MASON Cyrille Elong Ewing, styliste et producteur de cinéma aveugle

Nofi vous invite à découvrir MASON Cyrille Elong Ewing producteur, réalisateur, scénariste, et créateur de mode malvoyant.

MASON Cyrille Elong Ewing, styliste et producteur de cinéma aveugle

Qui est MASON Cyrille Elong Ewing ? Pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour, je suis un jeune camerounais de mon père et américain de mon père. Je suis français depuis 8 ans environ. J’ai aussi été élu premier styliste et producteur de cinéma au monde aveugle. Né le 9 avril 1982 au Cameroun à Douala, j’ai eu des parents qui m’ont donné beaucoup d’amour, une mère qui s’appelait Marie ; elle était mannequin, styliste et modéliste à la rue Pau dans le quartier d’Akwa à Douala. Tout le monde aimait ma mère car c’était une femme avec un grand cœur. Mon père était quelqu’un de bien. Malheureusement, ma mère est morte très jeune et j’ai continué à aller à la rue Pau avec mon amour d’arrière-grand-mère Élise Ndoumbé, qui seront toujours les deux femmes de ma vie.

Styliste, designer et réalisateur, comment réussissez-vous à multiplier les casquettes malgré votre handicap ?

Mon handicap n’est pas un frein. Au contraire, une force. Cette question, on me la pose souvent. A chaque fois elle me rend triste et en même temps, elle me fait sourire. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui dans n’importe quel pays, il y a des personnes de tout handicap qui font des choses incroyables, qui sont surprenantes. Je précise aussi que j’ai vu jusqu’à mes 14 ans. Mes souvenirs continuent toujours à fonctionner. Depuis tout petit, j’ai toujours dessiné et j’ai une mémoire intacte : je me rappelle des couleurs, du coup de mon crayon sur la feuille blanche (quand je dessinais une robe, un costume). Ma mémoire continue à fonctionner et en plus aujourd’hui, il y a du papier braille qui existe. J’aime beaucoup aussi travailler en binôme avec un autre styliste. Par exemple, il y a un petit jeune qui est un génie qui s’appelle Léo Finally. Pour moi, c’est un plaisir de collaborer avec lui. Pour le cinéma, c’est pareil, j’ai vu. J’ai de beaux souvenirs. Depuis que j’ai 6 ans, c’est une passion. Tout cela, c’est grâce à Steven Spielberg, Whoopie Goldberg et Oprah Winfrey (avec le film La Couleur Pourpre), qui est mon film préféré. Je suis aussi fan de Meryl Streep et Kevin Bacon. Ce sont des acteurs qui m’ont donné beaucoup de forces, car mon objectif et de travailler un jour avec tout ce beau monde. Pour le cinéma, je suis beaucoup mon instinct. Par exemple en 2020, je vais beaucoup me spécialiser pour tout ce qui est de la décoration des films, les costumes. J’aime habiller les acteurs, faire porter de très belles robes de princesses à des comédiennes.

En temps que styliste-designer, je m’éclate. Pour la déco, je réserve beaucoup de surprises au monde du cinéma. C’est pour cela que j’achète beaucoup d’objets pour que la déco d’un lieu soit extraordinaire. Pour cette année, je prépare deux séries télés : Eryna Bella, Mickey Boom, qui sont deux univers totalement différents. Je prépare aussi le long-métrage Coup de Foudre à Yaoundé qui est tourné dans mon beau pays le Cameroun. A la fin de cette année, je prépare mon deuxième long-métrage Les Anges du Monde. Un film qui sera tourné à la Nouvelle-Orléans et en France. Il se passe dans les années 1900, c’est à l’époque où l’histoire des trains commence. J’ai déjà commencé à acheter de très belles choses pour la déco, des objets en porcelaine et plein d’autre surprises. C’est vrai que le cinéma est un monde de voyants, mais grâce à mon travail, je veux montrer au monde entier que le monde de l’audiovisuel est ouvert à tout le monde, aveugle ou pas. Je vois autrement avec mes autres sens. Tout ce que je toucherai, je le transformerai en or.

Comment êtes vous devenus aveugle ?

Pour moi, être non-voyant n’est pas une tare, ce n’est pas une complication mais plutôt une chance. Comment puis-je vous dire ça ? Avoir perdu la vue est la plus belle chose qui me soit arrivée. Avec le temps, je souhaite apporter beaucoup de force à toutes les personnes handicapées dans ce monde. J’aimerai booster les jeunes africains aveugles pour qu’ils comprennent que rien n’est perdu. C’est drôle, depuis que je ne vois pas, j’ai l’impression d’avoir les yeux grands ouverts, de voir mieux qu’un voyant. C’est bizarre, alors que je suis dans le noir, quand je rencontre un mannequin ou un acteur, mon instinct va me diriger. La vie est vraiment bien faite, la nature aussi. Il y a trop de personnes handicapées qui sont des génies. C’est dommage qu’ils ne veuillent pas le voir. Mon handicap n’est pas un frein, mais plutôt une lumière vers un monde totalement surprenant.

Comment expliquez-vous ces sévices que vous faisait subir votre famille ?

Je suis devenu aveugle à cause de mon oncle et ma tante, Lucien et Jeannette Ekwalla. Mes bourreaux sont nés au Cameroun, ils vivent en France depuis une quarantaine d’années. A la mort de ma mère, ils sont venus me chercher à la rue Pau dans le but de m’apporter un monde meilleur. Mais j’ai atterri en enfer. J’ai vécu 8 ans de calvaire où j’ai été torturé, brûlé avec des allumettes ou briquets. Pendant 8 ans, j’ai vécu les moments les plus abominables avec la purée de piment dans mes yeux et sur le sexe alors que je n’avais que 6 ans. Ça a duré jusqu’à mes 14 ans. J’ai été privé de manger, je suis devenu leur esclave. Ils me battaient avec des barres de fer, massues et ceintures. Les moments les plus abominables de ma vie. C’était une enfance atroce. Ce mot n’est même pas adéquat. Ce que j’ai vécu, je ne le souhaite même pas à mon pire ennemi. Cela m’a laissé des séquelles que jamais je ne pourrais oublier. Personne ne pourra jamais se mettre à ma place, ni parler pour moi.

Beaucoup se seraient effondré après un tel incident. Comment avez-vous surmonté ce « traumatisme » ?

Pour être honnête avec vous, je ne sais pas pourquoi Mr. et Mme. Ekwalla m’ont fait ces atrocités. Je pense que c’est à eux qu’il faut demander directement. Si seulement nous les victimes on avait certaines réponses, je pense qu’on arriverait à avancer. Malheureusement, 90% n’ont jamais su pourquoi et moi le premier. Pour moi, les Ekwalla étaient tout simplement des personnes méchantes et abominables, la réincarnation du mal.

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Ce traumatisme, je m’en suis sorti grâce à l’amour de ma mère Marie, le soutien de mon arrière-grand-mère Élise et de tous mes amis qui ont toujours été là pour moi. Sans eux, je ne sais pas ce que je serais devenu. Ils ont été ma force. Encore merci à eux tous.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours professionnel ? Comment en êtes vous venu à multiplier avec brio autant de casquette ?

Aujourd’hui, je suis le plus heureux du monde. Je suis aussi perdu car je me rends compte que l’être humain est très méchant. Que ce soient mon oncle et ma tante, la police française, l’Aide Sociale à l’Enfance, les juges et même certaines personnes dans le monde de la mode et du cinéma. Je me demande pourquoi il y a tant de méchanceté sur cette planète. Au lieu de s’entraider, on continue à se détruire. Par exemple, il y a beaucoup de comédiens et mannequins qui ont cherché à me détruire. Heureusement pour moi, ça n’a pas marché. Comme on dit, ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort. Sinon oui, je suis heureux, je réalise mes rêves.

Comment as-tu été accueilli dans le milieu de la mode ? Notamment par rapport à ton handicap ?

Pour raconter mon parcours professionnel, c’est simple, je suis passionné. Cela fait 30 ans que je sais ce que je veux faire : la mode, le cinéma, travailler dans l’édition de livres. Pour expliquer :

  • La mode, je m’y suis mis afin de réaliser le rêve de ma mère.
  • Le cinéma, c’est mon dada, l’amour de ma vie. Je me lève, je mange, je dors et vie pour le cinéma. Mon métier de producteur, je l’adore.
  • Quant à l’édition de livres, pendant les 8 ans que j’étais maltraité, la première chose qui m’a aidé à tenir, ce sont les livres. Je pouvais lire en cachette, ça m’aider à m’évader, à oublier mes souffrances. Donc aujourd’hui quand je travaille dans ce domaine, je suis mon cœur, mes envies et j’écoute aussi beaucoup les autres, même si des fois je suis très têtu.

Je n’ai pas fait d’études dans tous ces domaines, j’ai appris en autodidacte. Au début j’ai fait beaucoup d’erreurs mais avec le temps, j’ai beaucoup appris. Je sais que durant toute ma vie, je devrais apprendre. Cela ne me fait pas peur. Pour la mode, j’ai eu la chance que mon parrain Olivier Lapidus m’ait beaucoup soutenu, aidé et conseillé. Un homme au grand cœur. Il a toujours été là pour moi. Jusqu’aujourd’hui, c’est toujours mon pilier. Dans mon parcours, j’ai rencontré des charlatans qui en ont profité parce que je suis aveugle, mais ça fait partie des expériences professionnelles. Il y a aussi des gens qui m’ont fait des promesses qu’ils n’ont pas tenus. Par exemple, l’audiovisuel est un milieu très difficile. Cette année, cela fait 10 ans que je me bats pour que ma série télé Mickey Boom sorte. Tant que je n’ai pas réussi, je ne lâcherai rien. C’est vrai que les gens ont l’impression que je m’éparpille. Au début, c’était peut-être vrai. Mais avec les années, on se recentre. J’ai aussi une équipe en or qui est derrière moi, qui travaille à mes côtés. Dans la société Mason Ewing Corporation, je ne suis pas tout seul. Je pense que si j’arrive à bien faire mon travail aujourd’hui, c’est grâce aux expériences négatives et positives qui me sont arrivées. 2020 sera encore meilleur. Une année pleine de surprises et de rebondissements.

Pouvez-vous nous parler de vos projets cinématographiques en France ?

Dans le milieu de la mode, je n’ai pas été très bien accueillis. Au début, je ne pouvais pas faire des castings autrement que chez moi, donc la jeunesse française m’a fait beaucoup de problèmes, d’histoires. J’ai eu le droit aux « menteurs », « arnaqueurs », « pédophiles ». On a même critiqué mon appartement. En France, certaines personnes sont très méchantes. Les gens ont tendance à oublier que quand on débute, on ne peut pas avoir les locaux de Jean-Paul Gaultier, Yves Saint-Laurent ou Dior. Malheureusement, on est obligé de faire les choses avec les moyens du bord.

Et puis je compte me battre pour que le monde de la mode s’ouvre enfin pour les personnes aveugles, avec des règles totalement différentes. Autre chose : quand on ne voit pas avec les yeux, on voit automatiquement avec les doigts. Et ça, les gens ont du mal à le comprendre. Sinon le monde de la mode est magique. Je l’adore. Franchement je ne le quitterai pour rien au monde. J’ai réussi à m’imposer et c’est un combat que je vais gagner.

Comment expliquez-vous que les portes se sont ouvertes plus facilement pour vous aux USA, qu’en France ?

Alors mes projets cinématographiques en France. J’ai fait plusieurs court-métrages que j’ai produits ou alors réalisé. Par exemple, le sport sur le don d’organes s’appelle Le Plus Beau Cadeau de ma Mère. Dedans on peut retrouver l’actrice Firmine Richard. Une très belle et émouvante histoire d’une mère qui va mourir. Elle a décidé de donner les cornées de ses yeux à un de ses fils aveugles. Il y aussi Unexpected Guest, un court-métrage d’horreur qui est assez sympathique. Je suis un fan de films qui font peur. On est parti en Pologne, on a tourné un court-métrage qui s’appelle Passé Trouble. On fini le montage cette année. Je vous avoue que je me suis bien amusé. Sinon il y a la série télé Mickey Boom. Ce projet a été très compliqué. Dans années de galères, de souffrances avec lequel j’ai eu le droit à la méchanceté de plusieurs personnes. Comme je suis quelqu’un de fort, je n’ai pas laissé tomber. Cette année 2020, je reprends cette série pour qu’elle puisse enfin voir le jour après 10 ans. J’ai fait plusieurs teasers que je ne suis pas satisfait. Mais heureux de faire des erreurs et j’ai continué à apprendre. Dans les prochains projets, je serais producteur, je m’amuserai en temps que costumier ou décorateur car ça, c’est mon dada. En France, nous avons aussi un projet depuis quelques temps. Mason Ewing Corp. est actionnaire d’une chaîne télé qui s’appelle Waka TV. Elle met en avant la diaspora africaine. Nous sommes trois actionnaires : Léo Many, Paul Rivier et moi je suis le troisième qui est arrivé après. Le but de Mason Ewing Corp. est de faire connaître le cinéma africain partout dans le monde.

Est-ce que les choses changent dans la bonne direction ?

Je vais être honnête mais je pense que si on veut que les choses évoluent en France, je dois dire la vérité. La première chose qui a dérangé est ma couleur de peau. Effectivement, être noir, ça n’a pas arrangé les choses aux yeux de certains français. Et en plus, quand j’ai perdu la vue, alors là, c’était le pompon. Noir et aveugle ? Deux handicaps ? Par exemple : depuis des années, je recherche des investisseurs. En janvier, cela fait 31 ans que je vis en France. On me prend toujours pour le noir, l’africain. Ce n’est pas grave. Quand je suis allé aux États-Unis, j’ai trouvé l’humanité que je n’ai pas reçu de mon oncle et ma tante ou d’autres personnes en France. Les américains m’ont pris pour ce que je suis : MOI, un simple être humain qui se bat pour réaliser ses rêves. Après en France, je ne mets pas tout le monde dans le même sac. Il y a des français qui se fichent de la couleur de peau, qui aiment l’Afrique. Ceux-là m’ont aidé du mieux qu’ils pouvaient. Mais à présent, je cherche des investisseurs, des sponsors pour faire développer la société Mason Ewing Corporation et ses filiales. Donc j’espère qu’il y aura des personnes qui auront envie de me contacter afin de venir s’enrichir à mes côtés. Qu’ils investissent l’argent moi, j’ai les idées. Je le ferais fructifier. Ils ne vont pas regretter d’avoir investis chez Mason Ewing Corp. Effectivement, les choses se sont mieux passées aux États-Unis, mais je ne suis pas fermé, je pense qu’en France on peut aussi trouver des gens bien. D’ailleurs, je compte beaucoup sur ma communauté pour venir aussi travailler à mes côtés. Il y a beaucoup d’hommes d’affaire africains, je les mets tous au défi. Je leur assure que leur argent n’ira pas dans les poubelles.

Pour vous qu’est-ce que signifie être Noir et Fier ?

C’est simple. Ma mère était camerounaise bamiléké. Je suis né à Douala, entouré d’une famille ébène. Je n’ai jamais eu honte de ma couleur de peau. Au contraire, j’en suis même très fier. Je pense que je n’aurai pas pu naître d’une autre couleur car j’ai un combat à mener pour mes compatriotes africains. Nous avons subi l’esclavage, le racisme et plein d’autres choses qui continuent. Mais notre jeunesse se bat aujourd’hui pour faire bouger les choses et ça, c’est ma fierté. Oui, je suis noir et fier et je boost et pousse nos jeunes à continuer à se battre. L’Afrique s’éveille et c’est notre avenir. Au Cameroun, je compte ouvrir les plus gros studios de cinéma d’Afrique, Ewingwood. Un petit message d’appel pour les investisseurs.

Que pouvons-nous te souhaiter pour 2020 ?

2020 commence très bien, je suis très positif. J’ai toujours cru en moi. Je suis talentueux, créatif, je ne suis pas inquiet pour ma société. C’est pour cela que je n’ai jamais hésité à investir mon propre argent même si des fois ça m’a mis en galère. Aucun regret, moi j’y crois et c’est l’essentiel. Cette année, il y a des gens avec lesquels je souhaite travailler. Mon objectif est que Madison Color sorte partout dans le monde et qu’une partie des bénéfices aille dans mon association SOS Madison International pour aider les enfants qui sont dans les hôpitaux, les orphelins et ceux qui se retrouvent à la rue à cause de l’Aide Sociale à l’Enfance. C’est mon combat et cette année, c’est très bien parti. Bientôt, SOS Madison International va devenir une fondation. Avec ma collègue Karen Desouches, nous préparons tout cela pour les États-Unis. Et en plus, Franck Kosakevitch et Natacha Ruiz sont entrain de tout mettre en avant pour 2020. Pour moi, c’est aussi un honneur d’avoir cette année le soutien du Prince Albert II de Monaco. Donc oui, 2020 commence très bien. Sans oublier la sortie de mon livre Les Yeux du Destin.

Que Madison Color voit le jour grâce aux milliers d’investisseurs qui vont me contacter, qui vont croire en moi, qui ne vont pas s’arrêter à ma couleur de peau, mon handicap, mais à mon talent et ma détermination. Que mon livre Les Yeux du Destin devienne un classique dans ce monde, qu’il puisse aider les victimes, leur apporter du courage. J’aimerai avoir un grand soutien de mon grand continent, l’Afrique. Qu’ils me contactent par Facebook (facebook.com/mason.ewing) ou par Instagram @masonewingofficial). Que mes deux séries Eryna Bella et Mickey Boom voient enfin le jour. Et enfin, que mes amis aillent bien et mon plus grand bonheur, avoir des enfants naturellement ainsi qu’en adopter 10. Il y a beaucoup d’enfants malheureux. Je suis comme Joséphine Baker. J’ai aussi une pensée pour tous les orphelins qui sont dans tous les orphelinats de ce monde. Merci à votre journal Nofi.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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