
Il rejoint l’armée espagnole en guerre contre la France et devient un leader incontournable des insurgés.
Mais une hostilité naît bientôt entre Toussaint et ses deux frères d’armes Jean-François et Biassou, qui s’étaient proclamés en faveur de l’ancien régime esclavagiste. Elle se transforme vite en conflit ouvert et violent. Toussaint échappe de peu à une tentative d’assassinat où son frère Pierre perd la vie.

Le maître de l’île

Lors de l’abolition de l’esclavage en France, en 1794, Toussaint passe du côté de la France et devient bras droit du gouverneur général Laveaux à qui il prête ses troupes. Après des victoires sur les Espagnols, il est nommé colonel. Mais les conflits de la France avec les Britanniques se poursuivent. Ses faits d’armes font que Louverture est nommé général de brigade puis, après une victoire sur les « mulâtres » qui avaient emprisonné Laveaux, lui reprochant de mieux traiter les Noirs que les « mulâtres », il est nommé lieutenant-gouverneur, puis général de division par le Directoire français en 1796. Cette même année, il envoie deux de ses enfants étudier à Paris.

Par d’intelligentes manœuvres, il parvient à faire élire, lors des élections françaises, Laveaux et les autres dirigeants blancs de l’île et les faire rejoindre la métropole pour devenir le gouverneur de fait de l’île entre fin 1798 et début 1802. Il est toutefois concurrencé par André Rigaud, maître du sud de l’île, qui en a fait sécession et contre qui il va mener une guerre qu’il remportera en 1800, avec son lieutenant Jean-Jacques Dessalines à qui il avait confié la conduite de son armée. L’année suivante, Toussaint Louverture envahit l’île espagnole voisine de Santo Domingo, se rendant maître de toute l’île. Une fois celle-ci unifiée, Toussaint défie Napoléon Bonaparte qui lui avait interdit d’envahir Santo Domingo dont le contrôle du port pouvait permettre de prévenir une intervention militaire française. Toussaint refuse certaines de ses injonctions et traite d’égal à égal avec lui. Il abolit l’esclavage et rémunère les travailleurs. Il n’inscrit pas l’indépendance de l’île à la France et instaure le catholicisme comme religion officielle de l’île.

La fin

Fin 1801, Napoléon envoie une armée pour reprendre contrôle de l’île et y rétablir l’esclavage. Louverture pratique la tactique de la terre brûlée avec succès, mais les pertes sont importantes des deux côtés. En mai 1802, Toussaint Louverture se rend au général français Charles Leclerc et se retire dans ses possessions terriennes. Ce dernier parvient toutefois à le faire arrêter et déporter en France avec sa famille. Peu après, Toussaint sera interné dans des conditions difficiles dans le fort de Joux dans le Doubs en août 1802. Il y mourra le 7 avril 1803.

« En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. »

Cette phrase qu’on prête à ce héros du monde noir lors de son arrestation se révélera prophétique puisque son ancien lieutenant Jean-Jacques Dessalines vaincra définitivement les troupes napoléoniennes et proclamera l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804. 

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