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The birth of a nation: le christianisme comme arme de destruction

Histoire

The birth of a nation: le christianisme comme arme de destruction

Par SK 14 janvier 2017

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The birth of a nation* est le premier film de Nate Parker. Il raconte l’histoire de la célèbre et sanglante révolte d’esclaves menée par Nat Turner. L’intrigue est construite sur les fondements du christianisme qui, en légitimant la soumission des esclaves à leurs maîtres, va également être la pierre angulaire de leur rébellion.
Nat Turner est un enfant que les ancêtres avaient destiné à commander de grandes actions. Il naît et grandit dans la plantation du pasteur Benjamin Turner. Ici, point de contradiction puisqu’à l’époque, les chrétiens les plus fervents étaient persuadés que l’esclavage était la volonté de Dieu. Sensible aux prédispositions naturelles du jeune Nat, la femme du maître lui enseignera la lecture et surtout, la Bible. Le christianisme, qui était à la base de ce système inique, est l’élément qui va pousser l’esclave docile sur la voie de la révolte. En effet, une fois adulte, Nat sera loué par d’autres esclavagistes afin de prêcher la soumission aux captifs des plantations environnantes. Il découvrira alors les tréfonds de l’horreur de l’asservissement, à travers lesquels la foi seule tient cette organisation à l’abri de la destruction. Mais les bourreaux n’avaient pas prédit la suite car, contrairement à ses semblables, Nat comprend chaque mot du livre Saint. Ainsi, à l’aune des images insupportables dont sa tête est désormais emplie, doté d’une clairvoyance qui lui permet d’avoir une double lecture des écritures et après avoir goûté à la féroce morsure du fouet, Nat va prendre les armes.

Crédit photo: Allociné

Crédit photo: Allociné

Le peuple élu
Le récit est celui du peuple opprimé sur terre que Dieu destine à la Terre promise mais, qui ne l’obtiendra que par son obéissance et après avoir enduré les pires tortures. Les ancêtres l’avaient certifié prophète, il sera finalement messie. Nate Parker réhabilite la pensée d’un peuple juif originellement noir qui commence à prendre conscience de sa condition. L’esclave Nat comprend que chaque exhortation à la soumission à l’homme blanc est contrebalancée par une exhortation à la rébellion. Une histoire où Jésus n’est plus sur terre pour subir et racheter les pêchés des siens, mais pour les appeler à refuser cet état des choses et à se battre. Ici-bas, l’obéissance est la résistance.

Crédit photo: Allociné

Crédit photo: Allociné

Comme dans la Bible, ce Jésus est entouré d’apôtres à savoir, d’autres esclaves de confiance avec qui il conspire. Comme dans la Bible, parmi eux se trouve Judas, celui qui trahit. Jérusalem est symbolisée par le lieu où les maîtres du comté gardent les armes à feu, armes qui une fois prises, permettront à la révolte de gagner l’e territoire entier. Le christianisme n’est donc plus le prétexte qui maintient les hommes en état de victimes, mais le pilier de leur affranchissement. Ici donc, point de leçon de passivité mais un appel à l’action. La révolte de Nat Turner abouti au meurtre de 60 esclavagistes et à sa propre mort par pendaison. Un destin funeste qu’il embrasse avec dignité après sa propre reddition aux autorités. En représailles, des centaine de Noirs hommes, femmes et enfants furent pendus; la peau de Nat servi à la fabrication de reliques et ses chairs à la confection de graisse.

Crédit photo: 20th Century

A gauche: Samuel Turner (Armie Hammer); à droite: Nat Turner (Nate Parker). Crédit photo: 20th Century

Un film essentiel
La naissance d’une nation signifie l’avènement de Noirs prêts à combattre l’infamie de l’esclavage. Une histoire qui prend à contre-pied celle où la bulle du Pape Nicolas V*, datée du 8 janvier 1454, a été le coup d’envoie de la traite négrière transatlantique et de l’esclavage des Africains décomplexé de tout remord. Elle devint le socle qui légitimait la barbarie, au nom de Dieu:

« Nous avions jadis, par de précédentes lettres, concédé au Roi Alphonse du Portugal, entre autres choses, la faculté pleine et entière d’attaquer, de conquérir, de vaincre, de réduire et de soumettre tous les sarrasins, païens et autres ennemis du Christ où qu’ils soient, avec leurs royaumes, duchés, principautés, domaines, propriétés, meubles et immeubles, tous les biens par eux détenus et possédés, de réduire leurs personnes en servitude perpétuelle, (…) de s’attribuer et faire servir à usage et utilité ces dits royaumes, duchés, contrés, principautés, propriétés, possessions et biens de ces infidèles sarrasins (Africains) et païens (…). »  Amen.

Ce premier long-métrage de Nate Parker (« Beyond the lights« ) qui en incarne le rôle principal, lève le tabou sur l’organisation de l’extermination du peuple noir. Du projet à la réalisation, le film a peiné à trouver des fonds. Parmi les généreux mécènes, on retrouve le basketteur franco-américain Tony Parker. Depuis, les distributeurs se l’arrachent coup de dizaines de millions de dollars. Ce film est important en ce que l’histoire d’un esclave est racontée, écrite et produite par un descendant d’esclaves. The birth of  a nation est actuellement au cinéma et c’est un devoir de le soutenir.
*The birth of a nation: La naissance d’une nation
*Tommaso Parentucelli devint le Pape Nicolas V en 1447 et le resta jusqu’en 1455. Il est celui qui a fondé la bibliothèque du Vatican. On retrouve la totalité de sa bulle papale dans l’ouvrage « Le crime du Pape contre l’Afrique », du professeur Assani Fassassi.