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Histoire du GWOKA : « misik a vié neg, bitin à diab* ».

Culture

Histoire du GWOKA : « misik a vié neg, bitin à diab* ».

Par SK 21 juin 2015

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Plus qu’une musique, un héritage.

Des instruments de fortune

Il s’agit d’une réunion de plusieurs instruments dont le principal élément est le tambour (dé Bonda et tambour gwoka). C’est avec les moyens du bord que les noirs captifs fabriquaient les percussions qui leur serviraient pour le Gwo Kà (Ti-bwa, tcah-tcha). De grosses caisses de bois renfermant les épices servaient de percussion aux esclaves. Aussi, l’origine du nom Gwo Kà n’est pas certaine, il serait : la déformation du nom « Gros-Quart » qui désignait ces fameuses caisses. Sinon, la déformation du nom originel de l’instrument de percussion centrafricain N’gwoka. Quoiqu’il en soit, le Gwo Kà est l’héritage africain de la Guadeloupe, perpétuation de rites traditionnels de la terre mère par les premiers esclaves.

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Le Gwo Kà comme musique

Le Gwo kà est la musicalité que les esclaves ont inventée durant leur fuite, c’est la musique des Neg Marrons. Ainsi, elle est imprégnée de lutte et de souffrance, c’est à travers elle que les esclaves pouvaient exprimer le mal que leur inspirait leur condition. Elle servait également à galvaniser les noirs captifs, afin de se donner du courage pour le travail. On trouve donc des morceaux de Gwo Kà qui traitent des différentes tâches qu’ils avaient à accomplir (culture de la terre, travail des racines de manioc et autres pousses sauvages…). Enfin, elle est surtout, à l’origine, un moyen de communication, impossible à décrypter par les colons et les chasseurs d’esclaves.

Cette musique traditionnelle est indissociable de la danse et du chant. En effet, selon le thème abordé part le morceau, et selon la circonstance, les corps des danseurs décrivent des mouvements bien précis. Par ailleurs, le Gwo kà est une célébration de groupe où le chœur, positionné en cercle autour du meneur lui répond en harmonie.

 

http://www.franclr.fr/Patrick-Hajjar-sur-Clapas.html

photo du musicien Patrick Hajjar (au centre), lors de son interview accordée à Pierre Duteille en juin 2013

Un moyen de communication perçu comme dangereux par les esclavagistes

Le Gwo kà, musique de lutte, mettait les esclaves dans une sorte de transe enragée qui, souvent, les poussait à se révolter. Les colons multiplièrent donc les sanctions à l’encontre des noirs captifs qui continuaient de le pratiquer ; des sanctions physiques établies par le code noir de Colbert, mais aussi des actions de sabotage des caisses de bois pour que les esclaves n’aient plus d’instrument. C’est fort heureusement sans succès qu’ils s’acharnèrent car, les noirs des Antilles redoublaient d’ingéniosité pour se fabriquer d’autres percussions avec d’autres bois certes, plus difficiles à manier. Les colons tentèrent également de dénaturer cette musique en l’influençant avec des rythmes plus occidentaux comme le quadrille, ou latins comme la rumba. Le quadrille réussi à créer la confusion dans les campagnes et s’installer dans certaines régions comme une musique locale, comme c’est le cas en Martinique. La rumba,venue du Brésil et retravaillée, devint la biguine. Pourtant, rien n’y a fait et le Gwo kà s’est transmis aux générations suivantes, bien après les abolitions de l’esclavage, jusqu’à nos jours.

https://www.youtube.com/results?search_query=titre+de+gwoka

 

Le Gwo Kà est une authentique musique guadeloupéenne. Toutefois, les percussions, en particulier le tambour, étaient aussi utilisées par les esclaves d’autres îles comme moyen de communication, expression de la tradition africaine et exhortation à la lutte. En Martinique par exemple, le Bèlè ou le Juba (tambours), ou à Haïti avec l’asstor ou le manman.

 

*La musique de vieux nègre, la bagatelle du diable. Cet adage a été attribué au Gwo Kà pour inscrire cette musique comme quelque chose d’impossible à éradiquer par les colons, une chose sur laquelle ils ne pouvaient pas avoir d’emprise, une chose indissociable de la tradition guadeloupéenne.