Neïba

Le Mahdi du Soudan : L’homme qui vainquit les colons turcs et britanniques

Histoire

Le Mahdi du Soudan : L’homme qui vainquit les colons turcs et britanniques

Par Naya 28 avril 2014

Pour ne rien manquer de l'actualité,
téléchargez l'application depuis ce lien
Recevez du contenu exclusif, de l'actualité, des codes promos Nofi Store ainsi que notre actualité évenementielle chaque week-end !

Muhammad Ahmad, dit ‘le Mahdi’ (1844-1885) est un homme politique et religieux soudanais qui parvient à vaincre les colons turcs et britanniques et à fonder et à mener un gouvernement qui survivra à sa mort, durant jusqu’en 1899.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofipedia

1. Introduction

Depuis la première moitié 19ème siècle, le Soudan est sous la domination d’une dynastie ‘turque’ d’origine ottomane également à la tête de l’Egypte.

La brutalité physique et l’oppression économique de cette colonisation vont favoriser l’ascension de Muhammad Ahmad, un leader soudanais qui se proclamera ‘Mahdi’- sauveur de la fin des temps dans la tradition musulmane- et parviendra à vaincre Turcs et Britanniques pour libérer et accéder à la tête de son pays 

2. Jeunesse et origines

Muhammad Ahmad est né  en 1844 dans l’île de Labab, près de l’actuelle ville de Dongola dans le nord du Soudan. Il est le fils d’ ‘Abd Allah, un constructeur de barques qui prétend descendre du prophète Mahomet. Rapidement, sa famille émigre vers le sud du pays, puis au nord de la ville d’Omdurman. Le jeune Muhammad s’intéresse très tôt à la vie religieuse. A la mort de son père, il doit déménager avec sa famille à Khartoum. Il y fréquente des écoles coraniques. Ses deux frères veulent, comme eux et leur père défunt qu’il travaille dans la fabrication des barques mais Muhammad souhaite consacrer sa vie à l’étude des sciences coraniques. Les deux parties trouveront un compromis : il les accompagnera après avoir terminé ses études.

3. Les études

Muhammad Ahmad prévoit d’abord d’étudier au Caire en Egypte. Il se rétracte ensuite pour étudier dans la ville voisine de Berber sous la direction du célèbre Cheikh Muhammad al-Dikayr. Au cours de son apprentissage, outre de son fort intérêt pour la religion il montre des signes de rébellion contre le pouvoir turco-égyptien dont il dénonce l’oppression économique et refuse, en signe de protestation, de manger la nourriture. Très vite son message attire des suivants, dont son maître, Muhammad al-Dikayr. A la fin de ses études, vers l’âge de 18 ans, il se montre intéressé par le soufisme, une branche de l’Islam. Le soufisme est une branche de l’Islam dont l’une des particularités est de prétendre la possibilité se rapprocher de Dieu durant la vie terrestre. Il intègre alors la confrérie soufiste du Cheikh Muhammad Sharif Nur al Da’im qui impressionné par son étudiant l’autorise, sept ans plus tard à quitter son école. Muhammad Ahmad est désormais un Cheikh soufiste, qui peut transmettre son propre savoir à d’autres.

4. Muhammad Ahmad, le missionnaire

Peu après son départ de la confrérie, Muhammad Ahmad entame une série de voyages dans son pays pour rassembler des disciples. En voyage à Khartoum, il y épouse Fatima, une de ses cousines, événement pendant lequel il interdit notamment les danses traditionnelles soudanaises, qu’il juge contraire aux bonnes mœurs religieuses. Vers 1878, Muhammad Ahmad critique son maître pour les mêmes motifs son maître Muhammad Sharif Nur al Da’im qui a organisé des danses lors d’une fête familiale. Accusé de trahir l’Islam par son élève dont la popularité commence en outre à dépasser la sienne, Muhammad Sharif Nur al Da’im décide de le renvoyer de la confrérie. Il parvient à rejoindre une autre confrérie soufiste, celle de la Sammaniya à Khartoum qu’il parvient à intégrer, malgré les protestations de son ancien maître. La même année, le Cheikh al-Qurashi wad al-Zayn, dont il avait épousé une fille, meurt. Muhammad Ahmad, alors en voyage dans le pays,  est nommé par les adeptes de la Sammaniya à la tête de celle-ci. Au cours de ses voyages, il remarque l’attente d’un Mahdi parmi le peuple soudanais et entrevoit la possibilité d’en être l’incarnation.

5. De Muhammad Ahmad à Muhammad al-Mahdi

Bien qu’il ne soit pas mentionné dans le Coran, la figure du Mahdi apparaît dans la tradition musulmane postérieure comme un envoyé de Dieu dont l’arrivée précèdera la fin des temps et réunifiera les musulmans divisés, peu avant le retour de Jésus sur terre qui vaincra le Dajjal, le faux messie. Il devra notamment s’appeler Muhammad, comme le prophète Mahomet et être son descendant. Avant 1880, après avoir été reconnu par plusieurs personnes comme étant l’incarnation du Mahdi par plusieurs personnes, Muhammad Ahmad rapporte avoir eu des visions divines annonçant sa mission. Jusqu’en 1881, il en avertit en secret ses proches, puis procède à une annonce publique sa mission cette année où il invite les fidèles à se joindre à lui. Très vite, les prétentions de Muhammad Ahmad  parviennent aux oreilles du pouvoir turco-égyptien. Le gouverneur général du Soudan, Muhammad Ra’uf Pasha ordonne à Muhammad Ahmad, basé sur l’île d’Aba de se rendre plus au nord, à Khartoum pour se soumettre à lui. Muhammad Ahmad  refuse et est attaqué par une armée gouvernementale. Les quelques trois cent soldats de Muhammad Ahmad  équipés  d’armes blanches défont l’armée du gouverneur, bien plus nombreuse et équipée d’armes à feu. Cette victoire entraîne une nombreuse adhésion au mouvement mahdiste. Peu après, il reçoit de nombreuses visions divines dont l’une lui ordonne de changer son nom de Muhammad Ahmad  en celui de Muhammad al-Mahdi.

6. L’homme à abattre

Après cette victoire, al-Mahdi avait migré près du Mont Qadir qu’il avait renommé Mont Massa pour se confirmer aux prédictions traditionnelles qui voyaient le Mahdi émigrer sur un Mont Massa. De son côté, le gouvernement turco-égyptien réagit à cette défaite en envoyant une armée à l’île d’Aba, qu’ils trouvèrent déserte. Ils durent se retirer à Khartoum, victimes de maladies causées par les pluies locales. Se dirigeant vers la province de Fachoda à l’Ouest du pays, l’armée du Mahdi réussit une embuscade sur l’armée de son gouverneur qui prévoyait de les attaquer. Après une troisième victoire mi 1882 contre des troupes envoyées par le nouveau gouverneur turco-égyptien, Giegler Pasha, al-Mahdi forme officiellement un gouvernement au sein duquel il établit des représentants et une armée dans les territoires conquis. En septembre 1882, l’armée mahdiste subit une lourde défaite dans la ville d’el-Obeid, où il perd près de 10000 hommes. Il en fit toutefois le siège et obtint la reddition de ses gouverneurs. Al-Mahdi était désormais à la tête de l’importante province du Kordofan. En janvier 1883, les forces mahdistes furent défaites par le nouveau gouverneur général Pasha Hilmi, qui fut toutefois renvoyé en Egypte peu après.

7. L’intervention britannique et la conquête du pays

La Grande Bretagne, qui avait récemment occupé l’Egypte envoie le colonel William Hicks pour rétablir le pouvoir gouvernemental. Après quelques succès pour son armée, celle-ci est massacrée par les forces du Mahdi le 5 novembre 1883 dans la ville de Sheikan ce qui fait décupler la popularité et la légitimité politique et messianique du Mahdi qui se propage jusqu’en Inde et au Maghreb. Après de nouveaux succès dans les régions du Bahr el Ghazal et du Darfour, les forces mahdistes s’assurèrent le soutien des populations bédja du Désert oriental en 1884. Le gouvernement britannique décide alors d’évacuer le Soudan avec les ressortissants européens présents sur place. Après l’échec des tentatives de négociation de la part du représentant britannique Charles Gordon qui proposait notamment de le nommer Sultan de la région du Kordofan en échange des prisonniers européens, le Mahdi envoya ses généraux faire le siège de Khartoum et de Berber. Dans cette dernière, c’est son ancien maître Muhammad al-Dikayr qui parvient à obtenir la reddition de son gouverneur. Fin janvier, al-Mahdi fit une entrée triomphale dans Khartoum ou 10000 des 40000 habitants, dont Gordon furent tués. Pour rompre avec la tradition du gouvernement ‘mécréant’ turco-égyptien, al-Mahdi quitte Khartoum et déplace son siège à Omdurman. En février 1885, Muhammad al-Mahdi  devient le premier chef du Soudan à créer une monnaie unique pour l’ensemble du Soudan, dans son cas pour marquer son indépendance vis-à-vis des autres états.

8. Mort et chute du gouvernement mahdiste

Quelques mois plus tard, le 22 juin 1885, Muhammad al-Mahdi meurt à Omdurman de maladie ou bien empoisonné par une concubine. Il fut remplacé, malgré des contestations initiales par son successeur désigné, Abdallahi al-Ta’ayshi, connu sous son titre de Khalifa. Excellent administrateur, celui-ci transforma le mouvement du Mahdi en un Etat, avec provinces, gouverneurs, armée et loi basée sur les préceptes d’al-Mahdi. Après des tentatives d’expansions en Egypte et en Abyssinie, le Khalifa ne pourra empêcher la reconquête de son pays en 1899 par la Grande Bretagne laissant la croyance théologique de la conquête du monde par le successeur du Mahdi inachevée. Muhammad Ahmad fut-il le Mahdi annoncé par les traditions musulmanes? Il fut en tous cas un homme dont le formidable destin, qui le conduisit grâce à une inébranlable foi en lui à vaincre les puissances coloniales européennes et asiatiques et à réunifier son pays, reste trop peu connu des Noirs.

VOUS AIMEREZ AUSSI: 

Les Arabes soudanais : entre arabité et négro-africanité