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« Nyansapo Fest », le festival afro-féministe qui fait polémique

Société

« Nyansapo Fest », le festival afro-féministe qui fait polémique

Par Mathieu N'DIAYE 29 mai 2017

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Un événement afro-féministe prévoyant des espaces réservés à certaines personnes en fonction de leur couleur de peau ou de leur sexe fait polémique… La maire de Paris menace de le faire interdire.

Mwasi est un collectif Afro-féministe créé en 2014 par un groupe d’Africaines et Afro-descendantes qui « ressentaient le besoin de fédérer, d’échanger et de s’exprimer sur les questions liées aux Femmes Noires ». Le collectif Mwasi est certainement l’organisation afro-féministe la plus connue, même si cette dernière ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté. En effet, nombreux sont ceux qui lui reproche d’être très éloigné d’une vision africaine du rapport homme/femme. D’autres, de se revendiquer du  féminisme, même afro, qui serait un concept occidental, diamétralement opposé au « retour aux sources » que prônent de nombreuses afro-féministes [1]Toutefois, il n’est pas question ici du bien-fondé ou non de l’afro-féminisme, mais plutôt  d’une polémique qui agite la toile et les médias depuis quelques jours. Car, le collectif Mwasi a prévu d’organiser la première  édition du Festival Nyansapo du 28 au 30 juillet 2017 [2]. Un festival afro-féministe militant à l’échelle européenne qui se tiendra à La Générale Nord-Est, un laboratoire de recherche et de création dans les domaines artistiques, culturels et sociaux. Le collectif veut en faire un rendez-vous annuel qui voyagerait à travers différents pays d’Europe.

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Contrairement à ce que de nombreux médias classiques affirment, il ne s’agit pas à proprement parler de festival interdit aux blancs. En fait, Nyansapo Fest se divisera en 4 parties :

  • Un « espace non mixte femmes noires » (80 % du festival)
  • Un « espace non mixte personnes noires« 
  • Un « espace non mixte femmes racisées« 
  • Un « espace ouvert à tous« 

Mais il y aura surtout au programme des « tables rondes, ateliers, show case, DJ set, expositions, stands associatifs, un véritable espace de rencontre et de débat pour construire nos luttes »

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C’est Alain Jacubowitz, président de la Licra [3] depuis le 31 janvier 2010, qui a ouvert le « bal des indignés ». Celui qui s’était furieusement opposé à Dieudonné et pour qui l’islamophobie est une « imposture » à combattre [4] s’est fendu d’un tweet sans ambiguïté :

La LICRA n’a eut aucune vergogne à utiliser Rosa Parks, « la Mère du Mouvement des Droits Civiques » qui, rappelons-le a enfreint une loi (inique) afin de lutter pour la Justice, l’Égalité et la Liberté.

Sans doute la LICRA pense-t-elle être la seule habilitée à définir la meilleure manière de lutter contre l’oppression dont les femmes noires sont les cibles. Elle serait le baromètre indiquant quelles sont les combats qu’ils faudrait mener ou non. Évidemment, les Noirs, ces « grands enfants » ne savent pas vraiment ce qu’ils font. Paternalisme, quand tu nous tiens…

Wallerand de Saint Just, conseiller régional d’Île-de-France Président du groupe Front national s’est lui aussi manifesté  en pointant dans un tweet la responsabilité de la Mairie de Paris, qui serait complice de la tenue d’un tel événement.

Rappelons-nous que ce « Don Quichotte du racisme anti-blanc » (qui n’existe pas d’ailleurs…) expliquait, le 2 juin 2016 sur Lci :

« Il n’y a pas de racisme en France, il n’y a pas de racisme en France. Les Français sont le peuple le moins raciste. Toutefois, ce qui peut arriver, ce sont des manifestations d’exaspération. Et ça, il faut pas du tout se cacher derrière son petit doigt. Des manifestations d’exaspération devant un certain nombre de manifestations communautaristes, (…) dans certains quartiers de France. » [4]

Anne Hidalgo, Maire de Paris et 1re vice-présidente de la métropole du Grand Paris s’est empressée de poster  une série de tweet afin de se désolidariser et condamner le festival qu’elle veut interdire :

Il semblerait que l’organisation communautaire afro aille à l’encontre de la mission historique de la gauche (à qui appartient Madame le maire de Paris) « de civiliser les races inférieures« …

De son coté, le collectif Mwasi affirme, via son compte facebook, que depuis quelques jours le festival Nyansapo :

« subit une campagne d’intimidation et de dénigrement orchestrée par la fachosphére, élus FN, troll d’extrême-droite, mais aussi la Licra, leur allié.e.s de la gauche-pas-raciste et aujourd’hui la maire de Paris Anne Hidalgo qui veut INTERDIRE le festival et pense même à porter plainte contre MWASI, dans la longue tradition du Parti socialiste à vouloir détruire toute initiative des racisé.e.s qu’ils ne peuvent pas récupérer. »

L’organisation afro-féministe fait aussi remarquer que l’organigramme de la LICRA ne reflète en rien son discours antiraciste et anti-communautariste :

L’image contient peut-être : 29 personnes, personnes souriantes

Comme nous pouvons le voir avec cet organigramme, la LICRA, si prompte à dénoncer « les dérives communautaires » devrait balayer devant sa porte…

L’organisation communautaire dérange en France, particulièrement  lorsque les populations afro-descendantes s’inscrivent dans cette démarche. Par ailleurs,  il est compréhensible que des personnes discriminées créent leur propre espace afin de trouver des solutions à leurs problèmes spécifiques. Cependant, peut-être aurait-il été plus judicieux d’organiser cet événement  dans un lieu privé plutôt que dans les locaux de la mairie; à l’instar du « Camp décolonial » tenu l’été dernier, lui aussi réservé aux non-Blancs.

Notes et références :

[1] « Natou Pedro Sakombi : analyse critique d’un Afro-féminisme diasporique« , black-feelings.com

[2] Nyansapo, est un symbole Adinkra, originaire du Ghana, qui signifie « nœud de sagesse« . Il représente la sagesse, l’intelligence, l’ingéniosité. Cet Adinkra traduit l’idée qu’une personne sage a la capacité de choisir la meilleure façon d’atteindre son but.

Le symbole Adinkra Nyansapo

 

[3] La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) est une association internationale, prétendant combattre le racisme et l’antisémitisme en France, mais également sur le plan international. Il est intéressant de noter que la LICRA était avant 1933 La LICA, une organisation communautaire, dont l’objectif premier était de dénoncer l’antisémitisme, puis après guerres les victimes de la Shoah.

[4] « Pour le président de la Licra, l’islamophobie est une « imposture »« , LExpress.fr,‎ publié le 5 novembre 2016

[5] « Wallerand de Saint Just (FN) martèle qu »‘il n’y a pas de racisme en France »« , LCI.fr publié le 2 juin 2016