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WINNIE MANDELA 1936-1975 : LA FORMATION D’UNE GUERRIÈRE

Politique

WINNIE MANDELA 1936-1975 : LA FORMATION D’UNE GUERRIÈRE

Par SK 15 octobre 2014

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On adore souvent des femmes noires pour les rôles politiques importants qu’elles ont assumés dans l’Histoire. Peu d’entre elles ont, comme Winnie Mandela, subi et surmonté autant d’épreuves. Première partie de la biographie de Winnie Mandela, où celle-ci montre les traits de celle qui est, aujourd’hui, l’un des plus grands personnages de l’Histoire de l’Afrique.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofipedia

L’Enfance

Nomzano Winifred Zanyiwe « Winnie » Madikizela-Mandela est née le 26 septembre 1936 à Bizana (région du Transkei, Afrique du Sud). Son père, Kokani Columbus Madikizela, était un instituteur d’ethnie xhosa issu du clan pondo. Sa mère, Nomathasanga Gertrude Mzaidume, était fille d’un colon anglais et d’une femme xhosa. Première femme enseignante dans le district de Bizana, elle restera toutefois mère au foyer pour donner naissance à ses six enfants, dont Winnie était l’avant-dernière. Le couple Madizikela était plutôt occidentalisé dans son style de vie, s’habillant et priant à l’occidentale.

Le fait que sa mère aurait préféré accoucher d’un fils plutôt que de Winnie contribue à faire de celle-ci un garçon manqué. Elle joue et se bat avec les garçons, se forgeant, par la même occasion, un caractère que son prénom Nomzano (« la battante » en langue xhosa) annonçait déjà.
Winnie Madizikela grandit dans le contraste entre le foyer occidentalisé de ses parents et le mode de vie traditionnel de sa grand-mère, Sinya. Cette dernière est ouvertement hostile aux Blancs. Elle est la première à en parler à Winnie. Pour celle que l’on surnomme « Makhulu » (grand-mère), les Blancs sont des singes, voleurs, cupides, briseurs de l’Ubuntu, l’harmonie originelle des peuples bantous d’Afrique du Sud.
Plusieurs fois au cours de son enfance et de son adolescence, Winnie fait l’expérience du rejet des Noirs envers les Blancs. C’est ainsi que Makhulu voyait sa belle-fille métisse Nomathasanga (la mère de Winnie) qu’elle appelait « Mhlungu », un terme dépréciatif pour désigner les Blancs.
En 1944, alors que sa mère vient d’accoucher de ce second fils tant désiré, Thanduxolo, elle meurt d’une tuberculose. Bien que douée à l’école, Winnie doit interrompre ses études pour s’occuper de son frère et accomplir les tâches ménagères. Elle a 8 ans.

L’année suivante, elle réintègre l’école, mais doit retourner à la maison l’année d’après pendant six mois. Elle ne peut y retourner qu’en profitant de l’absence de sa sœur, malade. Malgré son retard initial, elle devient l’une des rares élèves de sa classe à réussir les examens finaux. Son père, fier de sa fille, abat un mouton en son honneur. Winnie décrit cette événement comme le plus beau jour de sa vie. Jusqu’en terminale, Winnie figure parmi les plus brillantes élèves de sa classe.

Elle est alors perturbée par le harcèlement du directeur adjoint de l’école à son endroit. Lors de la campagne de défi lancée par l’ANC de Nelson Mandela au pouvoir ségrégationniste sud-africain en 1952, alors que le personnel de l’école et la plupart de ses élèves se joignent au mouvement, elle refuse et se présente aux examens. Elle a en effet conscience du sacrifice de ses parents pour l’envoyer à l’école. Une fois son baccalauréat obtenu, elle n’a aucune idée de son avenir.

Son père l’envoie alors à Johannesburg pour étudier dans une école d’assistantes sociales. Pour cela, il s’arrange pour lui fournir un faux certificat de naissance.

L’arrivée à Johannesburg

Dans sa nouvelle école, Winnie souffre bientôt de la comparaison avec les autres filles. Elle, la villageoise de la région du Transkei, est entourée de filles à la féminité occidentalisée. Toutefois, au bout de quelques mois, grâce à sa camarade de chambre Sarah, elle se métamorphose en beauté urbaine. Elle montre aussi de grandes aptitudes pour la danse, les sports physiques et la bagarre, gagnant au passage les surnoms d’« Amazon Queen » et de « Lady Tarzan ».

Elle fait la connaissance d’étudiants d’universités, approche des mouvements comme le Mouvement de l’Unité des Non-Européens et fréquente les townships. En 1955, elle revient dans sa région natale du Transkei pour y effectuer son stage de fin d’études. Lorsqu’elle y apprend qu’elle est promise à un mariage arrangé à un chef, elle fuit pour Johannesburg, comme l’avait fait son futur mari Nelson quinze ans plus tôt.
Son père lui pardonne, notamment parce qu’au terme de son cursus, elle obtient le prix de la meilleure élève et se voit proposer une bourse d’études aux États-Unis. Au même moment, elle reçoit une proposition de travail dans le plus grand hopital d’Afrique, Baragwanath, à 70 kilomètres de Johannesbourg.
À un moment où le « Bantu Education Act », une loi laissant la voie à un apartheid scolaire et éducatif, vient d’être amendé, ces opportunités arrivent à point nommé. Penchant pour son pays, elle est confortée dans son choix par son père. Elle intègre l’hôpital de Baragwanath, le premier hôpital pour Noirs du pays.

 

Politisation et mariage

À l’hôpital, elle est confrontée aux difficultés sociales du petit peuple sud-africain, notamment les femmes. Elle s’engage personnellement en faveur de jeunes mères et acquiert un semblant de popularité parmi les activistes noirs de la ville. Progressivement, elle se politise.

En 1956, Winnie a 20 ans. Elle rencontre Nelson Mandela dans un magasin. Elle est avec Adelaïde, sa camarade de chambre, et son mari Oliver Tambo, copropriétaire du cabinet d’avocats Tambo-Mandela. Malgré les seize ans qui les séparent, Nelson Mandela, qui est déjà une figure célèbre de la communauté noire, marié et père de trois enfants, a le coup de foudre. Winnie commence à le fréquenter, tout en sortant avec Kaizer Matanzima, un cousin de Nelson. Elle fréquente aussi un étudiant du nom de Barney. À la suite d’un différend avec son cousin au sujet de la jeune femme, Nelson Mandela fait valoir le droit d’aînesse pour forcer Kaizer à y renoncer.

Le 10 mars 1957, un an jour pour jour après leur première rencontre, Mandela demande Winnie en mariage, ce qu’elle accepte, avouant plus tard son amour fou pour lui. Barney, foudroyé par la nouvelle, tente de se suicider. Winnie restera un certain temps à son chevet.
Nelson, récemment divorcé et accusé de haute trahison contre l’État, est sans ressources. Ce qui ne l’empêche pas de vivre sa romance avec Winnie, sortant et dansant régulièrement à Johannesbourg et fréquentant des personnes de toutes origines ethniques et sociales.
Winnie se lie notamment d’amitié avec Lillian Ngoyi, la première femme élue à la tête de l’ANC et ancienne maîtresse de Mandela. Celle-ci contribue à son intégration dans l’ANC. Après que son père a accepté, non sans peur pour sa fille, son mariage avec Nelson Mandela, désormais aussi connu que harcelé par la police, le couple célèbre un mariage traditionnel à Bizana et doit en faire de même à Qunu, le fief des Mandela. Mais Nelson, à cause de contraintes judiciaires, ne peut s’y rendre. Cette empêchement fera dire à Winnie que leur mariage n’a pas été considéré comme valide par les anciens.

De retour à Johannesburg, le couple s’installe dans une petite maison du quartier de Soweto (South West Township) la mère de Nelson, Fanny Nosekeni. Confrontés à l’étroitesse de la maison, Winnie l’agrandit en démolissant un des murs. Le couple ne survit que grâce au salaire de Winnie, que Nelson dilapide souvent en grande partie. Winnie Mandela est l’une des premières femmes à établir un contrat de mariage.
Enceinte dès 1958 et contre les recommandations de son époux, elle décide de participer à une manifestation contre le port du pass, un document payant imposé aux Noirs pour circuler. L’absence de son port pouvait conduire à une mise en prison. À la suite de la manifestation, elle est emprisonnée pendant deux semaines et y frôle la fausse-couche. Suite à son incarcération, elle perd son emploi à l’hôpital Baragwanath, qui lui reproche d’être une « agitatrice communiste ». Ce renvoi, et celui de deux de ses amies infirmières blanches, fait du bruit dans la presse sud-africaine blanche. Devant l’indignation qui suit cet incident, Winnie retrouve un emploi dans la Johannesburg Child Welfare Society, une association caritative.

Début 1959 naît le premier enfant du couple, Zenani, pour laquelle Winnie refuse les coutumes et traitements traditionnels souhaités par sa belle-mère. En 1960, Winnie obtient du premier coup son permis de conduire, donc son indépendance de déplacement. Cette même année, le gouvernement sud-africain finalise la loi du Bantu Self Government. Il s’agit, en fait, pour favoriser la mainmise des Afrikaners sur les richesses du pays, de créer des états périphériques fantoches qui permettrait à chaque groupe ethnique du pays de vivre un développement séparé : ce sont les fameux bantoustans. En pays pondo s’établit une résistance à la loi, qui commet des exactions contre les « collaborateurs au système ». Makhulu, la grand-mère de Winnie, est transpercée d’une lance lors d’une de ces attaques. Elle décédera quelques mois plus tard. Le père de Winnie rejoint le bantoustan du Transkei, ce que sa fille considérera comme une trahison.

L’infâme massacre de Sharpeville où, en mars 1961, une manifestation contre le port du pass dégénère en bain de sang, avec la mort de plusieurs dizaines de manifestants, le climat se durcit encore. Le régime sud-africain est critiqué à l’échelle internationale, et des émeutes éclatent dans les townships. Dans le cadre d’un état d’urgence décrété par le gouvernement, Nelson Mandela est envoyé en prison. Winnie, enceinte pour la deuxième fois, doit se débrouiller avec sa fille. Elle donne naissance à sa deuxième fille « Zindzi » Zindziswa, dont Nelson, absent lors de l’accouchement, doute dans un premier temps de la paternité. Quand Nelson est innocenté de son accusation de haute trahison en 1961, il réalise qu’il est dans la ligne de mire de l’État et adopte un style de vie clandestin pour mener à bien ses projets activistes.

 

Pendant la cavale de Nelson Mandela

Entre mars 1961 et août 1962, Nelson Mandela joue à un véritable jeu de cache-cache avec la police. En janvier 1962, il se permet même de narguer les autorités sud-africaines en voyageant dans plusieurs pays d’Afrique où il fera des apparitions publiques.
De son côté, Winnie subit le contrecoup de la frustration de la police sud-africaine ridiculisée par son mari. Sa maison est régulièrement mise à sac par les autorités. Nelson dira de Winnie qu’à cette époque, elle se conduisait autant « comme un soldat que comme une épouse ». À son retour, malgré la traque dont il est l’objet, Nelson Mandela reverra sa famille à plusieurs reprises.

Ces rencontres auront lieu dans la ferme de Joe Slovo, un militant communiste blanc ayant rejoint l’ANC. Ces rencontres dans cette « bulle idyllique » constitueront, dans la mémoire de Winnie et de Zenani, de rares bons moments de vie de famille.
Le 5 août 1962, Nelson Mandela est arrêté pour circulation sans papiers et incitation à faire grève. Lors de son procès où il sera condamné à cinq ans de prison, il assure sa défense en tenue royale xhosa. Winnie vient le soutenir habillée d’une tenue traditionnelle, mais son initiative est refusée par les autorités. Elle reviendra le lendemain habillée en vert, jaune et noir, les couleurs de l’ANC par signe de défi.
Le 11 juillet 1963, une grande partie des dirigeants de l’ANC est arrêtée pour des projets dits « terroristes ». Durant cette période, Winnie alterne force et faiblesse face aux nombreuses difficultés auxquelles elle est confrontée. Elle se laisse abuser et manipuler par des espions, qui lui soutirent des informations sur les actions et les militants de l’ANC. Elle doit pourtant continuer à faire vivre le mythe de Nelson Mandela, détenu à la prison de Robben Island, comme symbole du combat, plus que jamais d’actualité, contre l’apartheid.

Pendant l’incarcération de son époux

Après la condamnation de Nelson, Winnie est interdite de sortie de Johannesburg. En août 1964, elle obtient toutefois une autorisation pour lui rendre visite au Cap.

Pour rejoindre la prison de Robben Island, Winnie doit voyager pendant vingt heures. En outre, le couple n’a le droit d’échanger que deux lettres par an et de ne se rencontrer que deux fois l’année. Une fois sur place, les conditions sont tout sauf intimes. Les époux ne doivent communiquer qu’à haute voix et en anglais pendant seulement trente minutes. Les lettres sont censurées, voire déchiquetées.
À son retour, elle trouve une nouvelle fois sa maison mise à sac par la police. Isolée, elle est à nouveau manipulée par Brian Somana, un militant de l’ANC qu’elle présentera comme un indicateur s’étant rapproché d’elle pour transmettre des informations à la police. De cette affaire naîtra une autre polémique, celle d’une liaison entre les deux, ce que niera Winnie.

En 1965, Winnie est interdite de sortie de son quartier, ce qui lui fait perdre son emploi d’assistante sociale. D’autres opportunités professionnelles suivront, mais elle devra y renoncer faute de rémunération correcte ou à cause de ses employeurs, peu enthousiastes à l’idée de travailler avec la femme de Nelson Mandela.
Faute de moyens et confrontée aux renvois de ses filles de divers établissements sous la pression des autorités, elle se résigne à envoyer Zenani et Zindzi dans un pensionnat au Swaziland. Entre-temps, Winnie a fait l’expérience de la violence la plus crue. En cassant le bras d’un policier qui l’avait brutalisée sans raison ; ou encore en voyant une arme pointée sur elle par sa fenêtre juste avant que le tireur ne s’enfuie ; en envoyant en un seul coup au tapis un policier débarqué la nuit chez elle et l’ayant prise par l’épaule alors qu’elle n’était pas habillée. Durant cette période difficile, elle dépend de l’aide de ses amis, comme le photographe Peter Magubane, ne trouvant plus de soutien dans l’ANC, largement décapité.

Deux ans après sa première visite, Winnie se rend à nouveau à Robben Island, pour y retourner en 1967 et 1968.

Winnie, avec d’autres femmes, comme Helen Joseph, milite en solidarité avec les détenues de la Fédération des femmes sud-africaines. Mais elle est à nouveau abusée par un indicateur de la police sud-africaine, Andries Mahanyele. Il est le principal témoin à charge du procès de Winnie en 1969, à l’issue duquel elle est envoyée en prison pour vingt-trois mois dans des conditions déplorables.

Début 1970, elle est l’objet de violentes tentatives de meurtre dans sa maison. C’est sa jeune fille Zindzi qui, à 12 ans, écrit à l’ONU et à la Croix-Rouge pour demander une protection policière pour sa mère, ce qui est freiné par les autorités sud-africaines. Réduite à se défendre avec des bergers allemands offerts par des amis, elle les perdra tour à tour, empoisonnés.
En octobre 1970, elle est condamnée à six mois de prison avec sursis pour avoir abrité sous son toît quatre de ses parents. Peu après, elle obtient la permission de revoir son époux en prison ce même mois pour la cinquième fois. A son retour à Johannesburg, elle fait une crise cardiaque, à 32 ans, à laquelle elle survivra.

En octobre 1974, elle est condamnée à six mois de prison pour être entrée en contact avec son ami photographe Peter Magubane, en dépit du bannissement auquel elle avait été astreinte douze ans auparavant. Alors que le régime sud-africain est criminalisé et boycotté à l’échelle quasi internationale, Winnie est élue « femme de l’année 1974 » en Grande-Bretagne. 

6. L’incarnation de l’espoir

À sa sortie de prison en 1975, elle découvre le mouvement de Steve Biko, le Black Consciousness Movement auquel elle adhère pleinement, forte de la levée de son interdiction de « bannissement ». Au contraire de leaders de l’ANC, qui y voient une organisation rivale, le Black Consciousness Movement prône l’unité contre l’apartheid. Bientôt, elle se mue en principale leader de la lutte contre l’apartheid. Elle est élue présidente de la Fédération des femmes noires et fait part à son époux, lors d’une visite fin 1975, de l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes militants noirs déterminés et en colère, génération avec laquelle Nelson va chercher à entrer en contact.

Comme dit plus haut, le gouvernement sud-africain avait mis en place, depuis 1953, le Bantu Education Act, avec, entre autres, un département consacré à la formation estudiantine des Noirs. Le rôle de ce département était de créer un programme scolaire répondant à « la nature et au besoin des étudiants noirs ». L’auteur du programme, Henrik Verwoerd (pronazi convaincu pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui devint par la suite Premier ministre d’Afrique du Sud), déclarait alors : « On doit enseigner aux Noirs dès leur plus jeune âge que l’égalité avec les Blancs ne leur convient pas. » 

Le 16 juin 1976, alors que de jeunes Noirs manifestent à Soweto contre cette décision administrative injuste qui inclut l’enseignement imposé de l’afrikaans dans les écoles noires, 152 enfants sont tués par la police. La révolte, appuyée par l’indignation générale face à ce massacre, s’étend au-delà de la région faisant, au total, plus de 700 morts et des milliers de blessés. Face à l’ampleur du drame, le régime de John Vorster (président précédant Botha) est contraint de retirer la circulaire sur l’afrikaans.
Winnie est, quant à elle, accusée par les autorités d’être à l’origine de la révolte. Elle est condamnée à cinq mois de prison.

Cinq mois après sa sortie, elle est enlevée avec ses filles et forcée par l’État à emménager à Brandfort, une petite ville en pays afrikaner à plus de 300 kilomètres de Johannesburg. Alors que les conditions y sont vétustes et l’environnement humain hostile, elle parvient, en forçant le respect des autorités, à améliorer ses conditions de vie et à rallier la cause de nombreux de ses concitoyens. Elle tient tête au policier attaché à sa surveillance, l’appelant par son prénom et obtenant par voie légale son retrait. Elle défie les lois d’apartheid en pénétrant dans les supermarchés réservés aux Blancs, faisant fuir d’effroi les Blanches sur place. Elle apprend le sisotho, la langue de la plupart des Noirs de la ville, ce qui la rapproche d’eux. En 1978, Zenani tombe enceinte et demande à ses parents de se marier avec le prince Thumbuzi du Swaziland, un des nombreux fils du roi de ce pays. L’année suivante, elle donne naissance à une petite Zazizwe. Peu après, Zindzi est embauchée comme rédactrice magazine de mode.

Winnie, de son côté, redouble d’activités à Brandfort pour améliorer son quotidien et celui de ses frères noirs. Aidée par des dons extérieurs, elle assume les rôles d’assistante sociale, de conductrice de bus scolaires, d’agricultrice, apporte les premiers soins aux malades et des denrées alimentaires.
Vivant de ses prestations d’assistante sociale à son compte, elle rencontre Chris Hatting, un médecin britannique qui soutient politiquement et financièrement. Il lui propose un emploi, mais décède peu après dans des circonstances fort suspectes. Elle continue ses activités, reçoit des télévisions et « transforme » sa maison en salle de projections. À la fin des années 70, elle devient la personnalité noire la plus importante du pays, selon des sondages.

Voilà la première partie de la vie bien remplie d’une véritable combattante, qui, si elle s’était arrêtée là, trônerait sans doute au-dessus de celles des Hatshepsout, des Nzinga ou des Candace. Mais celles-ci ont l’avantage d’une histoire si lointaine qu’elle s’est confondue au mythe, et que leurs défauts ont, depuis, disparu. Winnie n’a pas eu cette « chance », comme on le verra dans une deuxième partie.