Avec “Black in the City 2”, la femme noire n’est plus un personnage secondaire

Dans Black in the City 2, paru en septembre chez Hello Éditions, la romancière franco-congolaise Marie Munza poursuit le destin d’Amanda Parks, une femme noire urbaine, moderne, ambitieuse, mais jamais caricaturale. À travers cette héroïne afropéenne, elle signe l’un des textes les plus justes de la rentrée : un roman où la réussite devient un acte de résistance, où l’identité n’est plus un fardeau, mais une force tranquille. Entre chronique sociale et quête intime, Munza redonne aux femmes noires de France ce que la littérature leur refuse trop souvent : la centralité.

Et si la normalité d’une femme noire était déjà une révolution ?

Dans le tumulte de la rentrée littéraire, certains livres s’imposent non par le bruit qu’ils font, mais par le silence qu’ils imposent autour d’eux. Black in the City 2, de Marie Munza, appartient à cette catégorie rare. Paru chez Hello Éditions le 19 septembre dernier, ce roman prolonge la trajectoire d’Amanda Parks, héroïne afropéenne déjà révélée dans le premier tome, et s’impose comme l’un des textes les plus justes et les plus nécessaires de cette fin d’année.

Amanda Parks n’est pas une héroïne “exceptionnelle” au sens où la littérature aime encore l’entendre. Elle n’a pas fui la guerre, ne porte pas de message mystique, ne représente aucune cause. Elle travaille dans un grand groupe parisien, fréquente les cafés du centre-ville, aime, doute, résiste. Ce qui fait sa singularité, c’est sa normalité. Car cette normalité-là, celle d’une femme noire urbaine, ambitieuse et consciente de ses racines, reste presque absente du paysage littéraire français.

Munza écrit depuis ce lieu d’entre-deux, entre Brazzaville et Bordeaux, entre héritage africain et quotidien européen. Elle capte avec précision cette tension permanente que connaissent tant de femmes noires françaises : être visible sans se montrer, compétente sans déranger, forte sans paraître menaçante. Dans les bureaux aseptisés de l’entreprise API Group, Amanda avance avec la prudence de celles qui savent que chaque faux pas sera surinterprété. Elle incarne cette génération d’Afropéennes qui refusent de choisir entre leur appartenance et leur ascension.

Le roman frappe par sa sobriété et sa justesse. Pas de slogans, pas de scènes spectaculaires, mais une écriture tendue, presque clinique, qui observe les gestes, les regards, les silences. Marie Munza ne cherche pas à théoriser l’expérience noire en France : elle la fait ressentir. Sa plume, poétique sans emphase, porte la mémoire du recueil Motéma, son premier livre. Elle décrit l’entreprise comme un champ de bataille feutré où se jouent des luttes invisibles : celles pour la reconnaissance, la dignité, la légitimité. À travers Amanda, elle met en lumière l’ambition comme forme de résistance. Réussir devient un acte politique, non pas contre, mais malgré.

Ce que le roman raconte, au fond, c’est le prix de la persévérance. Amanda avance dans un monde où chaque victoire semble conditionnelle, où la réussite ne protège pas du doute, où la fatigue d’être pionnière se mêle à la fierté de tenir bon. C’est un livre sur la solitude des premières, sur la nécessité de la sororité, sur la beauté d’être soi quand tout pousse à se fondre.

Avec Black in the City 2, Marie Munza fait plus que raconter une histoire : elle comble une absence. Depuis trop longtemps, la littérature française observe les femmes noires sans leur donner la parole. Elles y sont souvent objets, symboles ou métaphores, rarement sujets. Munza inverse le regard. Elle écrit depuis l’intérieur, avec une conscience aiguë de ce que représente, dans le contexte français, le simple fait de dire “je”. Son roman devient ainsi un geste de réparation : il replace la femme noire au centre du récit, non comme figure d’exception, mais comme actrice ordinaire du réel.

L’écriture de Munza rappelle par moments celle de Chimamanda Ngozi Adichie pour la clarté et la modernité du ton, mais elle garde une sensibilité proprement française : une attention au détail, à la langue, au non-dit. C’est une prose du quotidien, traversée par une intelligence émotionnelle rare. Sans jamais sombrer dans le didactisme, l’autrice fait du bureau, du salon, du métro et des conversations entre amies afrodescendantes les nouveaux territoires du politique.

Née à Brazzaville et ayant grandi à Bordeaux, Marie Munza appartient à cette génération d’écrivaines afro-françaises qui refusent la posture d’invitée. Poétesse, communicante et militante culturelle, elle inscrit son travail dans une démarche d’empowerment littéraire. “Je voulais créer une héroïne noire qu’on croise sans la voir : une femme qui travaille, aime, doute, avance. Son existence est déjà une victoire”, confie-t-elle.

En ces temps où les débats sur la représentation se multiplient, Black in the City 2 apporte autre chose : une voix. Pas une voix qui crie, mais une voix qui dit, calmement, fermement, que la normalité des femmes noires est une histoire en soi. Et que cette histoire mérite d’être racontée.

À la croisée de la fiction sociale et du manifeste intime, le roman de Marie Munza s’impose comme un jalon de la littérature afro-française contemporaine. Il ne cherche pas à prouver, mais à exister ; et c’est précisément ce qui le rend si puissant. Dans le regard d’Amanda Parks se reflète celui de toutes celles qui ont compris qu’écrire sa place, c’est déjà commencer à la reprendre.

Fiche livre
Black in the City 2
Autrice : Marie Munza
Éditeur : Hello Éditions
Date de parution : 19 septembre 2025
ISBN : 978-2-38627-480-0
Prix public : 14 €

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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