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Fences: Denzel Washington piégé de l’autre côté de la barrière

Société

Fences: Denzel Washington piégé de l’autre côté de la barrière

Par SK 3 février 2017

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Adapté de la pièce éponyme d’August Wilson, Fences* est le troisième long-métrage réalisé par Denzel Washington. L’acteur y campe également le rôle principal de Troy Maxson, un afro américain amer qui s’est évertué à construire une barrière de plomb entre lui et le reste du monde.Troy Maxson a le blues du noir américain oppressé par la société. Survivant de la violence d’un foyer paternel lugubre, le cinquantenaire a vu sa prometteuse carrière dans le Baseball avortée quelques années plus tôt. Résigné par une situation de précarité et d’exclusion, en pleine période de Ségrégation raciale, Troy est aigri et fait peser sur sa famille tout le poids de ses frustrations. Au sein du foyer Maxson, l’épouse, Rose (Viola Davis) est la barrière entre la froideur de son mari et son inexorable basculement dans la folie. Elle est la barrière entre Troy et ses enfants, entre lui et ses démons. Aimante et conciliante, elle est la lueur qui colmate les fissures du chaos. Ironique, puisque Rose demande à Troy de construire une barrière autour de la maison…

Troy maxson (Denzel Washington) et son épouse Rose Maxson (Viola Davis)

Troy maxson (Denzel Washington) et son épouse Rose Maxson (Viola Davis) Crédit photo: Paramount picture

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L’hérédité plus forte que le libre-arbitre ?

Dans cette atmosphère ambivalente d’ombre et de lumière, l’identité complexe du patriarche est mise en exergue par ses fils.

Lyons (Russell Hornsby), l’aîné, est l’anti-chef de famille. Artiste de bouges sans emploi stable, il est un modèle attachant et triste du parasite social. Cory (Jovan Adepo), footballeur excellent, aurait du faire office de fils prodige et porteur d’espoir face à des parents analphabètes. Poussé par le désir incessant de rendre fier un papa rustre, il est pourtant l’archétype du fils ingénu torturé entre mimétisme et désir de rupture avec cette figure paternelle décevante. La progéniture de Troy Maxson se caractérise par une irrésistible envie de vivre ses rêves, quand leur père, hanté par les siens, a fait le choix du sacrifice pour assumer son rôle de pourvoyeur du ménage.

Cory Maxson (Jehov

Cory Maxson (Jovan Adepo) et son père Troy Maxson (Denzel Washington) Crédit photo: Paramount picture

Jehovah Shammah (Dieu, la présence constante)

La misère du quotidien de la famille Maxson s’illumine toutefois à travers le personnage de Gabriel (Mykelti Williamson), le frère cadet de Troy. Comme l’archange, Gabriel est l’élément spirituel de l’intrigue. Il apparaît fortuitement pour encourager, consoler et adoucir. Blessé de guerre, le messager est lourdement handicapé mais peut-être cela le rapproche-t-il de Dieu. C’est en tout cas la mission qu’il s’est donné et, qui lui sied puisque lui-seul parvient à attendrir le cœur de tous ceux qu’il côtoie. Une fois de plus, le Bubba de Forest Gump endosse avec une justesse déconcertante son rôle d’adulte  mentalement déficient.

Gabriel Maxson (

Gabriel Maxson (Mykelti Williamson) Crédit photo: Allociné

Un film criant de réalisme

Dans Fences, Denzel Washington confirme son statut de grand acteur. En 40 ans de carrière,  c’est la première fois qu’on découvre un Denzel détestable et antipathique. Bien qu’il ait campé plusieurs fois des rôles de mauvais garçon dans Mo Better Blues, Training Day ou encore Equalizer ;  l’acteur fétiche de Spike Lee a toujours su se rendre attachant aux yeux des spectateurs. Aujourd’hui, il revient dans un film dramatique, difficile et criant de réalisme. Troy Maxson incarne tous ces hommes noirs, brisés par des siècles de domination et d’humiliation pour qui la rudesse fut une posture instinctive de survie. Il est celui qui est resté parce qu’il le devait, celui qu’on aime mais qui ne sait pas aimer et nuit en ravageant tout autour de lui. Une performance brillante pour un long-métrage de plus de 2 heures à voir absolument en salles le 22 février !

*Fences (anglais): barrières, clôtures