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Les héroïnes noires des séries de Shonda Rhimes sont-elles réellement des femmes noires en colère ?

Société

Les héroïnes noires des séries de Shonda Rhimes sont-elles réellement des femmes noires en colère ?

Par Naya 8 octobre 2014

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Depuis plusieurs jours les internautes sont témoins des réactions provoquées par l’article du New York Times qui qualifiait les héroïnes noires des séries de Shonda Rhimes (créatrice de Grey’s anatomy et de Scandal) de femmes noires en colère. Article purement raciste ou réelle conséquence d’une société peu habituée à la présence de femmes noires fortes, déterminées et indépendantes ?

 

 

Olivia Pope, femme noire indépendante et bien habillée

Combien de fois ai-je pu voir, dans mon fil d’actualité, les publications de mes amis qui disaient « Olivia Pope devrait calmer ses ardeurs » ou autre « Ma sœur Olivia Pope, préserve ton âme et ton corps, non ? ». Comme décontenancés, ces individus ne semblaient pas à l’aise avec cette femme noire de caractère, libre et libérée.

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Olivia Pope, héroïne de Scandal, c’est un peu la femme que, toi femme, tu serais devenue si à l’université tu avais suivis tes cours d’économie et de politique, si à ton premier stage tu avais osé lever la main quand ton patron avait demandé qui était volontaire pour créer un organigramme complexe et représentatif de l’investissement publicitaire des dix dernières années, si tu avais refusé d’arrêter tes études pour soutenir pleinement la carrière professionnelle de ton premier petit ami Paul. Oui, Olivia c’est un peu la femme que tu serais devenue si tu n’avais fait aucunes erreurs de jeunesse. Frustration, jalousie et admiration se mêlent donc quand tu la vois frapper du poing sur la table avec son ensemble tailleur toujours impeccable. On a eu la chance de voir des héroïnes de pouvoir à la télévision depuis des années, mais des héroïnes noires, jamais. Face à cet extraterrestre télévisuel, l’individu lambda pourra avoir plusieurs réactions :

1)      Un rejet total du personnage : tu n’as jamais vu ça. Et puis, ça n’existe pas une femme noire qui dirige un bureau d’expertise en relation publique, qui est belle et sexy hein ! « foutaise ! » crieras-tu en levant ton poing, indigné ! En plus de ça, quelque chose te gène, elle a l’air libre de faire ce qu’elle désire avec son corps. Ça n’est en aucun cas ta vision de la femme moderne. Décidemment, cette Olivia n’est pas un personnage pour qui tu as de l’empathie !

2)      Olivia Pope, c’est un peu tout tes espoirs pour un futur meilleur. Tu imagines que, dans une dizaine d’années, la création d’un tel personnage ne soit pas un évènement mais d’une banalité extraordinaire, puisqu’en 2025, des femmes de toutes origines pourront facilement accéder à un poste à responsabilité. Tu es un rêveur, tu l’admires cette Olivia, tu l’applaudis quand elle ordonne à un employé de se mettre au travail. Tu aimes Olivia, tu lui voues un culte éternel.

 

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Miranda Bailey, petite femme de poigne

Dix ans de Grey’s anatomy t’auront poussé à faire deux choses :

1)      Chercher, en vain, un hôpital où tous les médecins sont beaux, sexy et quasiment tous célibataires

2)      Economiser pour les études de ta futur fille afin qu’elle devienne un chirurgien reconnu et respecté comme Miranda Bailey.

Dès la première saison, Miranda Bailey envoie du lourd en incarnant celle que l’hôpital appelle « le tyran ». Femme de caractère et ambitieuse, elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Mais peut-on réellement dire qu’il s’agit d’une femme noire en colère ?

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Lors de la sixième saison, les téléspectateurs apprendront que son fort caractère n’est en réalité qu’une carapace pour lutter contre sa grande timidité. Son caractère a une histoire, une origine. Il n’a pas été question pour la créatrice de lier sa couleur de peau à une quelconque colère ou agressivité. On peut alors se poser une question, une femme noire qui réussit devra elle se forger une armure inébranlable ? Etre plus dure et plus autoritaire afin de contrer des remarques remettant en question sa légitimité ? Si oui, Shonda Rhymes ne serait, en fin de compte, qu’une fine psychologue capable de mettre en lumière et d’exprimer le sentiment d’inégalité et de discrimination ressenti par les femmes noires. Ce sentiment qui pousserait ces femmes à devenir professionnellement irréprochables, à donner deux fois plus pour réussir et à ne plus se sentir freinées par deux handicaps : être une femme et être noire. Une double « peine » qui amènerait à développer ce caractère si spécifique et commun aux héroïnes des séries de Shonda Rhimes. Il ne s’agit pas de femmes en colère, mais de portraits réalistes de femmes intelligentes et charismatiques qui ont su se battre pour arriver au sommet.

 

Viola Davis, une beauté moins classique ?

How to get a murder est la nouvelle série à succès, cette fois, non créée mais produite par Shonda Rhimes. Près de 14 millions de téléspectateurs se sont rassemblés devant le premier épisode de la série. L’actrice Viola Davis interprète le rôle principal, original, de cette professeure de droit apprenant à ses élèves comment réaliser un crime parfait.

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L’actrice Viola Davis, avait été qualifiée dans le même article du New York Times de « beauté moins classique ». Suite à cela de nombreuses internautes s’étaient révoltées sur les réseaux sociaux en postant leurs photos accompagnées du hashtag #lessclassicallybeautiful. Avec cette démarche, les internautes ont voulu lutter contre les standards de beauté occidentaux imposés par les médias.

Le terme « femme noire en colère » (Angry black women) est souvent utilisé aux États-Unis pour qualifier des femmes de pouvoir déterminées, mais n’est jamais utilisé pour qualifier des femmes blanches déterminées. La colère de Shonda Rhimes à la suite de l’article du New York Times parait donc légitime. Les personnages féminins noirs non stéréotypés sont tellement absents des écrans de télévision que les téléspectateurs semblent surpris de voir une femme noire déterminée et volontaire. Il existe un fossé, qui reste à combler, entre la réalité des femmes noires et ce que les médias veulent nous montrer.