« The Ballot or the Bullet », le testament électoral de Malcolm X

L’Histoire appelant l’Histoire, nous vous proposons « The Ballot or the Bullet » (« le bulletin de vote ou le fusil », en français), un discours public prononcé le 3 avril 1964 à l’Église méthodiste de Cory à Cleveland, par Malcolm X. Des mots puissants qui sont un véritable appel à ce que la communauté noire exerce judicieusement son droit de vote. 

« The Ballot or the Bullet » marque un tournant dans majeur dans le parcours politique de Malcolm X :

  • Il marque ses distances avec ses anciens frères d’arme de la Nation of Islam.
  • Il « fait du pied » aux dirigeants de droits civiques modérés.
  • Il réaffirme son adhésion au nationalisme noir et à l’autodéfense

Voici la retranscription de son discours :

Le bulletin de vote ou le fusil !

22 mars 1964

Muslim Mosque, Harlem – New York

« Monsieur le président, frère Lomax [1], frères et sœurs, amis et ennemis (je ne puis quand même pas croire que chacun de vous soit un ami et je ne veux exclure personne).

La question posée ce soir ; à ce que je comprends, c’est “la révolte noire et ce qui en résultera” ou encore “qu’y aura-t-il ensuite ?” Si j’en crois mon petit jugement, cette question pose celle du choix entre le bulletin de vote et le fusil. Avant de tenter d’expliquer ce que nous entendons par “le bulletin de vote ou le fusil”, j’aimerais éclaircir un point qui me concerne personnellement. Je suis toujours musulman, ma religion est toujours l’Islam. Tout comme Adam Clayton Powell, prêtre chrétien, qui dirige à New York l’église baptiste abyssinienne [2], tout en participant aux luttes politiques menées pour essayer de conquérir des droits pour les noirs de ce pays, tout comme le docteur Martin Luther King, prêtre chrétien d’Atlanta, en Georgie, et dirigeant d’une autre organisation qui lutte pour les droits civiques des noirs de ce pays, tout comme le pasteur Galamison, dont vous avez entendu parler, je pense, autre prêtre chrétien à New York, qui a participé de très près aux boycotts scolaires organisés pour mettre fin à la ségrégation dans l’enseignement, je suis moi-même un prêtre, non pas un prêtre chrétien, mais un prêtre musulman, et je crois à l’action sur tous les fronts et par tous les moyens nécessaires.

Bien que je sois toujours musulman, je ne suis pas venu ici ce soir pour vous parler de ma religion. Je ne suis pas ici pour tenter de vous faire changer de religion. Je ne suis pas ici pour argumenter ou discuter de nos points de désaccord, car il est temps que nous mettions nos divergences en veilleuse et que nous comprenions que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de commencer par nous rendre compte que nous avons tous le même problème, un problème commun – un problème qui fait que vous prendrez des coups, que vous soyez baptiste, méthodiste, musulman ou rationaliste. Que vous ayez fréquenté l’école ou que vous soyez analphabète, que vous viviez sur le boulevard ou sur la ruelle, vous prendrez des coups tout comme moi. Nous sommes tous dans le même bateau et nous allons tous recevoir les mêmes coups du même homme. Il se trouve précisément que cet homme est blanc. Tous nous avons subi, dans ce pays, l’oppression politique imposée par l’homme blanc, l’exploitation économique imposée par l’homme blanc et la dégradation sociale imposée par l’homme blanc.

Lorsque nous nous exprimons ainsi, cela ne veut pas dire que nous sommes antiblancs, mais que nous sommes opposés à l’exploitation, opposés à la dégradation, opposés à l’oppression. Et si l’homme blanc ne veut pas que nous soyons ses ennemis, qu’il cesse de nous opprimer, de nous exploiter et de nous dégrader. Que nous soyons chrétiens, musulmans, nationalistes, agnostiques ou athées, nous devons d’abord apprendre à oublier ce qui nous sépare. Si nous avons des divergences, discutons-les en privé ; mais lorsque nous descendons dans la rue, qu’il n’y ait pas de sujet de controverse entre nous tant que nous n’aurons pas fini de discuter avec cet homme. Si le défunt président Kennedy a pu s’entendre avec Khrouchtchev et échanger du blé avec lui, nous avons certainement plus de points d’accord qu’ils n’en avaient.

Si nous ne faisons pas quelque chose très bientôt, je pense que vous admettrez tous que nous allons être contraints de recourir soit au bulletin de vote soit au fusil. En 1964, ce sera soit l’un soit l’autre. Ce n’est pas que le temps passe – c’est que le temps a passé ! 1964 risque d’être l’année la plus explosive que l’Amérique ait jamais connue. L’année la plus explosive. Pourquoi ? C’est également une année politique. C’est l’année où tous les politiciens blancs seront de retour dans la communauté dite nègre, pour nous extorquer des voix à force de discours sucrés. L’année où tous les faisans blancs de la politique seront de retour dans notre communauté, à vous et à moi, avec leurs promesses fallacieuses, faisant monter l’espoir pour ensuite nous décevoir, avec leur astuce et leur traîtrise, avec leurs fallacieuses promesses qu’ils n’ont pas l’intention de tenir. À entretenir cette insatisfaction, ils ne peuvent rien obtenir d’autre qu’une explosion ; et maintenant la scène américaine voit apparaître, excusez-moi frère Lomax, un type de noir qui n’a pas l’intention de continuer à tendre l’autre joue.

Que personne ne vienne vous parler des chances qui sont contre vous. Ils vous appellent sous les drapeaux et ils vous envoient en Corée affronter 800 millions de Chinois. Si vous pouvez être braves là-bas, vous pouvez l’être ici-même. Les chances contre vous ne sont pas aussi grandes ici que là-bas. Et si vous vous battez ici, vous saurez au moins pourquoi.

Je ne suis pas politicien, ni même spécialisé en sciences politiques ; à vrai dire, je ne suis pas spécialisé dans l’étude de grand-chose. Je ne suis pas démocrate, je ne suis pas républicain et je ne me tiens pas même pour un Américain. Si nous étions Américains, vous et moi, il n’y aurait pas de problème. Ces Hongrois qui viennent de débarquer, ils sont déjà des Américains ; les Polonais sont déjà des Américains ; les émigrants italiens sont déjà des Américains. Tout ce qui est venu d’Europe, tout ce qui a les yeux bleus, est déjà américain – Et depuis le temps que nous sommes dans ce pays, vous et moi, nous ne sommes pas encore des Américains.

Eh bien, je suis un homme qui n’accepte pas de se bercer d’illusions. Je n’irai pas m’asseoir à votre table pour vous regarder manger, sans rien dans mon assiette, et déclarer que je dîne. Il ne suffit pas d’être assis à table pour dîner ; encore faut-il manger de ce qui se trouve dans l’assiette. Il ne suffit pas d’être ici, en Amérique, pour être américain. Il ne suffit pas d’être né ici, en Amérique, pour être américain. Car enfin si la naissance vous faisait américains, vous n’auriez pas besoin de législation, vous n’auriez pas besoin d’amendements à la Constitution, vous n’auriez pas à assister aux manœuvres d’obstruction qui s’opèrent en ce moment même, à Washington D.C., aux dépens des droits civiques. On n’a pas à faire adopter de législation sur les droits civiques pour faire d’un Polonais un Américain.

Non, je ne suis pas américain. Je suis l’un des 22 millions de noirs qui sont victimes de l’américanisme. L’un des 22 millions de noirs qui sont victimes d’une démocratie qui n’est rien d’autre qu’une hypocrisie déguisée. Aussi ne suis-je pas ici pour vous parler en tant qu’Américain, en tant que patriote, en tant qu’adorateur ou porteur de drapeau – non, ce n’est pas mon genre. Je m’adresse à vous en tant que victime de ce système américain. Et je vois l’Amérique par les yeux de la victime. Ce n’est pas un rêve américain que je vois, mais un cauchemar américain.

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Ces 22 millions de victimes sont en train de s’éveiller. Leurs yeux sont en train de s’ouvrir. Elles commencent à voir qu’elles se contentaient jusque-là de regarder. Elles accèdent à la maturité politique. Elles comprennent qu’il existe de nouvelles tendances politiques d’un bord à l’autre du pays. Voyant ces nouvelles tendances politiques, elles ont la possibilité de se rendre compte que, chaque fois qu’il y a une élection, les concurrents arrivent tellement groupés qu’il faut recompter les voix. Il a fallu les recompter dans le Massachusetts pour savoir qui serait gouverneur, tant la lutte était serrée. Même chose à Rhode Island, dans le Minnesota, et dans de nombreuses autres régions du pays. Même chose lorsque Kennedy et Nixon faisaient campagne pour la présidence : ils sont arrivés si près l’un de l’autre qu’il a fallu tout recompter. Et qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que, lorsque les blancs se départagent à égalité et que les noirs ont un bloc de voix à eux, c’est aux noirs qu’il revient de décider qui va siéger à la Maison Blanche et qui va à la niche.

Ce sont les voix des noirs qui ont permis à l’administration actuelle de s’installer à Washington. Votre vote, votre vote stupide, votre vote ignorant, votre vote en pure perte a porté à Washington une administration qui a jugé bon de faire adopter toutes les lois possibles et imaginables, en vous gardant pour la fin et en recourant à l’obstruction pour couronner le tout. Et ceux qui nous dirigent, vous et moi, ont l’audace de courir le pays en battant des mains et en parlant des grands progrès que nous faisons. Et du bon président que nous avons. S’il n’était pas bon au Texas, il ne peut certainement pas être bon à Washington. Parce que le Texas est un État où règne la Loi de Lynch. On y respire exactement le même air que dans le Mississipi ; la seule différence, c’est que, dans le Texas, on vous lynche avec l’accent du Texas, et que, dans le Mississipi, on vous lynche avec l’accent du Mississipi. Et ces dirigeants noirs ont l’audace d’aller prendre le café à la Maison Blanche, à la table d’un Texan, d’un raciste du Sud – c’est tout ce qu’il est – et de sortir de là pour venir nous dire, à vous et à moi, que ce président-là sera meilleur pour nous parce qu’il est du Sud et que, par conséquent, il sait comment s’y prendre avec les Sudistes. Quelle sorte de logique est-ce là ? Pourquoi ne pas élire Eastland à la présidence ? Il est du Sud, lui aussi. Il saurait encore mieux s’y prendre avec eux que Johnson.

Sous l’administration actuelle, la Chambre des députés compte 257 démocrates contre 177 républicains seulement. Les démocrates ont les deux tiers des voix à la Chambre. Pourquoi ne sont-ils pas capables d’adopter des mesures susceptibles de nous aider, vous et moi ? Au Sénat, il y a 67 sénateurs démocrates et seulement 33 sénateurs républicains. Autrement dit, les démocrates ont reçu le pouvoir sur un plateau d’argent, et c’est vous qui le leur avez apporté. Et que vous ont-ils donné en échange ? Au pouvoir depuis quatre ans, c’est seulement maintenant qu’ils se décident à présenter quelques lois en faveur des droits civiques. Seulement maintenant, alors que tout le reste est réglé et ne pose plus de problème, ils vont siéger et jouer avec vous durant tout l’été – cet énorme jeu de dupes qu’ils appellent obstruction. Tous ceux-là sont de mèche. N’allez pas vous imaginer qu’ils ne sont pas de mèche, car celui qui dirige les manœuvres d’obstruction est un nommé Richard Russel, qui vient de Georgie. Quand Johnson a été élu, le premier homme qu’il ait appelé auprès de lui une fois revenu à Washington, c’était “Dicky” – c’est vous dire à quel point ils sont intimes. C’est son vieux frère, son copain, son pote. Mais ils jouent le jeu de dupes bien connu. L’un vous fait croire qu’il est pour vous, et s’arrange avec l’autre pour que ce dernier s’oppose si violemment à vous que le premier n’ait pas à tenir sa promesse.

Donc il est temps, en 1964, de s’éveiller. Lorsque vous les voyez arriver après s’être entendus d’avance contre vous, montrez-leur que vos yeux se sont ouverts. Il faudra qu’ils choisissent entre le bulletin de vote et le fusil. Si vous avez peur d’utiliser une expression pareille, quittez le pays, retournez cultiver le coton sur votre parcelle, retournez à la ruelle. Ils ont pour eux toutes les voix des noirs, et lorsqu’ils ont ces voix, ils ne donnent rien aux noirs en retour. Une fois installés à Washington, ils se sont contentés d’accorder de hauts postes à quelques gros bonnets noirs. Mais ces noirs n’avaient pas besoin de ces postes, ils en avaient déjà. C’est du camouflage, c’est de la triche, c’est de la traîtrise et de l’amuse-gogos. Je ne cherche pas à éliminer les démocrates au profit des républicains ; nous parlerons de ces derniers dans un instant. Mais il est vrai que vous avez fait passer les démocrates en premier et qu’ils vous ont fait passer en dernier.

Voyez les choses telles qu’elles sont. À quels alibis ont-ils recours, depuis qu’ils tiennent en leur pouvoir la Chambre des députés et le Sénat ? À quel alibi recourent-ils lorsque nous leur demandons, vous et moi : “Eh bien, quand allez-vous tenir votre promesse ?” Ils rejettent la faute sur les dixiecrates [3]. Qu’est-ce qu’un dixiecrate ? Un démocrate. Un dixiecrate n’est qu’un démocrate travesti. Le dirigeant en titre du parti démocrate est aussi le chef des dixiecrates, puisque les dixiecrates sont membres du parti démocrate. Les démocrates n’ont jamais vidé les dixiecrates de leur parti. Les dixiecrates se sont éjectés d’eux-mêmes en une occasion, mais les démocrates ne les ont pas exclus. Rendez-vous compte, ces ignobles ségrégationnistes du Sud ont laissé tomber les démocrates du Nord, mais les démocrates du Nord n’ont jamais débarqué les dixiecrates. Non, voyez les choses telles qu’elles sont. Ils jouent un jeu de dupes, un jeu politique, et nous sommes les pigeons, vous et moi. Il est temps que nous nous éveillions, vous et moi, et que nous nous décidions à regarder les choses en face et à tenter de les comprendre telles qu’elles sont ; ensuite, nous pourrons les traiter pour ce qu’elles sont.

Les dixiecrates installés à Washington ont en mains les principaux comités qui assurent le fonctionnement du gouvernement. Si les dixiecrates ont ces comités en mains, c’est uniquement parce qu’ils bénéficient de l’ancienneté. S’ils en bénéficient, c’est uniquement parce qu’ils viennent d’États dans lesquels il est impossible aux noirs de voter. Ce gouvernement n’est pas même fondé sur la démocratie. Il n’est pas constitué par des représentants du peuple. La moitié des gens du Sud ne peuvent même pas voter. Eastland n’est même pas censé se trouver à Washington. La moitié des sénateurs et des députés qui détiennent des positions clés à Washington sont à Washington illégalement et en contradiction avec la Constitution.

Jeudi de la semaine dernière, je me trouvais à Washington alors qu’ils discutaient s’ils laisseraient ou non s’engager le débat sur la loi des droits civiques. Au fond de la salle dans laquelle se réunit le Sénat, il y a une immense carte des États-unis, avec l’indication de la répartition des noirs dans le pays. Cette carte montre que les États de la partie sud de ce pays, ceux dans lesquels la concentration des noirs est la plus importante, sont ceux dont les sénateurs et les députés montent à la tribune pour faire obstruction et recourent à toute sorte d’astuces pour empêcher le noir d’être à même de voter. Cela fait pitié. Mais ce n’est plus pitié pour nous ; en fait, c’est pitié pour l’homme blanc, car à présent le noir, qui peu à peu s’éveille, et voit l’étau, le sac, le jeu dans lequel il est pris, ne va pas tarder à mettre au point une tactique nouvelle.

En fait, ces sénateurs et ces députés violent les amendements de la Constitution qui garantissent le droit de vote à la population de tel ou tel État ou comté. La Constitution contient elle-même des dispositions qui permettent d’exclure tout représentant d’un État dans lequel le droit de vote est violé. Il n’y a même pas besoin de présenter une nouvelle législation. Tout député qui siège au nom d’un État ou d’une circonscription où le droit de vote est violé, devrait être expulsé de la Chambre. Lorsque vous l’aurez expulsé, vous aurez déblayé l’un des obstacles qui s’opposent à l’adoption de toute loi réellement significative dans ce pays. En fait, lorsque vous les aurez expulsés, vous n’aurez pas besoin d’une nouvelle législation, car ils seront remplacés par des députés noirs venus de comtés et de circonscriptions dans lesquels les noirs représentent la majorité et non la minorité.

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Si les noirs qui vivent dans ces États du Sud jouissaient pleinement de leur droit de vote, les chefs des dixiecrates à Washington, autrement dit les chefs des démocrates à Washington, perdraient leurs sièges. Le parti démocrate lui-même perdrait son pouvoir. En tant que parti, il cesserait d’être puissant. Quand on voit tout le pouvoir que perdrait le parti démocrate s’il devait se défaire de son aile, de sa branche, de son élément dixiecrate, on peut comprendre en quoi les démocrates n’ont pas intérêt à donner le droit de vote aux noirs dans des États où leur parti détient tout le pouvoir et toute l’autorité depuis la guerre de sécession. On ne peut se contenter d’appartenir à ce parti sans l’analyser.

Je le répète, je ne suis pas antidémocrate, ni antirépublicain, anti quoi que ce soit. Je mets tout simplement en doute leur sincérité et certains aspects de la stratégie dont ils usent à l’égard des nôtres, leur faisant des promesses qu’ils n’ont pas l’intention de tenir. En maintenant les démocrates au pouvoir, vous maintenez les dixiecrates au pouvoir. Je ne pense pas que mon bon frère Lomax songe à me démentir sur ce point. Voter pour un démocrate, c’est voter pour un dixiecrate. C’est pourquoi le moment est venu pour vous et pour moi, en 1964, de faire preuve de plus de maturité politique et de comprendre à quoi sert le bulletin de vote, ce que nous sommes censés obtenir lorsque nous votons, et que, si nous ne votons pas, la situation finira par en venir au point où nous devrons fondre des balles. Ce sera le bulletin de vote ou le fusil.

Dans le Nord, ils procèdent autrement. Ils ont un système de truquage électoral appelé “gerrymandering”. Ce qui veut dire que, lorsque les noirs atteignent une trop forte concentration dans un certain secteur, et qu’ils commencent à acquérir un trop grand pouvoir politique, l’homme blanc vient déplacer les limites des circonscriptions. Vous me direz : “Mais pourquoi parlez-vous toujours de l’homme blanc ?” Parce que c’est l’homme blanc qui fait cela. Je n’ai jamais vu un noir déplacer la moindre limite. On ne laisse pas un noir approcher de la limite. C’est l’homme blanc qui s’en charge. Et habituellement c’est l’homme blanc qui vous fait le plus de grimaces, qui vous tape sur l’épaule et qui est censé être votre ami. Même s’il est amical, il n’est pas votre ami.

Au fond, ce que j’essaie de vous faire admettre, c’est ceci : en Amérique, nous sommes, vous et moi, en face d’une conspiration ségrégationniste, d’une conspiration gouvernementale. Tous ceux qui font des manœuvres d’obstruction sont sénateurs – c’est le gouvernement. Tous ceux qui fricotent à Washington sont députés – c’est le gouvernement. Aucun de ceux qui vous mettent les bâtons dans les roues qui ne fasse partie du gouvernement. Ce même gouvernement pour lequel vous allez combattre et mourir en pays étranger participe à une conspiration en vue de vous priver de votre droit de vote, de vous priver de logements convenables, de vous priver d’éducation correcte. N’allez pas vous en prendre au seul patron, le gouvernement, le gouvernement américain, est également responsable de l’oppression, de l’exploitation et de la dégradation dont sont victimes les noirs de ce pays. Il faut les lui mettre sur le dos. Ce gouvernement n’a pas fait ce qu’il devait pour les noirs. Cette prétendue démocratie a laissé tomber les noirs. Et tous ces libéraux blancs ont sans conteste laissé tomber les noirs.

Alors, où irons-nous ensuite ? Tout d’abord, il nous faut des amis. Il nous faut de nouveaux alliés. Toute la lutte en faveur des droits civiques doit faire l’objet d’une nouvelle interprétation, plus large. Il nous faut envisager cette affaire des droits civiques d’un autre point de vue – de l’intérieur aussi bien que de l’extérieur. Pour ceux d’entre nous dont la philosophie est le nationalisme noir, il n’est possible de s’engager dans la lutte pour les droits civiques qu’à la condition d’en donner une nouvelle interprétation. L’ancienne interprétation nous excluait. Elle nous tenait en dehors. Aussi donnons-nous de la lutte pour les droits civiques une nouvelle interprétation qui nous permettra de nous y joindre et d’y participer. Et ces bonnets de nuit qui lambinent, qui temporisent et transigent, nous ne voulons plus les laisser temporiser, lambiner ni transiger davantage.

Comment pouvez-vous remercier celui qui vous donne ce qui vous appartient ? Comment pouvez-vous alors le remercier de ne vous donner qu’une partie de ce qui est à vous ? Vous n’avez même pas progressé si vous auriez dû avoir déjà en votre possession ce qui vous a été donné. Ce n’est pas un progrès. Et j’apprécie fort la façon dont mon frère Lomax a montré que nous en sommes revenus au point où nous étions en 1954. Nous ne sommes pas même aussi avancés qu’en 1954. Nous sommes en recul par rapport à 1954. La ségrégation est plus considérable aujourd’hui qu’en 1954. Il y a davantage d’animosité raciale, davantage de haine raciale, davantage de violence raciale aujourd’hui, en 1964, qu’en 1954. Où est le progrès ?

Et maintenant vous êtes en face d’une situation dans laquelle le jeune noir monte. Non, les jeunes ne veulent pas entendre parler de tendre l’autre joue. À Jacksonville, ce sont des moins de vingt ans qui lançaient les cocktails Molotov. Jamais encore des noirs n’avaient fait cela. Mais cela vous montre qu’une nouvelle donne se prépare. Des cocktails Molotov ce mois-ci, des grenades à main le mois prochain, et autre chose le mois suivant. Le bulletin de vote ou le fusil. La liberté ou la mort. La seule différence, c’est que cette sorte de mort sera réciproque. Vous savez ce que veut dire “réciproque” ? C’est un mot que j’ai dérobé au frère Lomax. Je n’ai pas coutume de me servir de grands mots comme celui-là parce que je n’ai pas affaire ordinairement à de grands personnages. J’ai affaire à de petites gens. À mon avis, on peut réunir un grand nombre de petites gens qui feront mener une vie d’enfer à un grand nombre de gros bonnets. Ils n’ont rien à perdre, ils ont tout à gagner. Et ils vous le feront savoir dans un instant : “Le tango se danse à deux : je démarre et tu me suis.

En travaillant à cette nouvelle interprétation de tout ce que signifient les droits civiques, les nationalistes noirs, ceux dont la philosophie est le nationalisme noir, sont d’avis que cela, comme l’a souligné notre frère Lomax, veut dire égalité des chances. Eh bien, nous sommes en droit de revendiquer les droits civiques si cela signifie égalité des chances, parce que, dans cette lutte, nous ne faisons que recueillir le fruit de notre investissement. Nos mères et nos pères ont investi leur sueur et leur sang. Pendant trois cent dix ans, nous avons travaillé dans ce pays sans toucher un sou, je dis bien un sou, pour notre peine. Vous laissez l’homme blanc venir parler de la richesse de ce pays, mais vous ne prenez jamais le temps de vous demander comment ce pays a fait pour s’enrichir si vite. Il s’est enrichi parce que vous avez fait sa richesse.

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Prenons ceux qui sont réunis ici. Ils sont pauvres ; pris individuellement nous sommes tous pauvres. Le salaire hebdomadaire de chacun d’entre nous ne représente pour ainsi dire rien. Mais si l’on considère globalement le salaire de tous ceux qui se trouvent ici, cela fait de quoi remplir un tas de paniers. Cela fait une grande richesse. Si vous pouvez collecter les salaires que touchent en un an tous ceux qui sont ici, vous serez riche, et même plus que riche. Envisagez la question de cette façon et songez à la fortune que l’Oncle Sam devait accumuler aux dépens non de la poignée de noirs que nous sommes, mais de millions de noirs. Mon père et ma mère, vos pères et vos mères, qui ne connaissaient pas la journée de huit heures, mais commençaient alors que le jour n’était pas encore levé pour terminer alors qu’ils n’y voyaient plus, et travaillaient pour rien, ont enrichi l’homme blanc, enrichi l’Oncle Sam.

C’est cela, notre investissement. C’est cela, notre contribution – notre sang. Non seulement nous avons fait cadeau de notre travail, mais aussi de notre sang. Chaque fois qu’il a appelé aux armes, nous avons été les premiers à endosser l’uniforme. Nous avons péri sur tous les champs de bataille de l’homme blanc. Personne en Amérique n’a consenti de plus grands sacrifices que nous. Nous avons donné plus et reçu moins. Pour ceux d’entre nous dont le nationalisme noir constitue la philosophie, les droits civiques, cela veut dire : “Donnez-les nous maintenant. N’attendez pas l’année prochaine. Donnez-les nous hier, et ce ne sera pas encore assez tôt.

Je m’interromprai ici pour faire une remarque. Lorsque vous revendiquez ce qui vous appartient, quiconque vous dénie le droit d’en jouir est un criminel. Comprenez-moi bien. Lorsque vous réclamez ce qui est à vous, vous êtes légalement en droit d’en revendiquer la possession. Quiconque tente, de quelque façon que ce soit, de vous dépouiller de ce qui vous appartient, enfreint la loi et commet par conséquent un délit. C’est ce qu’a mis en lumière la décision de la Cour Suprême. Cette décision a mis la ségrégation hors la loi. Cela veut dire que la ségrégation est illégale. Ce qui signifie que les ségrégationnistes enfreignent la loi. Tout ségrégationniste est un criminel. On ne peut pas le qualifier autrement. Et lorsque vous manifestez contre la ségrégation, vous avez la loi pour vous. La Cour Suprême est avec vous.

Mais qui donc vous empêche de mettre la loi en application ? Les services de la police. Avec leurs chiens et leurs matraques. Lorsque vous manifestez contre la ségrégation, que ce soit en matière d’éducation, de logement ou dans tout autre domaine, la loi est pour vous et quiconque vous barre la route cesse de représenter la loi. Ils enfreignent la loi, ils ne la représentent plus. Lorsque vous manifestez contre la ségrégation et qu’un homme a l’audace de lancer sur vous un chien policier, abattez ce chien, tuez-le, je vous le dis, tuez ce chien. Même s’ils doivent me jeter en prison demain, je vous dis de tuer ce chien. C’est ainsi que vous mettrez fin à cela. Si les blancs qui sont ici ne veulent pas de ce genre d’action, qu’ils aillent dire au maire de donner l’ordre aux services de la police de rentrer leurs chiens. C’est tout ce que vous avez à faire. Si vous ne vous en chargez pas, quelqu’un d’autre le fera.

Si vous ne prenez pas cette position ou une autre semblable, vos enfants, lorsqu’ils seront grands, auront honte en vous regardant. Si vous ne prenez pas une position intransigeante – je ne veux pas dire qu’il faille descendre dans la rue et se livrer à des violences, mais que vous ne devez être non-violent que si vous vous heurtez à une forme d’action non-violente. Je suis non-violent à l’égard de ceux qui pratiquent la non-violence à mon égard. Mais lorsqu’on m’accable de cette violence-là, on me rend fou, et je ne suis pas responsable de mes actes. C’est ainsi que tout noir devrait se comporter. Lorsque vous savez que vous avez la loi pour vous, vos droits légaux, vos droits moraux pour vous, que vous agissez en accord avec la justice, mourez pour vos convictions. Voilà ce que l’on entend par égalité. Ce qui est bon pour l’oie est également bon pour le jars.

Lorsque nous ferons nos premiers pas dans ce secteur, il nous faudra de nouveaux amis, de nouveaux alliés. Nous devons faire passer la lutte pour les droits civiques à un niveau supérieur, au niveau des droits de l’homme. Lorsque vous participez à une lutte pour les droits civiques, votre action, que vous le sachiez ou non, dépend uniquement de la juridiction de l’Oncle Sam. Aucune voix ne peut s’élever en votre faveur dans le reste du monde tant que votre lutte reste une lutte pour les droits civiques. Les droits civiques sont une affaire intérieure de ce pays. Nul de nos frères d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ne peut prendre la parole pour s’immiscer dans les affaires intérieures des États-unis. Tant qu’il s’agit de droits civiques, c’est une affaire qui tombe sous la juridiction de l’Oncle Sam.

Mais les Nations-Unies ont adopté une Charte des droits de l’homme, elles ont une commission des droits de l’homme. Vous vous demandez peut-être comment il se fait que toutes les atrocités commises en Afrique, en Hongrie, en Asie et en Amérique latine aient été portées devant l’ONU, et que le problème noir ne l’ait jamais été. C’est l’un des aspects de la conspiration. Le vieux libéral aux yeux bleus, cet être retors qui est censé être notre ami, à vous et à moi, qui est censé se trouver de notre côté, censé subventionner notre lutte, censé agir comme votre conseiller, ne vous dit jamais un seul mot des droits de l’homme. Il vous tient liés dans la camisole des droits civiques. Et vous passez tant de temps à aboyer au pied de l’arbre des droits civiques, que vous ne savez même pas qu’il existe sur le même terrain un arbre des droits de l’homme.

En transformant la lutte pour les droits civiques en lutte pour les droits de l’homme, vous pourrez porter la cause des noirs de ce pays devant les nations qui siègent à l’ONU. Vous pourrez la défendre devant l’Assemblée Générale. Vous pourrez traîner l’Oncle Sam devant une cour internationale. Mais vous ne pourrez le faire qu’au niveau des droits de l’homme. Au niveau des droits civiques, vous restez soumis aux restrictions que vous impose la juridiction de l’Oncle Sam. Au niveau des droits civiques, l’Oncle Sam vous met dans sa poche. Lutter pour les droits civiques, c’est demander à l’Oncle Sam de vous traiter conformément au droit. Les droits de l’homme vous sont donnés dès votre naissance. Les droits de l’homme sont les droits reconnus par toutes les nations de cette terre. Vous pouvez attaquer devant le tribunal du monde tous ceux qui violent vos droits humains. Des mains de l’Oncle Sam coule du sang, le sang du noir de ce pays. Il est le plus grand hypocrite qui soit sur cette terre. Il a l’audace – oui, l’audace – de se poser en dirigeant du monde libre. Du monde libre ! – et vous, vous chantez “We shall overcome” [4]. Transformez la lutte pour les droits civiques en lutte pour les droits de l’homme, portez votre cause devant l’ONU, où nos frères d’Afrique peuvent nous soutenir de tout leur poids, où nos frères d’Asie peuvent nous soutenir de tout leur poids, où nos frères d’Amérique latine peuvent nous soutenir de tout leur poids, sans oublier 800 millions de Chinois qui attendent de pouvoir nous soutenir de tout leur poids.

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Que le monde sache combien les mains de l’Onde Sam sont sanglantes ! Que le monde, connaisse l’hypocrisie qui a cours ici ! Que ce soit le bulletin vote ou le fusil ! Que l’Oncle Sam sache qu’il faut que ce soit le bulletin de vote ou le fusil !

Porter votre cause à Washington, c’est la porter devant le criminel responsable ; c’est tomber de Charybde en Scylla. Ils sont tous de mèche. Ils s’entendent pour organiser des chicaneries politiques et vous font passer pour des imbéciles aux yeux du monde. Vous êtes ici, en Amérique, attendant que l’on vous appelle sous les drapeaux pour vous envoyer à l’étranger, comme des soldats de plomb, et, lorsque vous êtes à l’étranger, on vous demande pour quelle cause vous combattez, et vous êtes obligés de garder votre langue dans votre poche. Ce qu’il faut, c’est traîner l’Oncle Sam devant le tribunal le dénoncer à la face du monde.

Par bulletin de vote, j’entends liberté. Ne savez-vous donc pas, sur ce point je suis en désaccord avec Lomax, que le bulletin a plus d’importance, que le dollar ? Si je peux le prouver ? Mais bien sûr. Regardez les Nations-Unies. À l’ONU, il y a des nations pauvres ; pourtant ces nations pauvres peuvent, en réunissant la force que représentent leurs voix, empêcher les nations riches de bouger. Une nation, une voix, toutes les voix sont égales. Et lorsque ces frères d’Asie, d’Afrique et des parties sombres du monde s’unissent, leurs voix ont assez de force pour tenir l’Oncle Sam en échec. Ou pour tenir la Russie en échec. Ou pour tenir toute autre partie du monde en échec. Donc, le bulletin de vote est bien ce qui importe le plus.

En ce moment même, dans ce pays, si vous et moi, 22 millions d’Afro-américains… C’est ce que nous sommes : des Africains qui se trouvent en Amérique. Vous n’êtes pas autre chose que des Africains. Pas autre chose. Vous devriez même aller plus loin et vous appeler des Africains et non plus des noirs. Les Africains ne vivent pas dans un enfer. Il n’y a qu’à vous que l’on fasse mener une vie d’enfer. Il n’est pas besoin de voter des lois relatives aux droits civiques pour les Africains. Un Africain peut, en ce moment même, se rendre où il lui plaît. Il suffit de s’enturbanner. C’est vrai, pour aller où il vous plaît, vous n’avez qu’à cesser d’être un noir. Changez de nom et faites vous appeler Hougagagouba. Vous verrez alors la stupidité de l’homme blanc. Car vous avez affaire à un imbécile. L’un de mes amis, qui a la peau très sombre, se coiffa un jour d’un turban et pénétra dans un restaurant d’Atlanta. C’était avant que les restaurants de cette ville ne se prétendissent intégrés. Il entra dans un restaurant blanc, alla s’asseoir, et ils le servirent ; il dit “Qu’arriverait-il si un noir entrait ici ?” Vous le voyez assis là, noir comme la nuit ! Et la serveuse qui, parce qu’il était enturbanné, daignait le regarder, de lui répondre : “Mais y’a pas un nègre qui aurait l’audace d’entrer ici.

Donc vous avez affaire à un homme auquel les idées préconçues et le préjugé font chaque jour perdre l’esprit et l’intelligence. Il a peur. Il regarde alentour et voit que le balancier du temps se déplace dans notre direction. Les peuples à peau sombre s’éveillent. Ils perdent toute crainte de l’homme blanc. Actuellement, ce dernier n’est vainqueur dans aucun des points où il combat. Partout où il se bat, il lutte contre des hommes dont le teint est pareil au vôtre et au mien. Et ces hommes le battent. Il ne peut plus gagner. Il a remporté sa dernière victoire. Il n’a pas réussi à gagner la guerre en Corée. Il ne pouvait la gagner. Il a dû signer une trêve. C’était une défaite. Lorsque l’Oncle Sam, en dépit de toute sa machine de guerre, ne parvient plus à remporter un avantage décisif sur des mangeurs de riz, cela veut dire qu’il a perdu la bataille. Il a dû signer une trêve. L’Amérique n’est pas censée signer de trêve. Elle est censée être méchante. Mais elle ne l’est plus. Elle l’est tant qu’elle peut faire usage de sa bombe à hydrogène, mais elle ne peut l’utiliser de peur que la Russie n’utilise la sienne. La Russie ne peut utiliser la sienne, de peur que Sam n’en fasse autant. Ainsi tous deux sont désarmés. Ils ne peuvent faire usage de leur arme parce que l’arme de l’un annule l’arme de l’autre. L’action ne peut donc être menée que sur le terrain. Et l’homme blanc n’est plus à même de gagner encore une guerre sur le terrain. Ce temps-là ne reviendra plus. L’homme noir le sait, l’homme brun le sait, l’homme jaune le sait. Ils l’entraînent dans la guerre de guérilla. Ce n’est pas son genre. Il faut du courage pour être guérillero, et il n’a pas le moindre courage. Je vais m’expliquer.

Je veux seulement vous mettre un peu au courant de ce qu’est la guerre de guérilla. Il faut du courage pour être guérillero parce qu’on ne peut compter que sur soi. Dans la guerre classique, vous avez des tanks et tout un tas d’autres hommes pour vous soutenir, des avions au-dessus de vos têtes et toute sorte d’appui du même genre. Mais le guérillero est livré à lui-même. Tout ce que vous avez, c’est un fusil, des sneakers, un bol de riz, et c’est tout ce dont vous avez besoin – et beaucoup de courage. Lorsque les soldats américains débarquaient sur les îles du Pacifique tenues par les Japonais, un seul japonais suffisait parfois à empêcher une armée entière d’avancer. Il attendait le coucher du soleil, et une fois le soleil couché, le Japonais et les Américains étaient à égalité. Il prenait son poignard, se glissait de fourré en fourré et d’Américain en Américain. Les soldats blancs étaient incapables de trouver une riposte à cela. Tous les soldats blancs qui ont combattu dans le Pacifique ont la tremblote, ils ont les nerfs malades, parce que les japonais les ont fait mourir de peur.

C’est également ce qui est arrivé aux Français dans l’Indochine française. Des gens qui cultivaient le riz quelques années auparavant se sont unis et ont chassé d’Indochine l’armée française, qui était largement mécanisée. Aujourd’hui les techniques de la guerre moderne ne servent de rien. Nous sommes à l’époque de la guerre de guérilla. Même chose en Algérie. Les Algériens, qui n’étaient rien d’autre que des Bédouins, ont pris leurs carabines et gagné subrepticement les collines, et de Gaulle, avec toute sa prétentieuse machine de guerre, n’a pas été capable de triompher de ces guérilleros. Nulle part sur cette terre l’homme blanc ne gagne jamais une guerre de guérilla. Ce n’est pas son rythme. De même que la guerre de guérilla domine en Asie et dans certains secteurs de l’Afrique et de l’Amérique latine, de même il faut être d’une extrême naïveté ou tenir les noirs en piètre estime pour ne pas penser qu’un jour ils vont s’éveiller et comprendre qu’il faut choisir entre le bulletin de vote et le fusil.

Pour terminer, j’aimerais vous dire quelques mots de la Muslim Mosque [5] que nous avons récemment fondée à New York. C’est vrai, nous sommes musulmans, notre religion est l’Islam, mais nous ne mélangeons pas notre religion et notre politique – nous ne les mélangeons plus. Nous gardons notre religion dans notre mosquée. Une fois nos offices terminés, nous nous engageons, en tant que musulmans, dans l’action politique, l’action économique et l’action sociale et civique. Nous y participons en tous lieux, en tous temps, et de toutes les façons aux côtés de tous ceux qui luttent pour mettre un terme aux maux politiques, économiques et sociaux, qui affligent les membres de notre communauté.

La philosophie politique du nationalisme noir, cela veut dire que les noirs doivent décider de leur politique et commander aux politiciens de leur communauté, un point c’est tout. L’homme noir de la communauté noire doit rapprendre la science de la politique, afin qu’il sache ce que la politique est censée lui apporter en retour. Ne gaspillez pas vos bulletins de vote. Un bulletin, c’est comme une balle. Ne votez pas tant que vous n’apercevez pas de cible et si la cible est hors d’atteinte, gardez votre bulletin en poche. La philosophie politique du nationalisme noir, on l’enseigne à l’école chrétienne. On l’enseigne dans la N.A.A.C.P. [6] On l’enseigne dans les meetings du C.O.R.E. [7] On l’enseigne dans les meetings du S.N.C.C. [8] On l’enseigne dans les meetings musulmans. On l’enseigne là où ne se rencontrent que des athées et des agnostiques. On l’enseigne partout. Les noirs en ont assez de l’indécision, de la lenteur et des compromis qui ont caractérisé jusqu’à présent notre lutte pour la liberté. Nous voulons la liberté immédiatement, mais nous ne l’aurons pas en disant “We shall overcome”. Il nous faudra combattre jusqu’à ce que nous remportions la victoire.

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La philosophie économique du nationalisme noir consiste justement et simplement à dire que nous devons être maîtres de l’économie de notre communauté. Pourquoi des blancs devraient-ils tenir tous les magasins de notre communauté ? Pourquoi des blancs devraient-ils tenir les banques de notre communauté ? Pourquoi l’économie de notre communauté devrait-elle être dans les mains de l’homme blanc ?

Pour quelle raison ? Si un noir ne peut installer son commerce dans une communauté blanche, dites-moi pourquoi un blanc devrait installer le sien dans une communauté noire. La philosophie du nationalisme noir consiste aussi à dire qu’il faut organiser la rééducation de la communauté noire en matière d’économie. Il faut montrer aux nôtres que lorsqu’on fait sortir un dollar de sa communauté pour le dépenser dans une communauté à laquelle on n’appartient pas, la communauté au sein de laquelle on vit s’appauvrit, tandis que celle dans laquelle on dépense son argent s’enrichit d’autant. Alors vous vous demandez pourquoi l’endroit où vous vivez est resté un ghetto ou une zone de taudis. Pour ce qui est de vous et de moi, non seulement nous perdons ce que nous dépensons en dehors de notre communauté mais encore l’homme blanc dicte ses conditions à tous les magasins de la communauté qui nous appartiennent ; si bien que, même si nous dépensons notre dollar dans notre communauté, le soir venu, celui qui tient le magasin emporte notre argent à l’autre bout de la ville. Il nous tient dans un étau.

Ainsi la philosophie économique du nationalisme noir consiste à dire qu’il est temps que les nôtres, dans toutes les églises, toutes les organisations civiques et tous les ordres fraternels, comprennent qu’il importe que nous soyons maîtres de l’économie de notre communauté. Si nous possédons les magasins, si nous gérons les affaires, si nous nous efforçons d’établir un peu d’industrie dans notre propre communauté, nous créons une situation qui nous permet de donner du travail aux nôtres. Une fois que vous êtes les maîtres de l’économie de votre communauté, vous n’avez plus besoin de participer à des piquets ou à des boycotts ni de supplier un raciste du quartier des affaires de vous embaucher dans son entreprise.

La philosophie sociale du nationalisme noir, cela veut dire tout simplement que nous devons nous unir pour mettre un terme aux maux, aux vices, alcoolisme, toxicomanie, etc., qui détruisent la fibre morale de notre communauté. Nous devons par nos propres moyens élever le niveau de notre communauté, pour la faire passer à un niveau supérieur, nous devons faire en sorte que notre société soit belle afin que nous en soyons satisfaits et que nous n’allions pas courir le pays en essayant de nous faire admettre de force dans un milieu qui ne veut pas de nous.

Ainsi, je l’affirme, en répandant l’évangile du nationalisme noir, nous n’avons pas l’intention d’inciter les noirs à réévaluer l’homme blanc – vous savez déjà ce qu’il vaut – mais de l’inciter à se réévaluer lui-même. Ne transformez pas l’esprit de l’homme blanc – vous n’y parviendriez pas, et tout le battage que font ceux qui veulent en appeler à la conscience morale de l’Amérique – la conscience morale de l’Amérique est faillie. Il y a longtemps que l’Amérique a perdu toute conscience. L’Oncle Sam n’a pas de conscience. Ces gens ne savent pas ce qu’est la morale. Ils ne s’efforcent pas de mettre fin à un mal parce que c’est un mal, ou parce que c’est illégal, ou parce que c’est immoral ; ils n’y mettent fin que si cela constitue une menace pour leur existence. Vous perdez donc votre temps à en appeler à la conscience morale de ce failli d’Oncle Sam. S’il avait une conscience, il règlerait cette affaire sans qu’il fût besoin de faire davantage pression sur lui. Aussi n’est-il pas nécessaire de transformer la mentalité de l’homme blanc. C’est la nôtre qu’il faut transformer. Vous ne parviendrez pas à modifier son attitude à notre égard. Ce qu’il faut, c’est que nous changions de mentalité dans nos rapports les uns avec les autres. Nous devons nous considérer les uns les autres avec des yeux neufs. Nous devons nous considérer les uns les autres comme frères et sœurs. Nous devons nous unir chaleureusement afin d’être en mesure de créer l’unité et l’harmonie dont nous avons besoin pour résoudre ce problème par nous-mêmes. Comment procèderons-nous ? Comment éviter la jalousie ? Comment éviter la méfiance et la discorde qui existent au sein de notre communauté ? Je vais vous le dire.

J’ai observé Billy Graham lorsqu’il fait son entrée dans une ville pour y répandre ce qu’il appelle la parole du Christ et qui n’est en fait que du nationalisme blanc. Ce n’est pas autre chose. Billy Graham est un nationaliste blanc tout comme je suis un nationaliste noir. Mais étant donné que les dirigeants ont naturellement tendance à ressentir jalousie, méfiance et envie en face d’une personnalité aussi puissante que celle de Graham, comment fait-il donc, dans les villes où il se rend, pour obtenir la collaboration pleine et entière des chefs des églises ? N’allez pas vous imaginer que pour être chef d’une église, on soit à l’abri de faiblesses telles que l’envie et la jalousie. Ce sont des faiblesses auxquelles tout le monde est sujet. À Rome, lorsqu’ils choisissent le cardinal (qui deviendra pape), ce n’est pas un hasard s’ils s’enferment : ils ne veulent pas qu’on les entende sacrer et se chamailler sans répit.

Billy Graham vient prêcher l’évangile du Christ, il évangélise, il remue tout le monde mais jamais il n’essaie de lancer une église. S’il venait dans l’intention de lancer une église il aurait toutes les églises contre lui. Aussi se contente-t-il de venir parler du Christ et dit-il à tous ceux qui reçoivent le Christ d’entrer dans une église du Christ ; c’est ainsi qu’il s’assure la coopération de l’église. Inspirons-nous de son exemple.

Notre évangile, c’est le nationalisme noir. Nous n’avons pas l’intention de mettre en danger l’existence de quelque organisation que ce soit, mais nous répandons l’évangile du nationalisme noir. Partout où se trouve une église qui elle aussi prêche et met en pratique l’évangile du nationalisme noir, entrez dans cette église. Si la N.A.A.C.P. prêche et met en pratique l’évangile du nationalisme noir, adhérez à la N.A.A.C.P. Si le C.O.R.E. prêche et met en pratique l’évangile du nationalisme noir adhérez au C.O.R.E.. Adhérez à toute organisation dont l’évangile demande l’amélioration de la condition des noirs. Une fois que vous y serez, si vous les voyez lanterner ou pratiquer le compromis, quittez-les, parce que ce n’est pas cela, le nationalisme noir. Nous trouverons bien une autre église.

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De cette façon, les organisations croîtront en nombre, en quantité et en qualité, et aux alentours du mois d’août nous avons l’intention de réunir une assemblée des nationalistes noirs à laquelle participeront des délégués venus de tous les coins du pays et qui s’intéressent à la philosophie politique, économique et sociale du nationalisme noir. Une fois ces délégués rassemblés, nous organiserons un séminaire, il y aura des discussions et nous entendrons tout le monde. Il nous faut des idées neuves, des solutions neuves, des réponses neuves. À cette époque, si nous jugeons bon de constituer un parti nationaliste noir, nous en constituerons un. S’il est nécessaire de former une armée nationaliste noire, nous en formerons une. Ce sera le bulletin de vote ou le fusil. Ce sera la liberté ou la mort.

Il est temps que nous cessions, vous et moi, de patienter en attendant que des racistes de sénateurs, des racistes du Nord et du Sud qui siègent à Washington en viennent à conclure dans leur tête que nous sommes censés, vous et moi, avoir des droits civiques. Ce n’est pas à un homme blanc de venir me dire quels sont mes droits. Mes frères et mes sœurs, souvenez-vous en toujours, s’il n’est pas besoin de sénateurs, de députés, de proclamations présidentielles pour donner la liberté à l’homme blanc, il n’est pas non plus besoin de législation, de proclamation, de décisions de la Cour Suprême, pour donner la liberté, aux noirs. Il faut que vous le fassiez savoir à l’homme blanc : si ce pays est une terre de liberté, qu’il le soit, et s’il n’est pas une terre de liberté, transformez-le.

Nous collaborerons en tous lieux et en tous temps avec tous ceux qui veulent pour de bon s’attaquer de front à ce problème de façon non-violente tant que l’ennemi est non-violent et de façon violente lorsqu’il recourt à la violence. Nous participerons à vos côtés à la campagne pour l’inscription sur les listes électorales, aux grèves des loyers, aux boycotts des écoles – je ne crois pas à l’intégration sous quelque forme qu’elle se présente ; je ne m’en soucie même pas, parce que je sais que de toute façon vous ne l’obtiendrez pas ; vous ne l’obtiendrez pas parce que vous avez peur de mourir ; il faut être prêt à mourir si l’on veut s’imposer à l’homme blanc, parce qu’il deviendra tout aussi violent ici-même, à Cleveland, que ces racistes du Mississipi. Mais nous participerons quand même à vos côtés aux boycotts des écoles parce que nous sommes adversaires de la ségrégation dans l’enseignement. Ce système d’enseignement fabrique des enfants qui, lorsqu’ils parviennent à obtenir leurs diplômes, quittent l’école avec l’esprit mutilé. Mais cela ne veut pas dire qu’il y ait ségrégation lorsqu’une école est uniquement fréquentée par des noirs. Il y a ségrégation lorsqu’une école dépend de gens qui ne s’y intéressent pas vraiment. Je m’explique : il y a ségrégation dans un quartier ou dans une communauté lorsque ce ne sont pas les membres de cette communauté, mais des étrangers, qui en régissent la vie politique et économique. Jamais on ne dit de la zone où vivent les blancs qu’elle constitue une communauté soumise à la ségrégation, mais on le dit de la zone où ne vivent que des noirs. Pourquoi cela ? Parce que l’homme blanc est maître de son école, de sa banque, de sa vie économique et politique, de tout ce qui lui appartient, de sa propre communauté – en même temps que de la vôtre. Il y a ségrégation lorsqu’on dépend de quelqu’un d’autre. On vous donnera toujours ce qu’il y a de moins bon, mais cela ne veut pas dire que vous subissiez la ségrégation pour cette seule raison que vous possédez ce qui vous appartient. Il faut que vous soyez maîtres de ce qui est à vous, il faut que vous en soyez maîtres tout comme l’homme blanc est maître de ce qui est à lui.

Savez-vous quelle est la meilleure façon d’en finir avec la ségrégation ? L’homme blanc craint davantage la séparation que l’intégration ? Ségrégation, cela veut dire qu’il vous tient à l’écart mais pas au point que vous échappiez à sa juridiction ; séparation, cela veut dire que vous n’êtes plus là. L’homme blanc acceptera plus volontiers de vous intégrer que d’admettre votre droit à la séparation. Donc nous participerons à vos côtés à la lutte contre la ségrégation scolaire parce qu’elle est criminelle, parce qu’elle a des effets absolument destructeurs, et de toutes les façons imaginables, sur l’esprit des enfants qui doivent subir ce système d’éducation mutilante.

Enfin, ce qui n’est pas le moins important, je dois dire un mot de la grande controverse qui s’est élevée à propos des fusils et des carabines. Tout ce que j’ai dit, c’est que, dans les secteurs ou le gouvernement s’est montré peu désireux ou incapable de défendre l’existence et les biens des noirs, il est temps que les noirs se défendent eux-mêmes. L’article II des amendements à la Constitution [9] nous reconnaît à vous et à moi le droit de détenir un fusil ou une carabine. En vertu de la Constitution, la détention d’un fusil ou d’une carabine est donc chose légale. Cela ne veut pas dire que vous allez prendre un fusil, former vos bataillons, et partir à la chasse au blanc, encore que vous seriez en droit de le faire – je veux dire : encore que vous auriez de bonnes raisons de le faire ; mais ce serait illégal et nous ne faisons rien qui soit illégal. Si l’homme blanc ne veut pas que les noirs s’achètent des fusils ou des carabines, que le gouvernement fasse son boulot. C’est tout. Et ne laissez pas l’homme blanc venir vous demander ce que vous pensez, mon vieux Tom, de ce que dit Malcolm. Il ne vous le demanderait pas s’il pensait que vous alliez lui répondre : “Mon pote, c’est formidable !” Mais non, il fait de vous des Oncle Tom.

Ainsi, cela ne veut pas dire que vous allez constituer des associations de tir et partir à la chasse à l’homme, mais qu’en 1964 il est temps, si vous êtes un homme, de le faire connaître à cet Homme-là. S’il n’est pas disposé à faire son travail de gouvernement et à nous assurer, à vous et à moi, la protection pour laquelle nous sommes censés payer l’impôt, puisqu’il dépense tous ces milliards pour le budget de la défense nationale, il ne pourra certainement pas nous tenir rigueur, à vous et à moi, d’avoir consacré 12 ou 15 dollars à l’achat d’un fusil à un ou deux coups. J’espère que vous m’avez compris. Ne partez pas à la chasse à l’homme, mes frères et mes sœurs, mais – et ici je m’adresse en particulier aux hommes qui m’écoutent et dont certains, qui arborent des médailles d’honneur du congrès, ont les épaules larges comme ça, des pectoraux et des biceps impressionnants – toutes les fois que nous apprendrons, vous et moi, que l’on attaque une église à la bombe et que l’on assassine de sang-froid, non des adultes mais quatre fillettes en prière… (les quelques mots qui suivent sont inaudibles).

Cet homme là est capable de découvrir Eichmann dans son repaire d’Argentine. Que deux ou trois soldats américains qui, au Viêt-Nam du Sud, s’occupent des affaires d’autrui, se fassent tuer, et il enverra des navires de guerre, se mêlant de ce qui ne le regarde pas. Il voulait envoyer des troupes à Cuba pour y organiser ce qu’il appelle des élections libres – ce vieux raciste qui ne connaît pas d’élections libres dans son propre pays. Eh bien, à supposer que vous ne deviez jamais me revoir, que je doive mourir demain matin, mes derniers mots seront : le bulletin de vote ou le fusil, le bulletin de vote ou le fusil.

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S’il faut, en 1964, qu’un noir fasse antichambre en attendant qu’un sénateur raciste veuille bien faire obstruction lorsqu’il est question des droits des noirs, nous n’avons plus, vous et moi, qu’à baisser la tête sous la honte. Vous parlez de la marche sur Washington qui a eu lieu en 1963, mais vous n’avez encore rien vu. Ils seront un peu plus nombreux à marcher en 1964. Et cette fois, cela ne se passera pas comme l’année dernière. Ils ne feront pas la route en chantant “We shall overcome”. Ils ne s’y rendront pas en compagnie d’amis blancs. Ils ne porteront pas de pancartes préparées à l’avance à leur intention. Ils ne prendront pas de billets aller-retour, mais des billets aller simple.

Et s’ils ne veulent pas que cette armée non-violente descende sur Washington, ils n’ont qu’à mettre un terme aux manœuvres d’obstruction. Les nationalistes noirs n’ont pas l’intention d’attendre. Lyndon B. Johnson est le chef du parti démocrate ; s’il est en faveur des droits civiques, qu’il se rende au Sénat la semaine prochaine et se déclare. Qu’il s’y rende tout de suite et se déclare. Qu’il s’y rende et dénonce la section sudiste de son parti. Qu’il s’y rende à l’instant même et prenne une position morale – à l’instant même et sans plus tarder. Dites-lui qu’il n’attende pas le retour de la période électorale. S’il tarde trop, mes frères et mes sœurs, il aura la responsabilité d’avoir laissé s’établir dans ce pays une situation telle que, dans le climat ainsi créé, sortira du sol une végétation qui ne pourra se comparer à rien de ce qu’ils ont imaginé. En 1964, ce sera le bulletin de vote ou le fusil. Je vous remercie. »

________

Notes et références :

[1] Louis Emanuel Lomax (16 août 1922 – 30 juillet 1970) était journaliste et auteur afro-américain. Ce fut le premier journaliste de télévision noir.

[2] Adam Clayton Powell Jr. (29 novembre 1908 – 4 avril 1972) était un pasteur baptiste et un politicien américain, qui représentait Harlemà la Chambre des représentants des États-Unis (entre 1945 et 1971). Ce fut le premier américain d’ascendance africaine à être élu de New York au Congrès.

[3] Les dixiecrates (ou le States’ Rights Democratic Party) était un parti politique américain crée en 1948. Il s’agissait d’une faction séparatiste du Parti démocrate déterminé à protéger la ségrégation raciale.

[4] We Shall Overcome (« Nous triompherons » en français) est une protest song issu d’un vieux gospel de Charles Albert Tindley du nom de I’ll Overcome Someday. Ce fut l’hymne des marches du Mouvement des droits civiques aux États-Unis.

[5] La Muslim Mosque, Inc. (MMI) était une organisation islamique crée par Malcolm X après son départ de la Nation of Islam. La MMI s’est effondré après la mort de son fondateur.

[6] La NAACP (ou l’Association nationale pour l’avancement des personnes de couleur) est une organisation pour les droits civiques aux États-Unis. Elle fut crée en 1909, par WEB Du Bois, Mary White Ovington et Moorfield Étage, pour faire progresser la justice pour les Afro-Américains.

[7] Le Congrès de l’égalité raciale (CORE) est une organisation afro-américaine pour les droits civiques aux États-Unis, crée en 1942. Sa mission est «d’assurer l’égalité pour toutes les personnes indépendamment de la race, de la croyance, du sexe, de l’âge, du handicap, de l’orientation sexuelle, de la religion ou de l’origine ethnique» (~ « About Congress of Racial Equality | (702) 633-4464« . Congress Of Racial Equality. Retrieved 2016-05-26).

[8] Le Comité de coordination non-violent des étudiants (SNCC) était l’une des organisations les plus importantes du mouvement des droits civiques dans les années 60.

[9] Le 2nd amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique garantit le droit de porter des armes : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. »

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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