[HOMMAGE] GEORGES PADMORE : L’UN DES PERES DU PANAFRICANISME

Né à Trinidad le 28 juillet 1902 et décédé le 23 septembre 1959, George Padmore militera toute sa vie pour l’unification des noirs et leur émancipation, par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Il compte parmi les plus grandes figures du mouvement panafricaniste.

Né de parents instruits, Malcolm Ivan Meredith Nurse, de son vrai nom, suivra des études primaires et secondaires. En effet, sa mère est institutrice et son père, conseiller agricole, est initié à la pensée panafricaine, notamment par la fréquentation des conférences d’Henry Sylvester Williams. C’est donc très tôt que Malcolm se familiarise avec ces idées.

Curieux et amoureux de la connaissance, Malcolm sera d’abord journaliste, puis, partira pour le Tennessee afin d’étudier la médecine à la Fisk University. Après quoi, il se lance dans des études de Droit, tout en écrivant des articles pour les journaux universitaires et pour la presse de Trinidad. Car cet exile américain est une contrainte dans la mesure où, les colonies britanniques ne possédaient, à cette époque, aucune structure universitaire, forçant ainsi les indigènes désireux de poursuivre des études  à partir loin de chez eux. Le panafricanisme et donc, le militantisme, font partie intégrante de sa personnalité, aussi, c’est précisément pendant cette période qu’il change son nom pour George Padmore, afin que sa famille ne soit pas inquiétée à cause de ses activités. Il adhère au parti communiste américain qui prône l’égalité raciale. Après son adhésion à différentes structures, George est élu comme membre du Comité International des travailleurs noirs. Comme un écho aux revendications faites lors de la Ligue Anti-impérialiste, à laquelle il participe, son comité établit une liste de résolutions concernant l’égalité salariale pour tous, indépendamment du sexe ou des origines, et  la lutte contre le racisme.

La plume aiguisée et le cœur africain, Padmore écrit plusieurs pamphlets et même un livre, publié en 1931, « Life and struggles of Negro Workers » (Vie et luttes des travailleurs noirs). Cet ouvrage politique est en substance une analyse de la condition des hommes noirs en Afrique, dans les colonies, et en Amérique, reprenant l’illustre et sordide épisode de la tragédie de 1928, Congo-Océan. Padmore veut conscientiser les noirs sur leur sort et les éduquer afin qu’ils accèdent à un affranchissement totale de leurs déplorables conditions de travaille. Reprenant par intérim la tête du comité et du journal  « Negro Worker », Padmore souhaite que les masses s’unissent et défend l’efficacité de la collectivité et de la solidarité pour la victoire.

En 1934, il quitte le parti communiste à cause de l’alliance entre Staline et la France, puissance impérialiste, qui tente d’instrumentaliser le communisme, de s’en faire un allié, afin de vaincre le fascisme montant. Son refus de changer de camp en défendant que l’ennemi n’est désormais plus l’impérialisme mais le fascisme, a pour conséquence la surveillance acharnée de Padmore. Il quitte alors les Etats-Unis pour vivre à Londres, effectuant des piges pour la presse concernée par le sort des noirs dans le monde. Padmore fait la connaissance de panafricains reconnus (ou qui le seront par la suite) tels que son ami d’enfance, l’écrivain CLR James, ou encore Kenyatta ou T.Makonnen.

A partir de 1935, Georges Padmore intensifie son activité militante panafricaine, désireux de faire savoir à tous les noirs la condition de leurs semblables où qu’ils se trouvent sur terre. Durant la Seconde Guerre Mondiale, il proteste contre les déclarations de Winston Churchill qui exclu les colonies d’un avenir indépendant face aux oligarchies occidentales. Il enverra à ce sujet, un manifeste aux Nations Unies et organisera deux conférences.

Du 15 au 21 octobre 1945 se tient le congrès panafricain de Manchester, duquel Georges Padmore est l’un des principaux acteurs. Des syndicalistes venus de tous horizons se réunissent ainsi que l’afro américain W.E.B Du bois. Les résolutions concernent la situation d’apartheid en Afrique du Sud, la demande d’indépendance des colonies africaines, l’autonomie des colonies britanniques, notamment des îles, et des lois punissant la discrimination raciale en Grande-Bretagne.

Après la guerre, il crée l’Agence de Presse Panafricaine, puis, boycotté par les anti-communistes, devient secrétaire générale de la Fédération panafricaine. Cet amalgame entre lutte panafricaine et communisme crée des divisions au sein des organisations communautaires, ce qui inquiète Padmore. Ne pouvant plus écrire dans la presse à cause de ses idées jugées trop radicales, il devient écrivain par la force des choses. En 1949 il écrit Africa : Britain’s third Empire (L’Afrique : troisième empire britannique), qui décrit les difficultés auxquelles sont confrontés les afro-descendants vivants en Grande-Bretagne… Peu avant cela, il rencontre Kwame Nkrumah, duquel il restera proche jusqu’à sa mort. Padmore lutte plus activement que par l’écrit, donnant des conférences et des réunions de lobbying contre l’impérialisme.

En 1951, il se rend pour la première fois au Ghana. Il y retourne régulièrement à partir de 1957, invité d’abord pour célébrer l’indépendance du pays. Il finit par s’y installer pour travailler sous la direction de Kwame Nkrumah en tant que conseiller aux affaires africaines, non sans l’hostilité de quelques nationaux. En 1956, il écrit Panafricanism or communism ?, pour dépeindre la lutte des peuples africains et afro-descendants pour leur souveraineté et leur auto-détermination.

Padmore voyagera dans plusieurs pays d’Afrique, notamment pour préparer la conférence des Etats indépendants de 1958. Accra, à cette époque, est une terre panafricaine parmi les plus célèbres ; en effet, elle accueille une série de manifestations pro-africaines, et notamment, la All African Peoples Conference (AAPC). Cette dernière rassemble plusieurs centaines de délégués venus de 28 pays d’Afrique différents sous le mot d’ordre « Indépendance et Unité ». Padmore en devient le secrétaire générale et le kenyan Tom Mboya le président. Les idées sont l’indépendance totale de tous les peuples africains, le regroupement de tous les noirs et la création des Etats-Unis d’Afrique…

Padmore, depuis son poste de secrétaire générale de l’AAPC met en garde les peuples africains sur les méthodes employées par l’impérialisme pour diviser les noirs, notamment par le tribalisme et la religion. Parallèlement, il doit travailler sur une nouvelle constitution pour le Ghana. Très malade, il est évacué à Londres en 1959 et n’assiste donc pas à la chute de Nkrumah. Le 23 septembre 1959, il décède à l’hôpital et sera enterré le 4 octobre de la même année, au Ghana, après des funérailles nationales.

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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