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Viol d’enfants en Centrafrique : la Justice française innocente les soldats

Société

Viol d’enfants en Centrafrique : la Justice française innocente les soldats

Par Mathieu N'DIAYE 18 janvier 2018

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Lundi 15 janvier 2015, les juges d’instruction ont ordonné un non-lieu dans l’affaire des viols dont sont accusés des militaires français de l’opération Sangaris sur des enfants de 9 à 13 ans en République Centrafricaine. Le parquet prétend ne pas avoir pu établir formellement la preuve des viols.

En 2015, de sordides affaires venaient une fois de plus entacher la réputation de l’armée [1]. En effet, des soldats français avaient été accusés de viols par des enfants en République Centrafricaine. En mars 2017, le parquet de Paris avait requis l’abandon des charges contre les militaires incriminés. Ce lundi 15 janvier, les trois juges d’instruction en charge de l’affaire ont ordonné le non-lieu pour ces militaires de l’opération Sangaris [2], faute d’avoir pu établir leur implication. Le tribunal de grande instance de Paris à estimé :

« [Qu’] il ne peut être affirmé à l’issue de l’information qu’aucun abus sexuel n’a été commis ». [3]

Opération Sangaris

Logo de l’opération Sangaris

L’affaire avait été révélée en avril 2015 par le quotidien britannique The Guardian, qui avait divulgué une note interne de l’ONU relatant les auditions de six enfants centrafricains de 9 à 13 ans [4]. Ces enfants, « affamés et sans abri » dénonçaient des abus sexuels commis par des militaires dans le camp de déplacés de l’aéroport M’Poko de Bangui en échange « de nourriture ou d’argent« , entre le mois de décembre 2013 et de juin 2014. Gallianne Palayret, fonctionnaire de l’ONU en poste à Banguy, raconte le témoignage d’un des enfants violés :

« Un petit garçon m’a expliqué qu’un militaire lui avait demandé de le masturber puis lui avait fait pipi dans la bouche » [5].

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Une fillette et son frère de 7 et 9 ans, racontaient, de plus, avoir du faire des fellations à des militaires français contre une bouteille d’eau et un sachet de biscuits [6].

Les enquêteurs français avaient même dans l’ordinateur d’un soldat français d’un régiment de l’Est de la France en mission en Centrafrique, 8 vidéos sur 857 pouvant « être interprétées comme de la matière pédophile » mais le dédouanent en précisant que « le faible volume […] ne peut pas caractériser en l’état l’expression d’une déviance de type pédophile« .

Un autre responsable de l’ONU avait quant à lui indiqué qu’en 2014, un officier français de Sangaris aurait déshabillé, attaché et forcé trois jeunes filles à avoir des rapports sexuels avec un chien en échange d’une petite somme d’argent [7].

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Saisi par le ministère de la Défense, le parquet de Paris avait ouvert dès juillet 2014 une enquête préliminaire, mais son existence était restée secrète et les autorités françaises ainsi que l’ONU avaient été accusées d’avoir voulu étouffer l’affaire.

Dans leurs témoignages, les enfants avaient pourtant donné des détails précis, allant de leurs surnoms en passant par des caractéristiques physiques des militaires que seule l’intimité connaît. Ces témoignages avaient permis de dénombrer pas moins de 14 agresseurs potentiels. Les juges et les gendarmes enquêteurs s’étaient rendus à Bangui en 2015 et 2016 pour entendre à nouveau les enfants, mais certains témoignages ont alors été jugés confus. Une source proche de l’affaire déclarait d’ailleurs à ce sujet :

« la variation des témoignages ne [permettaient] pas d’établir des faits circonstanciés et étayés à l’encontre des militaires » [8]

Pour Me Rodolphe Constantino, l’avocat de l’association Enfance et Partage, partie civile dans le dossier :

« Nous avons assisté depuis le début de l’enquête à la chronique d’un non-lieu annoncé » [9]

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Il a fait appel de la décision des juges, à l’instar de Me Emmanuel Daoud qui annonçait :

« Il est vraisemblable que nous allons faire appel pour ne pas donner le sentiment, à celles et ceux qui se sont battus dès le départ, que l’affaire est terminée et que nous renoncerions à identifier les auteurs des infractions et à établir les responsabilités et les culpabilités ». [10]

Loin d’apaiser les tensions relatives à cette sinistre affaire de viol et de pédophilie, cette décision devrait raviver en Afrique comme dans la diaspora la méfiance et la défiance à l’égard de l’armée française.

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https://nofi.fr/2017/03/soldats-francais-rca/37330

Notes et références

[1] Owen Bowcott ~ « UN accused of ‘gross failure’ over alleged sexual abuse by French troops« , theguardian.com, publié le 17 décembre 2015

[2] L’opération Sangaris est une opération militaire de l’armée française menée en République centrafricaine entre le  et le . C’est la 7 ème intervention de l’ancienne puissance coloniale depuis la prétendue indépendance du pays en 1960.

[3] « Non-lieu prononcé dans l’affaire des viols d’enfants par des soldats français en Centrafrique« , rt.com, publié le 15 janvier 2018

[4] « Report of an Independent Review on Sexual Exploitation and Abuse by International Peacekeeping Forces in the Central African Republic« , un.org, publié le 17 décembre 2015

[5] Pierre Alonso ~ « Bangui : l’introuvable vérité sur les viols d’enfants » liberation.fr, publié le 6 avril 2016

[6] « RCA: la justice française enquête sur de nouveaux témoignages de viols« , rfi.fr, publié le 9 février 2016

[8] « Viols d’enfants en Centrafrique: non-lieu en faveur de soldats français« , lepoint.fr avec l’AFP, publié le 15 janvier 2018

[9] « Centrafrique : non-lieu pour les soldats français accusés de viols« , lefigaro.fr avec l’AFP, publié le 15 janvier 2018

[10] « Accusations de viols contre des soldats français en Centrafrique : non-lieu ordonné » lemonde.fr avec l’AFP, publié le