Brown Sugar Special DJ DID

Le rêve africain de Jérémie “JamC” Petit, producteur et homme d’affaire guadeloupéen à Dakar

Economie

Le rêve africain de Jérémie “JamC” Petit, producteur et homme d’affaire guadeloupéen à Dakar

Par SK 25 novembre 2016

Pour ne rien manquer de l'actualité,
téléchargez l'application depuis ce lien
Recevez du contenu exclusif, de l'actualité, des codes promos Nofi Store ainsi que notre actualité évenementielle chaque week-end !

« Je me suis tout de suite senti à l’aise sur le continent africain. »

Jérémie Petit aka JamC est un artiste dans l’âme et un homme d’affaires aguerri. Pur produit autodidacte, le natif de Paris est aujourd’hui à la tête d’une structure incontournable dans le secteur de la communication audiovisuelle : Oxygen Africa. Afin de se donner les moyens de son ambition, JamC est rentré sur le continent pour vivre le rêve Africain. Installé au Sénégal depuis bientôt 10 ans, le Guadeloupéen fait partie de cette diaspora actrice et partenaire de l’Afrique qui gagne. Du clip vidéo rap aux campagnes institutionnelles, il est aujourd’hui une référence internationale et vient de signer la production exécutive du dernier clip de Booba, DKR.Rencontre avec un Guadeloupéen de Dakar.

D’artiste vous passez à la réalisation de clips, comment s’est faite la transition ?

J’ai eu la chance de recroiser Olivier Cerejo Meneses, la personne qui m’avait fait entrer dans un vrai studio d’enregistrement pour la première fois. OCM, comme on le surnomme, m’a directement donné ma chance. Il venait de rentrer en France et avait réalisé un clip pour le groupe de rap L’Émeute (94), avec un matériel très qualitatif pour l’époque (Caméra 35 mm), et des codes esthétiques américains. Il m’a donné ce clip et m’a dit d’en faire la communication. Je n’étais pas du tout un business man mais peut-être que j’avais un début de fibre commerciale. Après ça,  les premiers projets sont tombés.

https://www.youtube.com/watch?v=qeYpfyboUTI

Vous entrez dans le monde des grands de la musique avec le clip 94 de Rohff, comment se fait la rencontre ?

J’étais en train de regarder le journal télévisé avec ma mère et je reçois un appel: « Allô, c’est toi le manager du réalisateur ricain ? », c’est Rohff, rendez-vous demain chez Hostile. » Du jour au lendemain, moi qui faisais le pied de grue devant les maisons de disques et les radios quelques mois plus tôt, je me retrouve à la table de Benjamin Chulvanij, patron du label de l’époque et Nathalie Canguilhem, réalisatrice très connue. C’est là que ça a vraiment commencé. Nos clips étaient systématiquement dans le top 3 des playlists des chaînes de TV musicales francophones, d’ailleurs nous avons remporté le prix du meilleur clip vidéo de l’année avec un clip du groupe de rap “Sniper” au 1er Hip Hop Awards organisé à l’Olympia. On faisait partie des structures de vidéo les plus consultées dans le milieu de la musique urbaine. On a réalisé plus d’une cinquantaine de clips, principalement pour des majors, et quelques uns pour des labels indépendants dont celui de Booba à l’époque, Tallac Record, avec le clip Baby avec Nessbeal et quelques uns des premiers clips en major de La Fouine.

Cette mentalité d’entrepreneur vous est venue au fur et à mesure des projets ?

Oui je suis un pur produit autodidacte. Je suis un produit de banlieue parisienne qui s’est forgé sur le terrain et comme je ne suis pas d’un profil à travailler pour les autres, j’ai cherché à entreprendre très rapidement. J’ai toujours considéré qu’il n’y avait pas de barrière à mes rêves. Quand on entreprend c’est qu’on a forcément la fibre au départ. Je me suis dit que j’allais le faire dans quelque chose qui me passionne.

Vous vous orientez ensuite vers la publicité, pourquoi ce choix ?

Ce doit être mon côté homme d’affaires et aussi la situation de l’époque. Il faut savoir que dans la musique,  on a connu la coupe budgétaire due à l’apparition des plateformes de téléchargement gratuits de la musique sur internet. Si avant on avait 30 000 euros pour un clip, on se retrouvait du jour au lendemain avec 7 ou 10 000 euros. A un moment on s’est posée la question : c’est quoi la next step!?. Le secteur publicitaire offrait de bonnes perspectives et nous permettait de continuer à nous exprimer dans un secteur artistique.

La transition a-t-elle été difficile ?

Ça n’a pas été facile au début. Nous avions la chance de travailler pour de grandes compagnies (Sony BMG, Universal, Warner…), et ces relations dans l’industrie du disque nous ont aidés à décrocher des rendez-vous dans le milieu de la pub. Les rencontres avec les patrons d’agences de communication se passent bien mais, on te fait gentiment comprendre que les choses sont déjà verrouillées, qu’ils ont leurs habitudes, leurs partenaires, et que les profils de clippers, de musique urbaine de surcroît, ne vont pas forcément convenir. Avec le temps et beaucoup d’efforts ces mêmes entités font aujourd’hui appel à nous Oxygen Africa  dans le cadre de la production exécutive de leurs projets de tournage sur le continent africain. Cette année nous avons assuré la production exécutive de projets prestigieux pour des annonceurs tels que H&M et Decathlon entre autres.

Votre carrière d’homme d’affaire prend une autre dimension en Afrique. Qu’est-ce qui vous met sur la voie ?

Je n’ai jamais pensé qu’un jour je m’expatrierai mais ce fut le résultat de circonstances, de rencontres et de choix que j’ai fais. J’ai eu la chance de rencontrer un producteur, Edgar Yonkeu qui m’a fait réaliser un projet au Cameroun. C’était  un télé-crochet : “Dream”, sponsorisé par Coca-Cola. Il fallait aller sur place pour tourner un spot publicitaire / clip vidéo des gagnants pour l’agence McCann Erickson Douala. Je pense que ça a été la transition entre le clip vidéo musical et le monde publicitaire. Ce monsieur m’a ensuite présenté Fabrice Sawegnon, le directeur général de l’agence Voodoo Communication (l’agence n°1 en Afrique de l’Ouest francophone) qui a su aller au-delà de mes références de clippeurs en me confiant un projet important et ambitieux quand Orange venait s’installer au Sénégal : le rebranding de l’opérateur téléphonique de l’époque, Alizé. En 2013 nous avons produit et réalisé le film “Diamono” pour Orange Sénégal gagnant du grand prix du meilleur film publicitaire au WorldWide Orange Advertising Awards avec notre partenaire et client l’agence McCann Dakar.

Quand décidez-vous de vous installer définitivement sur le continent ?

Le succès de ce projet réalisé pour l’agence Voodoo nous a ouvert les portes de l’Afrique. A partir de ce moment, avec mon associé, on se rend régulièrement en Afrique pour réaliser des projets audiovisuels entre 2006 et 2008. Tous les projets réalisés pour des agences de communication locales et des annonceurs m’ont permis de voir le potentiel en terme de développement d’affaire dans cette zone de l’Afrique. En mai 2009, je décide de prendre mon indépendance  et c’est comme ça que je m’installe au Sénégal.

A quand remonte votre première rencontre avec l’Afrique ?

C’était en 2004, pour un clip vidéo du groupe franco-sénégalais, La Brigade. En 2005, on produit et réalise le clip Unité de La Fouine, qu’on a tourné sur l’île de Gorée. Gorée je l’ai vécu comme tout africain, comme tout noir qui fait la visite de cette île la première fois. Je ne sais pas comment l’exprimer, on ressent toutes les émotions, à tel point que sur la chaloupe qui nous ramenait, je me souviens qu’il y avait une ambiance particulière, tout le monde était silencieux.

En tant que parisien et en tant qu’Antillais, comment as-tu vécu ton expatriation ?

Etrangement, je me suis tout de suite senti à l’aise sur le continent africain. C’est peut-être les caractéristiques de mon profil mais, en tout cas, je me suis adapté quasi immédiatement. C’est devenu par la suite une véritable fierté dans mon cœur. Qui aurait dit qu’un jour je m’y installerai et m’y sentirais aussi bien ? J’y ai aussi rencontrée ma merveilleuse épouse avec qui j’ai fondé une famille.

Quelles ont été les principales difficultés au niveau du business ?

La difficulté principale aurait été de m’intégrer mais j’ai eu la chance de faire dès le départ les bonnes rencontres qui ont permis à mon installation de se faire dans les bonnes conditions. Par la suite la difficulté a été de développer ma structure en identifiant des profils qui pourraient partager ma vision et me permettre de consolider mes acquis sur le long terme.

Comment est née l’entreprise Oxygen Africa ?

A l’origine, j’étais commercial dans la société parisienne d’OCM. On a ensuite monté une première structure au Sénégal, Oxygen Line Producing Company. Peu après, il a décidé d’arrêter la production audiovisuelle pour se reconvertir dans un autre secteur en s’installant en Asie du Sud Est. J’ai entièrement repris le business en renommant la structure Oxygen Africa.

Est-ce étonnant de voir que la production audiovisuelle est un secteur lucratif en Afrique ?

L’Afrique est un continent jeune, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un secteur comme celui de la production audiovisuelle se soit si vite développé car le besoin en contenu est considérable. Le continent est en pleine expansion. On sait au plan international l’intérêt que tout le monde lui porte, un engouement affiché. Sa jeunesse tient l’avenir entre ses mains. Sa population ne se contente plus du scénario qu’on souhaite lui imposer.

Votre structure emploi-t-elle aussi des locaux ?

Naturellement, j’en avais fait le pari dès le départ. D’ailleurs Ousmane Fall, mon premier collaborateur au Sénégal, en est le plus bel exemple. Avec moi, il a appris le métier sur le terrain, en tant qu’assistant au départ pour devenir aujourd’hui le principal producteur de Oxygen Africa. Je pense qu’il n’y a pas un jeune de son âge qui ait comme lui plus de 200 productions de projets audiovisuels à son actif.

Quand j’ai décidé de monter la plateforme de production au Sénégal, qui répond aujourd’hui aux normes internationales et est reconnue sur toute la zone de l’Afrique francophone, j’ai misé sur une équipe composée de jeunes africains très talentueux et qui font la fierté d’Oxygen Africa d’abord, et du Sénégal à travers les productions que nous faisons et qui sont visualisées partout dans le monde.

L‘entreprise Oxygen Africa vous a-t-elle permis de développer d’autres projets ?

Absolument. Oxygen Africa est la structure principale. Elle m’a permis de matérialiser les autres projets que j’avais l’ambition de développer. De cette maison mère est née l’enseigne Strategy Partners Consulting, un cabinet de conseil en communication institutionnelle et politique qui a eu à travailler sur des projets prestigieux tels que le film pour la promotion de l’investissement au Togo avec notre partenaire, l’agence Ellipse Communication.  Fin 2015, motivé par mon cousin Smaïka, artiste compositeur, et le rappeur sénégalais Nix, j’ai créé la structure de production musicale African Victory. Quand on est artiste, on le reste.

Oxygen Africa a travaillée sur le dernier clip de Booba, DKR, comment s’est négocié le projet ?

Je connais Oureye Diop, la promotrice  du dernier concert de Booba au Sénégal. L’équipe de Chris Macari lui a fait savoir que l’artiste voulait profiter du séjour pour tourner son clip DKR. C’est elle qui nous a recommandés. Il se trouve que nous avions déjà travaillé sur un clip  de Booba (“Jimmy”) pour lequel nous avons obtenu le prix du public à l’International Music Video Festival. Travailler sur ce clip “DKR” a été un grand  plaisir pour nous et une très belle expérience, que le public de Génération Cup TV a également pu vivre via le Snap du programme. On nous a récemment confirmé que l’artiste était très content.

Trouvez-vous important que les expatriés puissent travailler ensemble sur le continent ?

Oui. Déjà je trouve qu’Oureye Diop a été intelligente dans son approche du marché. Elle s’est appuyée sur une structure qui avait les compétences pour pouvoir accompagner ce type de projets. La réussite du clip DKR est aussi la sienne finalement. Cette entraide est aussi une orientation stratégique, par rapport à la volonté de vouloir bien faire les choses et de ne pas recommander n’importe qui à ses clients. Dans ce cadre, je crois que c’est important de pouvoir compter l’un sur l’autre et interagir.

Quel conseil pourriez-vous donner à des jeunes de la diaspora qui souhaitent s’expatrier ?

Je pense qu’il est essentiel de trouver le bon dosage en termes de compromis dans la façon de fonctionner sur ce continent, si on veut rester trop occidental, ça ne marchera pas, si on veut rester trop africain aussi ça ne marchera pas. Il faut avoir une grande capacité d’adaptation et de flexibilité, ne pas se mettre de barrières, avoir foi en Dieu et travailler en restant concentré sur son objectif. En tant que jeune afro caribéen installé aujourd’hui sur le continent africain, j’encourage vivement tous ces jeunes de la diaspora à revenir aux sources pour mettre à profit leurs compétences et savoir faire au service de la terre mère et de leurs rêves.