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De la pauvreté au Brésil à la recherche en chimie à Harvard

Société

De la pauvreté au Brésil à la recherche en chimie à Harvard

Par Sandro CAPO CHICHI 12 novembre 2017

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Joana D’arc de Souza a surmonté les nombreux préjugés et difficultés dont elle a été victime dans son milieu d’origine au Brésil pour devenir une chercheuse reconnue en chimie ayant travaillé dans la meilleure université du monde.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

De la pauvreté au Brésil à la recherche en chimie à Harvard

En 2015, une étude montrait que sur 91103 post-doctorants, doctorants, étudiants brésiliens en master et en licence, un peu plus de 5000, soit 5,5% étaient des femmes noires étudiant les sciences exactes.

Les raisons de ces chiffres pour le moins peu élevés peuvent être perçues en se penchant sur les difficultés rencontrées par Joana D’arc de Souza, des difficultés qu’elle a pourtant réussi à surmonter.

Fille d’une femme de ménage noire

Originaire de Franca, une banlieue de São Paulo, Joana D’Arc de Souza est la fille d’une domestique qui a quitté l’école en CM1. Son père, qui travaillait dans une tannerie, a lui quitté l’école en CM2.

Le Brésil est le pays possédant le plus de domestiques au monde, qui sont à 65% noires. Une femme noire sur cinq y exerce toujours cette profession.

Il y a cinquante ans,  dans ce pays où l’ascenseur social fonctionnait encore plus mal qu’aujourd’hui, on aurait pu s’attendre à ce que la petite Joana D’Arc  de Souza exerce un emploi similaire à celui de sa mère. Très tôt, à l’âge de quatre ans, sa mère lui a pourtant appris à lire le journal. Lorsque l’employeuse de sa mère, une professeure des écoles, la vit lire le journal, elle fut surprise. Elle lui demanda donc de lire un texte, et impressionnée par la précocité de la jeune Joana D’Arc de Souza, la fit entrer à l’école élémentaire à l’âge de 4 ans seulement.

Sa vocation de chimiste, Joana D’Arc de Souza en a hérité très tôt aussi. Vivant dans la tannerie où travaillait son père, elle tomba amoureuse de la veste blanche du chimiste y exerçant. Lorsque l’opportunité d’étudier la chimie à l’université se présenta au lycée pour elle, elle la saisit, étant acceptée dans trois universités, dont celle de Campinas qu’elle choisira.

Etudier le ventre vide

Grâce à son père et à son employeur, Joana put intégrer un internat. Souvent le ventre vide par manque de moyens financiers, contrainte de voir ses camarades acheter de la crème glacée, elle dut conjuguer la difficulté des études avec l’envie et le manque d’énergie. Mais elle parvint une nouvelle fois à surmonter cet obstacle. Se souvenant des conseils de son père l’invitant à se retrousser les manches si elle souhaitait réussir car elle n’avait pas eu la chance de naître dans des draps de soie, elle réussit à atteindre son objectif : devenir Docteur en Chimie.

Joana D'arc de Souza

Joana D’arc de Souza

Après avoir obtenu son diplôme, son talent fut reconnu par la meilleure université du monde, Harvard qui lui offrit un contrat de post-doctorante. Son projet de recherche, elle le tira une nouvelle fois de son environnement d’origine : les résidus du tannage de cuir.

Avant qu’elle puisse finir son contrat à Harvard toutefois, Joana D’arc de Souza perdit successivement sa soeur et son père, laissant sa mère, malade, et ses neveux dans une situation précaire.

Le retour aux origines

En retour de ce que lui avait apporté sa mère, Joana D’Arc de Souza abandonna sa carrière américaine et revint au Brésil. Elle devint bientôt professeure dans une école agricole. Avec ses élèves, et sur la base de son matériau de travail par excellence, le résidu de tannage, elle a déposé plus de 14 brevets et multipliant les inventions, de la peau artificielle pouvant être utilisée en cas de brûlure, au ciment osseux pour reconstituer des fractures, en passant par les engrais, et le collagène pour l’ostéoporose et l’ostéoarthrite. Non contente de donner à la science, elle renvoie l’ascenseur social à ses élèves modestes comme elle l’avait été dans sa jeunesse.