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Enquête Exclusive spécial « Blacks »: la lettre ouverte d’une entrepreneure noire

Société

Enquête Exclusive spécial « Blacks »: la lettre ouverte d’une entrepreneure noire

Par SK 15 mai 2017

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Dimanche 14 mai, la chaîne de télévision M6 diffusait un numéro d’Enquête Exclusive titré: « Black chics et festifs: secrets et succès des Africains de Paris ». L’objet portait à priori sur la réussite d’entrepreneurs Noirs français, mais n’a finalement été qu’une compilation de clichés, de codes repris pour ridiculiser une communauté. Cela n’a pas échappé à la blogosphère et en particulier à ces chefs d’entreprises, qui luttent justement pour sortir de l’anonymat et se défaire de cette image désastreuse. L’une d’entre eux, Géraldine Vovor, fondatrice de la structure « Diaspora Got Talent » (La diaspora a du talent en français), qui avait été contacté par le média pour ce reportage. Elle a rédigé une lettre ouverte à l’adresse de Bernard de la Villardière.

NOFI vous livre ce courrier en exclusivité.

« M. De la V, je vous remercie pour ce reportage. Je crois fermement qu’avec vos équipes vos intentions initiales étaient louables, en témoigne le message reçu par une de vos collaboratrices pour une demande d’interview.

Document original (capture d’écran) de l’invitation faite à madame Vovor pour participer au documentaire d’Enquête Exclusive. Les noms ont tété volontairement effacés.

M. De la V, je suis noire ! Quand je dois décrire un blanc je dis qu’il est blanc car c’est ce qui est ! Je suis noire et je le revendique. Par pitié appelez moi noire et pas black. Le mot “Black” est lourd et bien trop chargé de stéréotypes et de préjugés négatifs à mon sens pour avoir sa place dans un reportage comme le votre.

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M. de la V, vous avez dit Black-geoisie ? Je refuse d’en avoir entendu parler ! Je connais uniquement la bourgeoisie et vous m’apprenez qu’elle a une couleur. Je vous laisse à vos collègues de chez Elle magazine qui avait essuyé déjà il y a quelques années un torrent de critiques à propos de leur article  intitulé “Tendance : Black Fashion Power” dans lequel le terme avait été utilisé. C’était en 2012, nous sommes en 2017.

M. de la V, je ne suis pas journaliste et je ne prétend pas l’être, je prends rarement la parole sur les réseaux sociaux pour exprimer mes pensées mais vous ne me laissez guère le choix. J’ai crée Diaspora Got Talent à la suite d’un constat. J’avais pour objectif de valoriser les talents et les compétences de cette nouvelle diaspora Africaine car, elle est résolument boudée et négligée par la presse. Vous venez de confirmer que j’avais raison.

M. De la V, lors de votre reportage, j’ai été peinée et ce n’est rien de le dire. Connaissez-vous le sentiment d’échec ? J’ai vécu pire. Je combats ce que vous nous avez infligés, c’est un supplice qui ne devrait pas être réitéré. Je me suis rendue compte que j’avais échoué dans ma mission de mettre en exergue les noirs qui réussissent en France. Pour autant, je ne m’arrêterai pas. Je continuerai aussi longtemps que je pourrais.

M. De la V, ce dimanche nous avons tous vus un reportage hyper caricatural. Loin de moi l’idée de renier ce que je suis, une noire immigrée, une africaine de paris, qui aime bien-sûr l’ambiance de nos mariages, la chaleur de château rouge et j’en passe.

M. De la V, vous avez titré : “Black, chics et festifs : secrets et succès des Africains de Paris”. Permettez-moi de vous demander quels secrets vous avez présentés ? Je me trompe peut-être mais je n’en ai rien vu ! Avez-vous seulement présenté un parcours dans sa globalité ? Avec les hauts et les bas ? Les “succès” que vous avez choisis de montrer, connaissez-vous leurs réalités ?Permettez-moi d’en douter ! Avant d’être parfaitement intégrés et “festifs”, la plupart d’entre nous ont du affronter bien des épreuves. J’aurai (et je ne pense pas être la seule) apprécié voir cela. Votre document serait devenu une source de motivation supplémentaire pour encourager à la persévérance et au travail.

M. De la V, connaissez-vous Elie Kuame, Imane Ayessi, Ivan Sonne, Nelly Wandji, Tonje Bakang, Kossi Modeste, Fred Ebami, Loïc Dablé, pour ne citer que ceux-là ? Vous aviez pourtant si bien commencé. Il vous aurait suffit de feuilleter le fameux Gotha noir distribué au gala du Club Efficience pour avoir des noms de noirs qui réussissent dans des domaines où vous vous évertuez à nous rendre invisibles. C’est de cela dont nous avons besoin. Visiblement, vous préférez et identifiez le succès uniquement aux strass, paillettes et bling bling.

M. De la V, je vous remercie pour ce reportage. Merci de nous avoir une fait une fois de plus prendre conscience qu’il ne faut surtout pas attendre d’autrui de l’aide pour écrire notre propre histoire. Il n’y a que nous pour parler de nous comme il se doit.

Je suis G, la fondatrice de “Diaspora Got Talent” et je vous écris ce matin depuis Abidjan en Côte d’Ivoire avec des coups de feu dans l’oreillette.

PS : M. De la V,  il y a en France des auteurs, des médecins, des avocats, des peintres, des journalistes,  etc tous Africains et qui réussissent. La prochaine fois, essayez de les contacter. »

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