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Olivier Serva, nouveau président de la délégation parlementaire de l’outre-mer

Société

Olivier Serva, nouveau président de la délégation parlementaire de l’outre-mer

Par Mathieu N'DIAYE 20 juillet 2017

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Le 18 juin 2017, le député guadeloupéen Olivier Serva a été élu à la présidence du bureau de la délégation parlementaire de l’outre-mer avec 61,74 % des voix.  convoqué le 18 juillet par le président François de Rugy avec 52 autres députés ; sa candidature pourtant solide et soutenue par le président Emmanuel Macron lui-même, a été entachée par un étrange acharnement autour d’anciens propos jugés homophobes. Le député « La République en Marche » s’en était pourtant excusé.

Une vielle polémique sans cesse remise sur le tapis

Le 24 octobre 2012, dans l’émission Buzz Première, sur la chaîne Guadeloupe 1ère Olivier Serva s’était appuyé sur la Bible pour répondre à une question sur le mariage pour tous. Le Député de la 1ère circonscription de la Guadeloupe avait déclaré :

« Pour le chrétien que je suis, quand je lis la Bible, (…) il est écrit qu’un homme couchant avec un homme ou une femme couchant avec une femme, c’est une abomination » [1]

En effet, dans le Livre du Lévitique, classé parmi les textes de l’Ancien Testament biblique et qui rassemble les lois de dieu auxquelles doivent s’astreindre les hébreux, le verset 22 du chapitre 18 dit :

« Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination. » [2]

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L’interdiction se poursuit dans le verset 13 du chapitre 20 du même livre :

« Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous les deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux. » [2]

La punition appartenant évidemment à Dieu lors du jugement dernier et non à la main des hommes sur Terre. Rappelons que la notion d’amour du prochain, l’un des piliers du christianisme, interdit la haine des homosexuels. Il s’agit plutôt du refus d’un certain mode de vie. En s’appuyant sur les textes bibliques afin d’expliquer son avis quant au « mariage pour tous« , Olivier Serva s’était attiré les foudres d’une partie des populations homosexuelles et des sympathisants de la cause LGBT en France Hexagonale. Il exprimait là un avis répandu dans beaucoup d’espaces afro où la question des couples de même sexe fait encore partie des tabous qu’on n’aborde pas (ou peu) publiquement.

olivier serva

La société antillaise est très conservatrice sur de nombreux sujet.

Par ailleurs, le catholicisme très ancré dans les sociétés franco-antillaises façonne évidemment le rapport à ces phénomènes modernes de la société dont fait partie la loi Taubira. Toutefois, le Président de la commission du développement économique de la Guadeloupe a fait amande honorable, nuançant son propos. Un mea culpa qui aurait dû clôturer définitivement cette polémique :

« Je ne suis pas homophobe. C’est vrai qu’il y a cinq ans, dans un débat passionné, sociétal, où on se posait la question du pour ou contre le mariage pour tous, j’ai participé à une émission et j’ai cité des écrits de la Bible (…) C’est vrai que ces propos, a posteriori, peuvent choquer. Je le regrette, d’ailleurs je présente toutes mes excuses à ceux à qui ces propos auraient fait mal. » [3]

Olivier Serva, un engagement de plus de 20 ans

Militant associatif  depuis plus de vingt ans en Guadeloupe et politicien proche de ses concitoyens, Olivier Serva voulait intégrer l’Assemblée nationale afin d’inverser le rapport de force. C’est une vielle anaphore que la question des inégalités criantes entre la France Hexagonale et ses départements ultramarins. Si populaire qu’elle en est presque devenue berçante et qu’on en oublierait qu’il est urgent que les choses changent. Durant sa campagne, Olivier Serva a fait montre d’une farouche volonté d’accroître la représentativité des ultramarins à l’Assemblée nationale afin de peser réellement sur les décisions et proposer des lois qui résorberaient l’écart entre la métropole et les départements d’outre-mer. Le fondateur d’EKO ZABYM a proposé la création d’une coalition de députés de l’Outre-Mer, une force au sein même de l’Assemblée nationale où la voix de ces collectivités serait enfin entendue. Si la majorité des députés qui en sont originaires se disaient favorables à cette idée, le projet n’a pourtant pas abouti.

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Par défaut, le député guadeloupéen LRM se reposera sur les outils institutionnels existants tels que la loi « Egalité réelle outre-mer » [4]. Néanmoins, ces éléments juridiques encore bien trop théoriques ne permettent pas en l’état une vraie réforme méthodique. C’est pourquoi Olivier Serva avait brigué le poste de président du bureau de la délégation parlementaire de l’Outre-Mer. Cependant, le Président de la commission du développement économique de la Guadeloupe s’était vu freiné par certains de ses collègues En Marche, dont l’écologiste François-Michel Lambert [5]. Ce dernier avait remis sur la table les propos de la discorde. En outre, durant les législatives, le média web Street Press avait, lui aussi agité la toile en ressortant le dossier, relayé ensuite par d’autres portails. D’autres encore appelaient tout bonnement au retrait de sa candidature. Les électeurs ne seront pas dupes de ce genre de stratagème et ne tiendront pas rigueur à Monsieur  Serva pour ses propos maladroits.

Victorieux face à Ericka Bareigts, l’ancienne ministre des outre-mer, et à Thierry Robert, le Député de la 7e circonscription de La Réunion, il déclarera d’emblée vouloir :

« faire valoir les atouts ultramarins, muscler les moyens humains, matériels et financiers de la délégation »

Il assure, de plus qu’il laissera la présidence après deux ans et demi de mandat seulement, à un président issu de l’opposition. [6]

Pas de droit à l’erreur ?

Si les politiques de l’hexagone dérapent régulièrement et s’excusent parfois, après le repentir l’opinion publique leur accorde généralement  de poursuivre leur travail. Même lorsqu’ils ne s’excusent pas, comme ce fut par exemple le cas de l’ancienne Ministre de la Famille et du droit des femmes, Laurence Rossignol qui s’était répandue en propos négrophobes :

«Il y a des femmes qui choisissent, il y avait aussi des nègres afric… des nègres américains qui étaient pour l’esclavage. […] »

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Malgré le fait que ces déclarations aient blessé de nombreux afrodescendants, les institutions ne semblent pas lui en tenir rigueur. C’est d’ailleurs rarement le cas. Olivier Serva lui, doit être exemplaire, non pas sur les questions éthiques  ou professionnelles auxquelles l’astreignent sa fonction, mais sur des questions morales. Dans cette guerre de leadership, tous les coups sont permis et le mea culpa de Serva n’y change rien.

Étonnamment, ses collègues ultrmarins [ceux-là même avec qui il voulait étroitement collaborer pour un but commun] ne lui accordent aucun ou très peu de soutien. Certains se rangent même du côté de ses détracteurs tandis que les autres font l’autruche. Embourbés dans des alliances de groupes parlementaires, aucun ne semble pendre la mesure de l’importance du projet ultramarin. Comment expliquer cette aisance de certains à se liguer contre un député Outre-Mer alors que personne ne monte au créneau lorsque l’un d’eux subit de graves humiliations. Nous gardons en tête l’affaire Taubira et la très énergique inaction de ses confrères.

Olivier Serva, le caillou dans la chaussure ?

Certains expliquent sa place de Président par le désir d’offrir au parlementaire un lot de consolation pour son échec à constituer le groupe Outre-mer. D’autres restent plus circonspects. Cependant, Olivier Serva est clairement un député comme l’Assemblée Nationale en a rarement vue. Dévoué à la Guadeloupe, sa terre de naissance, il s’est d’emblée positionné comme un politique affranchi du complexe d’infériorité et déterminé à faire respecter les droits de ses compatriotes domiens. Une détermination sans faille qui peut crisper, notamment lorsqu’on connait l’influence d’Olivier Serva en Guadeloupe. Un rôle de dissident difficile à endosser qui pourrait encore lui porter préjudice lors de son quinquennat. Quoi qu’il en soit, il semble plus que jamais en marche vers l’accomplissement de son projet.

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Notes et références :

[1] Toma Statius ~ « Olivier Serva, ce candidat En Marche ! pour qui l’homosexualité est une « abomination » », StreetPress, publié le 31 mai 2017

[2] Édition de la Bible Louis Segond, Saintebible.com

[3] « Guadeloupe : le candidat LREM Olivier Serva rattrapé par une interview où il qualifiait l’homosexualité d' »abomination »« , francetvinfo.fr, Mis à jour le 1er juin 2017

[4] « LOI n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique »

[5] François-Michel Lambert est député de la dixième circonscription des Bouches-du-Rhône depuis le 17 juin 2012.

[6] « Olivier Serva (LREM) élu président de la délégation à l’Outre-mer« , francetvinfo.fr, publié le 19 juillet 2017