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Le réseau nigérian des « Authentic Sisters » condamné pour proxénétisme aggravé

Société

Le réseau nigérian des « Authentic Sisters » condamné pour proxénétisme aggravé

Par Anne Rasatie 2 juin 2018

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Ce mercredi 30 mai 2018 a marqué la fin du procès du vaste réseau de prostitution nigérian appelé ‘Authentic Sisters’. Les témoignages des victimes, mineures pour certaines, relatent des détails qui font froid dans le dos. Retour sur les 3 semaines d’une affaire hors norme.

Les faits remontent au début du mois de mai. La brigade française de répression du proxénétisme démantèle un réseau de prostitution nigérian dans lequel seize personnes, 11 femmes et 2 hommes, sont impliqués. Cette arrestation fait suite à une plainte portée par une jeune nigériane qui a eu le courage d’aller voir les autorités. S’ensuit, dès le 14 mai, le début d’un procès d’une ampleur sans précèdent.

Au Tribunal de grande instance de Paris, c’est une première. Un réseau mené par Happy Iyenoma, 36 ans, alias « Mama Alicia » et son époux Hilary ainsi que dix autres « mamas » ont contraint à la prostitution, torturé et terrorisé une cinquantaine de jeunes nigérianes, parfois mineures, qu’ils ont fait venir en France avec un scénario parfaitement rodé.
Le recrutement

Ville de Bénin City, Nigeria

La majorité des jeunes victimes est recrutée à Bénin City au sud du Nigeria. Dans cette région pauvre du pays, beaucoup de familles envoient leurs enfants à l’étranger dans l’espoir d’un avenir meilleur et d’une aide financière. Profitant de ce créneau, le réseau, après avoir repéré ses proies, infiltre par le biais d’une complice les groupes de jeunes filles. L’infiltrée fait rêver les victimes en évoquant la connaissance d’une femme très généreuse vivant en Europe, qui pourra aider l’une d’entre elles à travailler ou faire des études en Occident, dans le but de soutenir sa famille dans le besoin. La culpabilité et les mensonges en convainquent certaines qui décident de sauter le pas.

Dès que la proie a mordu, le piège se referme. Faux papiers, clandestinité, tortures psychologiques, sévices physiques, rituels, tout est fait pour qu’elle ne maîtrise plus la situation. «Une témoin a dit à son père qu’elle acceptait car il était trop trop tard pour faire machine arrière», a déclaré Julia Rigal, chargée du pôle juridique de l’association EAPC.

Lors de la cérémonie de magie noire, la victime jure fidélité à la maquerelle et accepte de rembourser au réseau 60 000 euros. Le sorcier pouvait les forcer à manger, nues, yeux bandés, le coeur cru d’un animal: « J’ai dû manger le cœur cru d’un poulet, puis subir des scarifications », a témoigné Susan, l’une des victimes. De son côté, Cynthia, avait subi des « scarifications » rituelles: « Ça voulait dire que j’allais gagner beaucoup d’argent ».
L’arrivée en France

Château-Rouge, principal lieu de prostitution forcée pour les jeunes filles nigérianes

En arrivant en France, le cauchemar des jeunes filles est loin d’être terminé. Elles découvrent qu’elles ont une dette d’environ 60 000 euros qu’elles doivent rembourser aux Authentic Sisters. Pour cela, elles sont obligées de se prostituer, sous peine de violentes représailles envers elles ou leurs familles restées au pays. A l’été 2015, les proxénètes étaient rentrées au Nigeria et avaient rendu visite « avec des sorciers » aux parents de Cynthia car elle ne gagnait pas assez, raconte-t-elle: « Ils ont battu mes parents ». Selon elle, son père en est mort.

Elles doivent se prostituer dix à quinze fois par jour dans le quartier de Château-Rouge. « Peu importe qu’on soit mardi ou dimanche, tous les jours se ressemblaient. Mon corps était épuisé », déclare Joy. Si elles ne rapportaient pas suffisamment, elles étaient frappées, privées de nourriture ou violentées et nombre d’entre elles ont dû subir des avortement forcés. Mark réclamait « 1.000 euros tous les dix jours ».

Un jour, enceinte, une des victimes avait été contrainte de prendre « treize » cachets pour avorter avant d’être forcée à retourner travailler. « J’ai ressenti beaucoup de douleur en couchant avec les hommes », avait-elle dit aux enquêteurs. Elle avait fini par être hospitalisée.

Certaines victimes, arrivées vierges en France, avaient expliqué avoir été violées avant d’être prostituées. Celles qui ne venaient pas en avion arrivaient via la Libye, en traversant la Méditerranée au péril de leur vie.
De 2 à 10 ans de prison
Ce mercredi 30 mai, la justice française a condamné quinze des seize membres du réseau des « Authentic Sisters ». La tête de réseau « Mama Alicia » et son époux Hilary, ont écopé de 11 ans de prison et de 200 000 euros d’amende. De plus, la garde de leurs enfants, victimes eux aussi de mauvais traitements, leur a été retirée. A l’issue de sa peine, le couple sera interdit de territoire.

Neuf des dix autres « Mamas » jugées aux côtés du couple ont été condamnées elles aussi de deux à dix ans de prison, avec de lourdes amendes. Il a été mentionné que ces « mamas » avaient elles-mêmes été victimes d’un réseau de prostitution en arrivant en France.

A la fin du procès, la présidente a manifesté sa réprobation quant au « manque d’empathie des Authentic Sisters perpétuant ce nouvel esclavage, combattu par leurs ancêtres parfois au prix de leur vie ».

Les jeunes nigérianes victimes de ce réseau ont aujourd’hui obtenu le statut de réfugiées. Elles ont réussi par leur courage et leur solidarité a faire condamner un des nombreux réseaux de prostitution. Mais la guerre contre le trafic humain et la prostitution forcée des jeunes filles est loin d’être résolu.

 

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Sources:

RT France

Le Point