Née d’un sursaut et d’un rêve de femme, TICTAC12+ entend transformer le regard porté sur les migrations. Fondée par l’entrepreneure franco-congolaise Aurélie Lamini, l’organisation réunit un réseau international de femmes décidées à s’attaquer aux causes profondes de l’exil : le manque d’opportunités, l’injustice économique, la perte d’espoir. Entre Paris, Dakar et Bruxelles, elles inventent une autre manière d’agir : investir dans les territoires, former, autonomiser, raconter les réussites plutôt que les drames. Une révolution discrète, mais déterminée, portée par une certitude : la dignité n’est pas une aide, c’est une œuvre.
Soigner la racine, pas le symptôme

Tout commence un 1er janvier. « J’ai compris qu’on ne pouvait plus se contenter de constater », raconte Aurélie Lamini. Après plusieurs années dans l’entrepreneuriat et le conseil, elle décide de transformer son indignation en méthode. De cette résolution naît TICTAC12+, acronyme de Temps des Investissements Ciblés, Temps des Actions Concrètes. L’idée est simple : créer un réseau d’expertes et de partenaires capables de mettre l’intelligence, la créativité et la rigueur financière au service d’un objectif clair ; rendre les départs non plus nécessaires, mais optionnels.
Le projet s’incarne vite. Le 8 mars 2025, journée internationale des droits des femmes, un premier sommet à Paris réunit une cinquantaine de participantes autour d’une conviction commune : l’Afrique et ses diasporas ne manquent pas de talents, mais d’opportunités structurées. Quelques mois plus tard, le 28 juin, l’organisation est officiellement domiciliée à Bruxelles. Une charte fondatrice est signée, un accord de confidentialité protège les futurs partenariats. En six mois, le concept devient une organisation internationale.
Contrairement à de nombreuses structures humanitaires, TICTAC12+ ne se définit pas comme une ONG d’assistance, mais comme un laboratoire d’investissement social.
Son action repose sur une intuition simple : l’exil est souvent le symptôme d’une absence de perspectives. Soigner la racine plutôt que le symptôme, voilà la méthode.



Concrètement, les projets soutenus vont de la création de coopératives agricoles à la formation numérique, en passant par l’accès à l’eau, à l’énergie et à la santé. Chaque initiative est pensée avec les communautés locales, dans une logique de transmission et d’autonomisation. L’objectif n’est pas de décourager les départs, mais de redonner de la valeur au fait de rester.
« Il ne s’agit pas d’empêcher les gens de partir, mais de faire en sorte que ceux qui partent le fassent par envie, pas par désespoir », résume Aurélie Lamini. Cette vision s’accompagne d’un autre combat : changer le récit médiatique autour des migrations. Podcasts, vidéos, reportages, témoignages… L’ONG veut montrer les réussites locales, les ingénieurs, les artisanes, les agricultrices, les entrepreneuses qui, loin des projecteurs, reconstruisent des économies viables.




Autour d’Aurélie Lamini, une équipe cosmopolite donne chair à cette ambition. Il y a Angéline Anani, juriste ivoirienne, cheffe d’orchestre de la gouvernance interne ; Angèle Siriki, experte en finances et investissements ; Tania Muzard, communicante basée au Sénégal, voix publique de l’organisation ; Anne-Karen Mapingou, responsable des partenariats en Italie ; Préfina Samba, administratrice au Gabon ; Aloma Eyokam, spécialiste du développement de projets en République démocratique du Congo ; Hera Lydie-Diane Wernicke, ingénieure éducative installée en Pologne ; Herika Ouraga, organisatrice d’événements en Mauritanie ; et Lydia Flore Atsima, militante écologiste en République du Congo.
À ces noms s’ajoutent ceux des ambassadrices régionales : Awa Camara Bousso au Cap-Vert, Raziska Uwimana au Mexique, Amanda Estinvil en République dominicaine, Chissi Anissa Ali Mohamed à Madagascar. Ensemble, elles tissent une géographie nouvelle : des points d’ancrage dans les zones de départ, de transit et d’arrivée, comme une carte vivante du possible.
Derrière les événements organisés par TICTAC12+, il n’y a ni tribune vaine ni communication creuse. Chaque sommet correspond à une étape mesurable : identification des besoins, conception de projets, mobilisation de financements, suivi sur le terrain.
Le 4 juillet 2026, un troisième grand sommet doit se tenir à Paris, à l’Hôtel Océania. Ce rendez-vous réunira décideurs, entrepreneurs, représentants de la diaspora, artistes et institutions. Objectif : amplifier la visibilité du mouvement, signer de nouveaux partenariats et concrétiser les engagements financiers pris lors des précédentes rencontres.
Mais plus encore, il s’agira d’évaluer les premiers résultats. Certains programmes pilotes, notamment en Côte d’Ivoire et au Gabon, ont déjà permis la création de petites unités agricoles autonomes en énergie solaire. D’autres, en cours d’élaboration au Sénégal et à Madagascar, visent à former des jeunes femmes aux métiers techniques de l’eau et de l’électricité.
Ce qui distingue TICTAC12+, c’est aussi son ton. Ici, pas de jargon, pas de fatalisme. Les membres parlent d’espoir pragmatique, de responsabilité partagée, de coopération horizontale. Leur approche est politique, mais au sens noble : celle d’une volonté d’organiser la vie commune, de rendre à chacun la possibilité de choisir son destin.

Les migrations ne sont plus envisagées comme un “problème à résoudre”, mais comme un miroir de nos déséquilibres économiques, environnementaux et symboliques. Pour Aurélie Lamini :
« chaque fois qu’une jeune fille du littoral cap-verdien peut vivre de son travail sans risquer la traversée, c’est une victoire collective. Chaque fois qu’un maraîcher gabonais irrigue sa terre grâce à un micro-investissement local, c’est une politique migratoire réussie ».
Dans le paysage souvent saturé des promesses de développement, TICTAC12+ revendique la transparence comme principe fondateur. Chaque action est suivie, documentée, évaluée. Les bilans sont publics, les partenariats audités. L’impact n’est pas un slogan, mais une méthode. Cette exigence, héritée du monde de l’entreprise, permet à l’ONG de séduire des partenaires institutionnels autant que des investisseurs à impact.
Le modèle est clair : à chaque euro investi doit correspondre une transformation mesurable. Un emploi créé, une formation lancée, une famille stabilisée. L’efficacité devient un outil d’éthique.
Dans son essence, TICTAC12+ raconte une autre manière de penser la mobilité. Non plus comme un arrachement, mais comme un continuum de circulation, où partir ou rester sont deux libertés égales. L’organisation milite pour que l’Afrique et sa diaspora ne soient plus définies par le manque, mais par la contribution.
Derrière le travail des femmes de TICTAC12+, il y a l’idée que la migration peut redevenir un choix, et non une conséquence. Et qu’une société se juge à la capacité qu’elle offre à ses enfants de rêver leur avenir sur place.
Une révolution discrète

Aurélie Lamini le répète souvent :
« La dignité est un projet d’ingénierie. »
Elle se conçoit, se finance, se gouverne, se mesure. Rien n’est spontané dans l’émancipation ; tout se construit.
C’est peut-être là la force tranquille de TICTAC12+ : redonner au mot développement un sens concret. Pas un concept abstrait, mais un chantier vivant, porté par des femmes qui refusent de choisir entre cœur et raison.
Leur tic-tac n’est pas celui de la peur. C’est celui de la construction. Et s’il fallait un symbole de ce temps retrouvé, ce serait celui-là : le bruit régulier d’une montre qu’on remonte. Celle d’un continent qui se relève et qui, cette fois, compte sur lui-même.
TICTAC12+ tiendra son 3ᵉ Grand Sommet le 4 juillet 2026 à Paris (Hôtel Océania).
L’organisation est basée à Bruxelles-Ixelles et active en Europe, en Afrique, dans les Caraïbes et en Amérique du Nord.
Contact : contact@tictac12plus.org ;
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