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Immigration africaine et mondialisation: un constat amer

Société

Immigration africaine et mondialisation: un constat amer

Par Anne Rasatie 22 juin 2018

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L’immigration est une question de société mondiale. Au-delà de la classe politique dont les intérêts s’entremêlent, les citoyens de par le monde sont confrontés à une question récurrente: fermer ses frontières, est-ce un moyen de se protéger d’une crise sociale ou est-ce forcément un acte raciste?

Nous vivons dans un monde interconnecté et interdépendant. Aujourd’hui, aucune nation au monde n’a le pouvoir de se refermer sur elle-même sans contact avec l’extérieur. Les autorités supranationales prennent le pas sur la souveraineté des Etats dans les domaines politiques, économiques et sociaux. Que ce soit l’Union Européenne, l’Union Africaine, l’ONU ou l’OTAN, les décisions dépassent désormais la seule volonté des dirigeants nationaux.

L’Aquarius submerge l’Europe

Aquarius

630 migrants ont été sauvés par le navire l’Aquarius en Méditerranée.

En termes d’immigration, le constat est le même. Les directives Européennes en matière d’accueil d’étrangers et de réfugiés donnent le « LA » aux Etats membres. Récemment, l’affaire de l’Aquarius, ce bateau avec 630 migrants à son bord, bloqué en Méditerranée, a divisé l’Europe. Sur fond de bataille politique, les gouvernements français et italiens ont utilisé cette histoire à leurs propres comptes. La propagande médiatique a enfoncé le clou en contournant les questions de fond. D’après la pensée majoritaire, refuser l’accueil aux réfugiés serait forcément un acte raciste…

Mais si nous posons calmement les faits, la situation apparaît autrement : une vague migratoire d’Africains part à destination de l’Europe, elle est ballotée de pays en pays, hommes, femmes et enfants entassés dans des bateaux, avec de nombreux morts en mer…ceux qui arrivent se retrouvent dans des conditions de vie indécentes, sous des ponts et représentent une main d’œuvre exploitée…tout cela ne vous rappelle rien? Peut-on être aveuglement favorable à l’arrivée de nos frères et sœurs du continent sachant comment ils sont accueillis?

A ce propos, le Ministre de l’Intérieur italien, présenté comme un homme d’extrême droite raciste par la classe politique et les médias dominants, avait Tweeté cette phrase le 10 juin:

« A partir d’aujourd’hui aussi l’Italie commence à dire non à la traite des êtres humains, non aux histoires d’immigration illégale. Mon but est d’assurer une vie sereine pour ces enfants en Afrique et pour nos enfants en Italie. »

Une nouvelle question se pose alors: l’ouverture des frontières et l’accueil des migrants, est-ce forcément un acte humaniste?

Les pays « ouverts » sont-ils moins racistes?

Etats-Unis

Une foule manifeste à Dallas, au Texas, contre la violence policière après la mort de Philando Castile, abattu par un policier dans sa voiture devant sa compagne et sa petite fille. – Laura Buckman – AFP

Champion du monde des bavures policières, on ne compte plus le nombre de protestations antiracistes qui se sont déroulées aux Etats-Unis. Floride (2012), Fergusson (2014), Charleston (2015), Dallas (2016), Minesota (2017), Sacramento (2018)… le bilan est lourd. Selon un décompte du Washington Post  publié le 4 juin 2018, 987 personnes ont été tuées par la police l’année dernière (2017), dont 68 n’étaient pas armées. Les Noirs ont représenté 23 % des personnes tuées par la police en 2017, alors qu’ils ne constituent que 6 % de la population.

Des immigrants jamaïcains accueillis par des fonctionnaires du Bureau Colonial après que l’ex-navire de transport ‘ l’Empire Windrush ‘ les ont posés à Tilbury. PA © Independent Journal

Il y a également le cas du Royaume-Uni. Connu pour sa multitude de communautés, le pays vit actuellement une crise sociale, voire raciale. Il y a l’affaire de « la génération Windrush » qui a bousculé l’opinion publique. Mais ce dont on parle moins en France, ce sont les tensions avec la communauté musulmane indo-pakistanaise. Tommy Robinson, le cofondateur et ancien porte-parole de l’English Defence League (EDL), un mouvement identitaire qui s’oppose à l’immigration massive et à l’islamisation du Royaume-Uni, a été arrêté ce vendredi 25 mai pour « atteinte à l’ordre public ». Condamné à 13 mois de prison, le militant nationaliste britannique et journaliste indépendant, filmait en direct sur Internet devant le tribunal de Leeds, où se tenait un procès de prédateurs sexuels indo-pakistanais. L’affaire a fait énormément de bruit au Royaume-Uni car Robinson, considéré comme un résistant, a de nombreux soutiens au sein de la population. Outre-Manche aussi donc, la question de l’immigration est au cœur du débat public.

La migration intra-africaine

Contrairement aux idées reçues, largement européo-centrées, les Africains migrent en majorité à l’intérieur du continent. C’est ce que révèle la socio-anthropologue Sylvie Bredeloup dans une interview donnée à La Tribune:

« Elle [la migration des Africains NDLR] est intra-africaine depuis très longtemps même si dans les imaginaires, on a toujours mis en avant la migration vers l’Europe. »

Les chiffres parlent d’eux-même: 80% des migrations africaines se dirigent vers les pays africains voisins, seulement 20% de ceux qui partent se dirigent vers l’extérieur du continent.

Parmi les pays où l’immigration africaine est la plus élevée, il y a l’Afrique du Sud, la « nation arc-en-ciel ».

Afrique du Sud

Violences xénophobes à Pretoria, Afrique du Sud, en 2017.

Le pays a connu successivement différentes crises de violence à l’encontre des migrants africains. En 2008, 62 morts ont été déplorées dans des manifestations xénophobes. En 2015, les townships, habités principalement par des immigrés Somaliens et Zimbabwéens, ont été pris d’assaut. Accusés de provoquer la hausse du chômage, d’être des criminels ou d’apporter des maladies, ces Africains sont maltraités et marginalisés au sein même du continent. La dernière en date, en 2017, avait provoqué l’indignation générale suite aux vidéos postées sur le net. On y voyait des Africains torturer, brûler et tabasser d’autres Africains. Des images insoutenables de fratricides. La question est sensible, le sujet parfois tabou mais c’est en se confrontant à la réalité que l’on tire les plus sages conclusions. Celles (excessives) de Serge Kama (vidéo ci-dessous) avaient suscité de nombreuses critiques.

Le retour des quotas

En sortant du discours paternaliste des politiques et des médias dominants pour qui les migrants sont une masse homogène de Noirs sans défense qu’il faut protéger, posons-nous la question du pourquoi. Pourquoi les gouvernements seraient obligés d' »accueillir » des Africains alors que la population ne veut pas (selon un sondage réalisé par l’institut Elabe, 64% des Français considèrent que la France ne devait pas accueillir l’Aquarius. 67% d’entre eux sont même d’accord avec la décision de l’Italie de fermer ses ports)? Et pourquoi les pays européens se concurrencent sans cesse sur le nombre de migrants qu’ils ont « sauvés ».

Si la France ne sépare pas les parents de leurs enfants, comme c’est le cas actuellement aux Etats-Unis, elle les maintient ensemble en centre de rétention administratif.

« C’est une prison qui ne dit pas son nom, estime David Rohi, responsable de la rétention au niveau national à la Cimade. Les enfants sont dans des chambres avec des barreaux, ils ne peuvent sortir que dans des cours complètement grillagées ».

En 2017, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France à plusieurs reprises. L’année dernière, elle a retenu 304 enfants dans ces Centres de rétention, soit sept fois plus que les 44 enfants incarcérés en 2013.

Depuis mardi 19 juin 2018, la questions des mineurs étrangers est évoquée au Sénat, qui examine le projet de loi asile-immigration. Au programme: « le délit de solidarité », les conditions d’entrée, l’efficacité de l’éloignement et la lutte contre la fraude. Le Sénat doit voter sur l’ensemble du texte le 26 juin, après examen de près de 600 amendements.

La présidente de région Ile-de-France, Valérie Pécresse (LR) se déclare favorable à « des quotas d’immigration sur des métiers » et « une taxe additionnelle sur les visas des non-Européens ».

Il y eu la politique d' »immigration choisie » qui provoqua « la fuite des cerveaux » africains, confisquant au continent l’ingénierie et l’excellence des jeunes diplômés.

« L’Angola a perdu 70% de ses médecins qui sont partis au Portugal. Le Congo Brazzaville a perdu 43% de ses médecins, etc. Lorsque les pays du Sud arrivent à former leurs médecins et que ces médecins ne peuvent pas travailler dans de bonnes conditions, ils partent. Les gens préfèrent aller prester ailleurs. Pour se valoriser davantage », constate le professeur congolais Bernard Lututala Mumpasi, démographe et ancien recteur de l’université de Kinshasa (RD Congo), interrogé par le site Géopolis.

Aujourd’hui, des jeunes souhaitent rejoindre l’Europe au péril de leur vie. L’ONG SOS Méditerranée dénombre 15 000 morts dans la traversée depuis ces trois dernières années.

Serait-ce la seconde phase?

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Sources:

ideas4development

afriqueexpansion

afrique.latribune

SOS Méditerranée

Le Parisien