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L’empire de Songhaï, un des plus vastes états de l’histoire africaine

Histoire

L’empire de Songhaï, un des plus vastes états de l’histoire africaine

Par Sandro CAPO CHICHI 17 février 2015

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Après Ghana et Mali, Songhaï est le dernier grand empire médiéval d’Afrique ouest-sahélienne. Ses frontières allaient de la Mauritanie au Nord du Bénin en passant par le Niger et le Mali où se trouvait son coeur.

Par Sandro CAPO CHICHI / Nofipédia

Origines

Les Songhaïs sont un peuple actuellement principalement établis au Mali, au Niger, au Nigéria ou au Bénin.
Les origines du futur empire Songhaï remontent certainement à une période entre les cinquièmes et neuvièmes siècles de notre ère. Des témoins en sont les statuettes en terre cuite trouvées dans les cimetières d’Asinda-Sikka et de Kareygorou.

songhaï

Terre cuite d’Asinda Sikka

Au 9ème siècle de notre ère, le géographe et historien arabe al-Yaqubi décrit le royaume de Kawkaw dont le nom correspondrait à l’actuelle Koukia et aurait été dirigé par la dynastie Dia « comme le plus grand royaume du pays des Noirs, le plus important et le plus puissant ».

Poterie de Gao Sané

Poterie de Gao Sané

Cet état aurait incorporé les cultures de Gao-Sané et de Gao ancien.

Site de Gao-Ancien, peut-être le plus vieux palais d'Afrique de l'Ouest médiévale, 10ème siècle de notre ère

Site de Gao-Ancien, ruines de ce qui est peut-être le plus vieux palais d’Afrique de l’Ouest médiévale, 10ème siècle de notre ère

Il semble qu’il ait été au coeur d’un important réseau commercial comme l’atteste la découverte de nombreux artefacts, dont des pierres tombales de marbre ornées d’écriture kufi et probablement importées d’Espagne au 11ème siècle.

L’émergence de l’ empire de Songhaï

Pendant la dynastie des Dia, Songhaï aurait été un état vassal de l’Empire de Mali. Après le pèlerinage de l’empereur Moussa 1er de Mali, une nouvelle route commerciale aurait été ouverte entre le Sahel Occidental et l’Egypte. Songhaï allait s’enrichir comme intermédiaire commercial sur cette route puis gagner son indépendance de Mali à la fin du 14ème siècle. Peu après, une nouvelle dynastie, celle des Sonni ou des Chi allait émerger avec les conquêtes de Sonni  Suleyman Dama et surtout celles du Sonni Ali dit ‘Ber’ (Le Grand) originaires du Dendi dans l’actuel Bénin. Ce dernier, qui régna de 1464 à 1492, établit la capitale de son royaume à Gao et conquit de nombreux territoires dont les importants relais commerciaux de Djenné (1475) et de Tombouctou (1468). La conquête de cette dernière allait rendre Sonni Ali Ber impopulaire auprès d’une partie de la classe dirigeante de la ville d’origine touarègue. L’image de Sonni Ali Baer d’un mauvais roi animiste cruel et adversaire farouche de l’Islam allait transparaître dans la littérature en arabe de la région. D’autres textes reconnaissent toutefois qu’il aurait été un musulman bien que probablement un pratiquant musulman mêlant à sa foi l’animisme. Son dénigrement transparaîtrait de la rancoeur des notables de Tombouctou chassés du pouvoir par lui. Le règne de Sonni Ali Ber, qui mourut en 1492 après une expédition en pays gourma au sud fut en tous celui qui fit passer Songhaï du statut de royaume à celui d’empire qui allait dominer l’Afrique de l’Ouest sahélienne.

 

La dynastie des Askia

A la mort de Sonni Ali Ber en 1492, sa succession allait se disputer entre son fils et successeur désigné Sonni Baro  et un de ses généraux et gouverneur de la ville de Hombori Mohammed Touré (ou Mohammed Sylla) originaire du Fuuta Toro et d’origine soninké. Celui-ci comptait de nombreux soutiens parmi la population musulmane pratiquante, dans l’armée impériale et parmi les dignitaires de Tombouctou qu’il allait mobiliser pour vaincre l’héritier légitime au terme d’un conflit de deux mois et fonder une nouvelle dynastie en 1493, celle des Askia. Songhaï, qui avait déjà intégré dans son territoire, Méma (ancien Ghana, Tombouctou ou encore Djenné), conquiert l’Empire peul du Macina, puis le territoire de l’ancien empire de Mali. C’est à cette période qu’il fait construire son tombeau sous forme pyramidale dit aujourd’hui ‘tombeau des Askias’.

Tombeau des Askias

Tombeau des Askias

Pieux musulman, il accomplit un pèlerinage à la Mecque en 1496-1497. Il lança une guerre sainte contre le royaume animiste mossi de Yatenga au sud mais elle se solda par un échec cinglant, et des invasions réussies  d’états haoussas à l’est et de régions occupées par des Berbères au nord comme Agadez au Niger, Walata en Mauritanie et les mines de Teghazza au Mali, qui par leur production du sel allaient enrichir Songhaï pendant des décennies. Le règne de l’Askia Mohammed sera marqué par un encouragement de l’islamisation de la région, produisant notamment une floraison de la vie intellectuelle à Tombouctou dont les lettrés l’avaient soutenu dans sa prise de pouvoir et qui allait devenir l’un des plus grands centres intellectuels de l’Islam. Dix ans avant sa mort en 1528, le vieil Askia Mohammed fut écarté du pouvoir par ses fils et remplacé par son aîné l’Askia Moussa. Il mourra très âgé à près de 95 ans. Contrairement à son prédécesseur Sonni Ali Ber, l’Askia Mohammed fut encensé par les chroniques arabes comme le Tarikh es Soudan , qui en faisait celui qui a fait que « la paix régnait partout dans toutes les provinces grâce au souverain, le très fortuné, le très béni, le prince des Croyants, Askia El-Hadj-Mohammed ben Abou Bakr, dont la justice, la fermeté s’étendaient partout , en sorte que ses ordres accomplis sans peine dans son palais  s’exécutaient sur tous les points les plus éloignés de l’Empire, des frontières du pays de Dendi à celles du pays de El-Hamdiya, des confins du pays de Bindiko à Teghazza et au Touat que dans leurs dépendances. » 

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Peinture moderne représentant Askia Muhammad

Après une période d’instabilité marquée par l’assassinat de l’Askia Moussa par son frère, par la déposition de son successeur l’Askia Mohammed Bunkan, un neveu de l’Askia Mohammed, le pouvoir fut repris par la lignée de l’Askia Mohammed, avec l’ascension sur le trône de ses fils l’Askia Ismaïl en 1537 puis de l’Askia Ishaq en 1539. C’est sous le règne de ce dernier que Songhaï eût un premier différend majeur avec son puissant voisin marocain au nord. Ce dernier, dirigé par Ahmed al-Araj, décidait de revendiquer  les lucratives mines de Teghazza alors sous contrôle de Songhaï. Il adressa un ultimatum à l’Askia Ishaq qui répliqua en faisant razzier la région de Draa au sud du Maroc afin de montrer sa puissance.

A la mort d’Ishaq en 1549, c’est son frère l’Askia Daoud qui prend le pouvoir. Pendant le règne de ses deux frères, il avait servi comme général, conduisant par exemple une armée qui envahit et pilla la capitale de l’ancien empire de Mali. Son règne, qui marque l’apogée de Songhaï voit aussi une nouvelle invasion de l’ancien empire de Mali ainsi que des tentatives mitigées contre des états mossis d’où des butins furent rapportés mais qui conserva son indépendance et où de nombreux officiers de Songhaï perdirent la vie. Sous son règne, en 1556-1557, le nouveau sultan marocain  Mohammed es-Sheikh, de mère noire africaine et surnommé de ce fait ‘al-Abd’ (le Noir) revendiqua à son tour Taghaza et l’occupa, tuant au passage des représentants de l’Askia présents sur place. Les deux partis bénéficièrent de relations cordiales sous le règne du nouveau sultan marocain, le Moulay Ahmad al Mansour, lui aussi de mère africaine. Lorsque celui-ci demanda à Dawud les revenus des taxes qu’il partageait avec lui, le Moulay Ahmad lui envoya un généreux don de 47 kilos d’or en 1578. Après la mort de l’Askia Daud en 1582 toutefois, ces relations se détériorèrent. Lorsqu’ Ahmad al Mansour demanda en 1589-1590 que lui soit abandonnée l’exploitation des mines de Teghazza, le nouvel Askia Ishaq II lui répondit de manière défiante avec des insultes et des armes.

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Ahmad al-Mansur

Le Maroc, mieux équipé technologiquement en raison d’un désintérêt manifeste des derniers Askia pour la modernisation de l’armée, allait envoyer une armée de 4000 hommes pour envahir Songhaï. Après quelques mois de résistance en 1591, la partie occidentale du Songhaï (incluant les centres commerciaux et intellectuels de Tombouctou et de Djenné ainsi que la capitale de Gao) tombèrent sous la coupe du sultan marocain Ahmad al-Mansour qui remercia Dieu de lui avoir permis d’unir la race de Sem (‘les Sémites dans l’acception biblique) et de Ham (les Noirs dans l’acception biblique). Songhaï se maintint dans la région du Dendi, mais perdit ce pouvoir qui avait fait de lui l’un des plus hauts lieux de la puissance militaire, de la richesse matérielle et intellectuelle et du monde noir et du monde musulman.

Pour en savoir plus :

Couleurs de l’esclavage sur les deux rives de la méditerranée (Moyen-âge – XXè siècle) / Roger Botte et Alessandro Stella

Timbuktu and the Songhay Empire: Al-Sadi’s Tarikh al-Sudan down to 1613 and other contemporary documents / John Hunwick

The Oxford handbook of african archaeology / édité par Peter Mitchell & Paul Lane
L’Afrique soudanaise au Moyen âge : le temps des grands empires (Ghana, Mali, Songhaï) / Francis Simonis

Discovery of the earliest royal palace in Gao and its implications for the history of West Africa / Shoichiro Takezawa
& Mamadou Cisse

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