Quand les personnalités noires prennent position contre l’esclavage en Libye

Depuis l’indignation suscitée par les images d’une vente d’esclaves en Libye, la toile s’est mobilisée quasi instinctivement. Le mouvement initié par Claudy Siar, qui a abouti à la formation du « Collectif contre l’esclavage et les camps de concentration en Libye », à l’origine de la mobilisation du samedi 18 novembre devant l’ambassade du pays de feu Kadhafi. Parmi les milliers d’internautes anonymes protestataires, certains artistes ont clairement assumé de prendre position contre ces exactions criminelles.

Depuis plusieurs jours, des images du reportage de Nima El Bagir, journaliste pour CNN, circulent sur internet. La jeune femme a réussi à filmer une vente d’esclaves noirs africains sur le continent-même, en Libye, par des Libyens. Une situation qui se banalise et perdure depuis que les digues de l’immigration clandestine gérées par l’ancien guide, Mouhammar Khadafi, sont tombées, transformant ainsi ce pays arabe en carrefour de l’expatriation vers le supposé eldorado européen. Cet esclavagisme avéré, en 2017, à l’ère de la wifi et de l’intelligence artificielle, ne passe plus et les africains ainsi que leurs diasporas se sont fait le relai d’une mobilisation réflexive pour dire STOP. Claudy Siar, animateur radio et télé, connu dans l’hexagone et au-delà pour ses prises de position contre les injustices subies par les afro-français, a immédiatement réalisé une vidéo pour exprimer son mécontentement et la nécessité de prendre position. La vidéo est rapidement devenue virale et a abouti à la création du Collectif contre l’esclavage et les camps de concentration en Libye  (CECCL). Ce dernier exhorte à une mobilisation massive ce samedi 18 novembre devant l’ambassade de la Libye à Paris, et autres villes de France ou d’ailleurs :

Le internautes, déjà remontés partagent depuis le visuel, naturellement, sans modération et sans qu’aucune injonction ne leur ait été adressée. Il s’agit ainsi de réaliser un rassemblement sans précédent pour interpeller les institutions et mettre définitivement fin à ces crimes contre l’humanité. L’activiste Kemi Seba s’est également joint au mouvement et sera spécialement présent à Paris demain pour l’événement. Les autorités libyennes ont quant à elles joué la surprise et déclaré avoir ouvert une enquête afin de démasquer les coupables de cet odieux (mais très juteux) business.

Noir c’est Noir, ça  a dépassé l’espoir

Personne n’est sans savoir que les exigences du monde des affaires, particulièrement pour les afro-descendants en France, empêchent généralement ceux qui ont réussi à se faire leur place au soleil de dire librement le fond de leur pensée. La politique et la géopolitique internationale, qui rythment l’actualité sont souvent peu ou pas du tout relayées par ceux dont la voix pèse. Pourtant, ces dernières heures, la donne semble avoir positivement changée. Car certains faits doivent être dénoncés, au-delà de tous les enjeux que cela pourrait entraîner. Si parfois naît un débat complexe sur le fait de savoir si oui ou non les personnalités doivent user de leur influence pour interpeller sur les causes importantes, la révélation de ces pratiques d’un autre temps ne laisse aucune place à la discussion. Ainsi, les rappeurs et vidéastes ont pris leurs responsabilités et partagé cet appel à la résistance. Parce qu’appartenir au domaine du divertissement n’est pas un prétexte à l’inaction, la lâcheté, l’ignorance ou l’impertinence ; il n’est plus question d’espérer mais bel et bien temps d’agir. Ainsi, les influenceurs ont pris la vague.

Booba (ou le D.U.C), étendard du 92i a rejoint le maquis. Le rappeur que l’on connaît pour ne pas avoir la langue dans sa poche a posté la vidéo de Claude Siar, accompagnée par une légende dans laquelle il reprend des lyrics d’un ancien morceau, extrait de son album Panthéon.

MHD, l’enfant prodige de l’afro trap 2.0 s’est lui aussi mouillé. De même que les rappeurs Sultan ; Gradur ; Rohff ; Pitt Baccardi ; l’ex-rappeur Mystik ; l’homme d’affaires et producteur d’origine malienne Dawala ; l’initiateur de la Rumba Trap, Naza. Le rap game français au garde-à-vous est suivi par le milieu des humoristes-vidéastes dont le plus emblématique Will Aim ; le déjanté Saga Love ; Shirley Souagnon ; Noah Lunsi ; l’équilibriste Dycosh ; les ivoiriens techniques Observateurs et El pueblo Bravador; le belge Docteur idéologie ainsi que les camerounaises Aïcha Kamoise et Ruby. L’enfant terrible du coupé-décalé, Dj Arafat, a également réveillé très tôt ses fans pour un Facebook live spécial. Les chanteurs et musiciens congolais Ferre Gola, Fabregas et Koffi Olomide, se sont aussi acquitté de ce devoir. De même que les grands reggae men Tiken Jah Fakoly et Alpha Blondy, qui a réalisé une vidéo pour interpeller les politiques. Le monde du cinéma n’est pas non plus resté en retrait. L’acteur Omar Sy a par exemple été parmi les premiers à s’indigner, de même que l’actrice Marie-Philomène Nga. Enfin, le milieu du sport à aussi réagi, en la voix du patron des terrains, Samuel Eto’o Fils, de l’athlète Eunice Barber ou encore de Didier Drogba.

Bien que d’autres rallient progressivement la cause, certaines personnalités des industries les plus populaires –précédemment citées- se font étrangement faites très discrètes voire, silencieuses. Un mutisme incompréhensible et surtout déplorable en ces circonstances où tous les ressortissants de cette communauté, malmenée en ce moment-même dans le désert, ont le devoir absolu de prendre parti. Si le retard peut être excusable, l’esquive est inacceptable. Que font donc ceux qui cumulent des centaines de milliers, parfois des millions de like et de vues sur les réseaux sociaux ? Parce que le public les sait prompts à se lever par solidarité pour les autres victimes de conflits, ailleurs dans le monde, leur indifférence a le goût de l’incompréhension et de la déception. A-t-on le droit de se taire lorsque l’Histoire sombre à nouveau dans ses travers les plus obscurs ? Chacun se fera la réponse qui lui convient.

Quoiqu’il en soit, la mobilisation du 18 novembre aura lieu à partir de 14h, dans le 15ème arrondissement de Paris.

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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