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Quand le Manikongo Funsu Nzinga Mbemba écrivait au Roi du Portugal pour mettre un terme au trafic illégal d’êtres humains

Histoire

Quand le Manikongo Funsu Nzinga Mbemba écrivait au Roi du Portugal pour mettre un terme au trafic illégal d’êtres humains

Par Makandal Speaks 15 août 2017

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Après la colonisation et le pillage du Brésil, les Portugais décidèrent de diversifier leur économie et entrèrent dans le commerce très lucratif de la  traite négrière transatlantique. Cette dernière affaiblit grandement le Royaume Kongo, car les marchands portugais passèrent directement par les vassaux du Manikongo pour négociersapant ainsi le pouvoir central. En 1526, Funsu Nzinga Mbemba (Afonso 1er du Congo) écrit au roi Joao III du Portugal, lui demandant de mettre fin à cette pratique.

Funsu Nzinga Mbemba, « l’apôtre du Kongo »

Né en 1456 Funsu Nzinga Mbemba (Alfonse Ier en français) fut le second Manikongo [1] chrétien du Kongo dia Ntotila [2]. Afonso était un soldat déterminé et étendit le contrôle efficace du Kongo au sud. Sous son règne, le royaume se modernisa, ce qui lui valut d’être considéré comme l’un des plus grands monarques du royaume Kongo.

En 1526, Funsu Nzinga rédigea une série de lettres condamnant le comportement inadmissible des Portugais dans son pays, tout particulièrement l’établissement de la traite négrière transatlantique. Le Manikongo les accusait d’acheter illégalement des hommes libres afin d’en faire des esclaves Il menacera les Portugais de mettre un terme aux échanges commerciaux, mais finira toutefois par créer un comité d’examen servant à déterminer la légalité de toutes les personnes asservies mise en vente. 

En 1526, Funsu Nzinga Mbemba a rédigea deux lettres concernant la traite des esclaves au roi du Portugal, décrivant la déstabilisation rapide de son royaume alors que les esclaves portugais intensifiaient leurs efforts.

Dans l’une de ses lettres, Funsu Nzinga Mbemba écrit :

« Chaque jour, les commerçants enlèvent notre peuple – les enfants de ce pays, fils de nos nobles et vassaux, même des gens de notre famille. Cette corruption et cette dépravation sont tellement répandues que notre terre est entièrement dépeuplée. Nous avons besoin dans ce royaume que des prêtres et les enseignants, et aucune marchandise, à moins que ce soit du vin et de la farine pour la messe. Nous souhaitons que ce Royaume ne soit pas un lieu de commerce ou de transport d’esclaves. 

Beaucoup de nos sujets attendent avec impatience des marchandises portugaises que vos sujets ont apportées dans nos domaines. Pour satisfaire cet appétit démesuré, ils capturent beaucoup de nos sujets libres noirs … Ils les vendent. Après avoir emmené ces prisonniers [à la côte] secrètement ou la nuit … Dès que les captifs sont entre les mains des hommes blancs, ils sont marqués d’un fer rouge. » [3]

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Joao III du Portugal répondit avec cynisme que le Kongo achetait lui-même ses esclaves de l’extérieur du royaume et les convertissait au christianisme. 

Bien que Funsu Nzinga Mbemba ait été farouchement opposé à l’esclavage et l’ait âprement combattu dans un premier temps, il fini par céder devant la supériorité militaire du Portugal, mais aussi pour soutenir l’économie du Royaume Kongo. Funsu ne fournissait initialement que des captifs de guerre et des criminels afin qu’ils soient vendus comme esclave. Mais rapidement, l’appétit des Portugais en « Bois d’Ébène » devint supérieur à ce que le royaume pouvait fournir, contraignant Funsu Nzinga Mbemba à capturer des esclaves des régions voisines. 

In fine, Funsu Nzinga Mbemba se résigna et opta pour une autre solution : assujettir la traite des esclaves à la loi Kongo pour éviter la vente d’hommes libres. Quand il soupçonna les Portugais de continuer à vendre des personnes illégalement asservies, il écrivit une seconde lettre au roi João III en 1526 en l’implorant de mettre un terme à cette pratique.

La lettre de Funsu Nzinga Mbemba à Dom Joao III

Seigneur,

Votre Altesse nous a écrit de lui demander dans nos lettres tout ce dont nous avons besoin. Elle nous pourvoirait de tout. La paix et la santé de nos royaumes reposent, après Dieu, sur notre vie, mais nous sommes déjà vieux, et il nous est arrivé souvent d’être affecté de diverses maladies qui nous affaiblissent jusqu’à la dernière extrémité. Ces mêmes maladies frappent aussi nos fils, nos parents et les gens du pays. Or, dans ce royaume nous n’avons ni médecins, ni chirurgiens qui sachent donner des remèdes appropriés à telle infirmité. Nous n’avons pas non plus de pharmacies ni les remèdes les plus efficaces. Aussi, par manque de tout, meurt-il beaucoup de gens déjà instruits dans les vérités de la sainte foi de Notre Seigneur Jésus-Christ ! La plupart des habitants se soignent avec des herbes et différents bois ou recourent à des rites traditionnels. S’ils survivent, ils ajoutent foi à ces herbes et à ces rites et, s’ils meurent, ils croient qu’ils sont sauvés (2), ce qui ne favorise pas le service de Dieu.

Pour éviter une erreur aussi préjudiciable, puisque, après Dieu, c’est de Votre Altesse que nous viennent en nos royaumes tous les remèdes pour la santé, nous demandons par faveur à Votre Altesse de nous envoyer deux médecins, deux pharmaciens et un chirurgien. Qu’ils viennent s’établir en nos royaumes avec tous leurs médicaments et leurs instruments, parce que nous avons un très grand besoin de chacun d’eux. Nous leur accorderons beaucoup de faveurs, parce qu’ils seront envoyés par Votre Altesse, si elle consent à ce qu’ils viennent travailler ici. Nous demandons instamment à Votre Altesse d’accepter de nous les envoyer, parce qu’il s’agit non seulement d’un bienfait particulier, mais encore du service de Dieu, pour les raisons que nous avons exposées.

De plus, Seigneur, il y a, dans nos royaumes, un grand obstacle au service de Dieu. Beaucoup de nos sujets convoitent vivement les marchandises du Portugal, que les vôtres apportent en nos royaumes. Pour satisfaire cet appétit désordonné, ils s’emparent de nombre de nos sujets noirs libres, ou libérés, et même de nobles, de fils de nobles, même de gens de notre parenté. Ils les vendent aux hommes blancs qui se trouvent dans nos royaumes, après avoir acheminé leurs prisonniers en cachette ou pendant la nuit, pour n’être pas reconnus. Dès que les captifs sont au pouvoir des hommes blancs, ils sont aussitôt marqués au fer rouge. Au moment de leur embarquement, ils sont trouvés tels par nos gardes. Les hommes blancs allèguent alors qu’ils les ont achetés mais q u ’ils ne sauraient dire à qui. Il nous appartient de faire justice et de rendre la liberté à ces prisonniers, comme ils le réclament. Pour éviter un tel dom m age, nous avons décrété que tous les hommes blancs de nos royaumes, qui achètent des esclaves de quelque manière que ce soit, doivent d ’abord le faire savoir à trois nobles et officiers de notre cour, à qui nous avons confié ce contrôle. Ce sont Dom Pedro Manipunzo et Dom Manuel Manisaba, notre officier de justice principal, ainsi que Gonçalo Pires, notre armateur en chef . Ils devront vérifier si ces esclaves sont des hommes libres ou non. S’ils sont reconnus esclaves, rien n ’empêchera de les emmener et de les embarquer. Mais, dans le cas contraire, on confisquera ces captifs aux hommes blancs. Nous accordons cette faveur et ces facilités à cause de la participation de Votre Altesse à ce trafic. Nous savons en effet que c’est pour votre service que les esclaves sont enlevés de nos royaumes. Sans cela, nous n ’y consentirions pas, à cause des motifs déjà exposés.

Nous informons de tout cela V. Altesse, pour que vos sujets n’aillent pas vous dire le contraire. Ils racontent, en effet, beaucoup de mensonges à Votre Altesse, pour écarter de votre esprit le souvenir des obligations que vous avez à notre égard et envers notre royaume pour le service de Dieu. Il nous semble que ce nous serait une très grande faveur, si vous nous faisiez savoir par l’une de vos lettres ce que vous pensez de ces dispositions. Nous baisons, Seigneur, plusieurs fois les mains de Votre Altesse.

Écrit en notre ville de Congo, le 18 octobre 1526 par Joâo Teixeira .

[signé] Le roi Dom A.

Destinataire: Très haut et très puissant prince, roi du Portugal, notre frère.

Expéditeur: Le roi de Manicongo.

Notes et référence :

[1] Le Manikongo était le titre des dirigeants du Royaume Kongo. Ce terme est la version portugaise de « Mwene Kongo » signifiant littéralement « Seigneur du Kongo« . Le terme « wene« , dont « mwene » est issu, est également utilisé pour désigner le royaume. »Mwene » est formé par l’ajout du préfixe personnel « mu-« , pour parler d’un « personne du royaume« .

[2] Kongo dia Ntotila signifie « Kongo réunifié« , « Kongo du roi » ou « l’Empire de Kongo« . en Kikongo, Ntotila signifie littéralement « celui autour de qui sont réunis des peuples »

[3] Louis Jadin et Mireille Dicorato, »Correspondance de Dom Afonso, roi du Congo 1506-1543« , Académie royale des Sciences d ’Outre-Mer, 1974

 

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