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La révolution des marabouts torodo contre l’esclavage

Histoire

La révolution des marabouts torodo contre l’esclavage

Par Redaction NOFI 9 février 2018

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Au dix-huitième siècle, la révolution des marabouts peuls de la région du Fouta Toro (actuels Sénégal et Mauritanie) a permis de mettre fin, dans la région, à la traite des esclaves européennes et des razzias esclavagistes par les Maures.

Cet article nous est proposé par Daouda Koïta, fondateur de la page Sahel-Soudan United. Vous pouvez la suivre sur Facebook à cette adresse.

Au cours du 18ème siècle l’Afrique de l’ouest était secouée par la traite négrière vers les Amériques et toutes sortes de razzias pillant richesses matérielles et humaines vers le Nord.

Révolution des Marabouts

Région du Fouta Toro
Source : Webpulaaku

La région historique nommée « Fouta Toro » localisée dans l’actuel Nord du Sénégal et au Sud de la Mauritanie, peuplée de Peuls sédentaires fortement métissés avec les ethnies voisines, était sous pression extrême venue de l’extérieur et en proie à des luttes intestines de pouvoir entre prétendants au trône. A cette époque, le Fouta Toro était dirigé par la dynastie Satigui (animiste) ou musulmans superficiels des denyankés qui dirigeaient le pays depuis des siècles. Sous pression des Européens qui s’infiltraient depuis la côte et des nomades arabo-berbères venant du Nord, l’incapacité ou la non-volonté des princes denyankés – dont certains s’alliaient aux étrangers pour combattre une autre fraction de Denyankés – d’assurer la sécurité de la population et l’intégrité du royaume face aux négriers européens et les hordes de razzieurs Maures Braknas et Trarzas, était de plus en plus manifeste. Ils voyaient leur pouvoir de plus en plus contesté par le peuple du Fouta, en particulier par les marabouts (lettrés musulmans). Ces derniers étaient en lien avec les marabouts peuls du Boundou, du Fouta Jallon et les marabouts berbères plus au Nord qui eux avaient quelques décennies plus tôt, tentés un mouvement de révolte contre les injustices et vexations que les envahisseurs arabes appelés les « Hassan » leur faisait subir. Cette dernière révolte avait été menée par un imam berbère nommé Nasredin, qui fut tué en 1674 dans une bataille contre les envahisseurs arabes.

la révolte des marabouts

Gaspard Mollien. Armée du Fuuta-Tooro en marche – 1820

C’est donc dans ce contexte qu’une révolution de marabouts initiée et dirigée par un brillant lettré musulman issu d’une famille maraboutique nommé Souleyman Baal éclata contre le régime denyanké. Son but était de retrouver la stabilité de l’état en luttant contre la traite négrière des Français et des Anglais, les razzias des pillards Maures et l’incompétence de la dynastie régnante.  Le mouvement de Souleymane Baal fut vite rejoint par la redoutable élite guerrière du royaume et par des jeunes marabouts galvanisés par les idéaux de la révolution.  Ensemble, ils réussirent à renverser la dynastie des Denyankés et repousser les Maures vers le désert.  La victoire des Torodos coïncida avec la mort de Souleymane Baal vers 1776 dans un combat contre les Maures d’Oulad Abdallah.

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Après la chute de la dynastie des Satiguis, causée par la révolution prêchée par Souleymane Baal, le Fouta Toro eut comme chefs des almamys (imams en pulaar).  Le premier de ce nom, un compagnon de Souleymane Baal appelé Abdel-Kader Kane acheva la conquête et la pacification du Fouta. C’est durant son règne que l’Almamiyat – tel était le nom de l’Etat théocratique – se forgea ses principales institutions fortement basées sur les principes islamiques. Almamy Abdel-Kader Kane tenta alors avec un succès mitigé d’exporter la révolution en dehors du Fouta-Toro.  L’État confédéral du Fouta-Toro qui compta neuf provinces a donc pu abolir l’esclavage en 1776 – soit près de 90 ans avant son abolition aux États-Unis – sous la direction des Toroobé (pluriel de Torodo en langue pulaar). Le commerce avec les esclavagistes anglais et français basés plus à l’ouest à Saint-Louis du Sénégal, était également interdit.

Le régime théocratique des Torodos a tenu le pouvoir jusqu’ à la conquête française en 1880-1881. Néanmoins, au Fouta sénégalais et mauritanien jusqu’ à notre époque, les Torodos formèrent une caste maraboutique chez la communautés des Foutankés de Sénégambie, de Mauritanie, du Mali et leurs descendants dans la diaspora.

Recommandations de Thierno Souleymane Baal instauré par Abdel-Kader Kane

« Thierno Souleymane Baal encourageait et parlait à son armée en ces termes : la victoire est dans la persévérance… Je ne sais pas si je sortirai de cette guerre vivant. Toutefois, je vous recommande, si je ne suis plus de ce monde :

1) de rechercher, pour assumer la fonction d’Almamy, un homme désintéressé, qui ne mobilise les biens de ce monde ni pour sa personne ni pour ses proches ;

2) si vous le voyez s’enrichir, démettez-le et confisquez les biens qu’il a acquis ;

3) s’il refuse la démission, destituez-le par la force et bannissez-le ;

4)   remplacez-le par un homme compétent quelle que soit sa lignée ;

5°) veillez bien à ce que l’Almaamiyat ne soit jamais héréditaire;

6°) n’intronisez qu’un méritant. »

Références

Africa from the Sixteenth to the Eighteenth Century /  Bethwell A. Ogot

Du régime des terres chez les populations du Fouta sénégalais / Abdou Salam Kane

Le Fuuta Tooro de Ceerno Suleymaan Baal à la Fin de l’Almamiyat 1770 – 1880 / Baïla Wane

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