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« Capois-La-Mort », le héros de la bataille de Vertières

Histoire

« Capois-La-Mort », le héros de la bataille de Vertières

Par Mathieu N'DIAYE 7 février 2018

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François Capois était un officier de l’armée révolutionnaire haïtienne. Il est connu pour son courage hors du commun et sa force digne de Shango,dont il avait fait montre lors de la bataille de Vertières. Un épisode au cours duquel  le général français, Vicomte de Rochambeau et commandant de l’armée de Napoléon à Saint-Domingue, bluffé, avait appelé à un bref cessez-le-feu pour féliciter ce génie militaire.

Par Franswa Makandal pour Nofi.fr

François Capois (1766 – 1806) était officier haïtien durant la Révolution d’Haïti (1791-1794) qui mena à la libération de St Domingue du joug coloniale et esclavagiste français. Né à Port-de-Paix [1], sur la riche plantation de Laveaux/Lapointe, François Capois tenait son patronyme de la transformation du nom Cappouet, le propriétaire de la plantation. Alors âgé de 27 ans, il débute sa carrière militaire en 1793, deux années après le début de la Révolution haïtienne. Capois s’est enrôlé au sein de l’armée révolutionnaire suite au passage du leader de l’indépendance, le Général Louverture, à Port-de-Paix. C’est sous le commandement du Colonel Jacques Maurepas [2], qu’il fait ses armes, au sein de la 9ème brigade.

Billet de 50 gourdes, à l’effigie de François Capois

Sous les ordres de Maurepas, François Capois repoussera toutes les expéditions et invasions dans la région nord-est de l’île. Rapidement, le jeune soldat prendra du galon; d’abord lieutenant, il deviendra ensuite capitaine du 3ème bataillon. Le jeune officier se fera connaître par de nombreux faits d’armes au cours de la révolution qui fera de la « perle des Antilles » la première république noire de l’Histoire moderne.

En décembre 1802, Napoléon Bonaparte mandate une expédition à Saint-Domingue [3] afin de reconquérir l’île. Il place à sa tête le Général de division Donatien Marie-Joseph de Rochambeau en remplacement du général Leclerc mort au combat. Dans l’optique de réprimer la révolte, le cruel Rochambeau « met en place une politique de terreur, qui est aussi une politique du massacre organisé » [5]. Pour ce faire, il importera de Cuba des chiens chasseurs d’esclaves, des Cuban Mastiffs, généralement utilisés dans les colonies de la couronne espagnole pour retrouver les « Nèg Mawon« .

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Illustration représentant des Cuban Mastiffs, dresser à attaquer les noirs

 

« Je vous envoie, mon cher commandant, un détachement de la garde nationale du Cap, commandé par M. Bari. Il est suivi de 28 chiens bouledogues. Ces renforts vous mettront à même de terminer entièrement vos opérations. Je ne dois pas vous laisser ignorer qu’il ne vous sera passé en compte aucune ration, ni dépense pour la nourriture de ces chiens. Vous devez leur donner des nègres à manger.Je vous salue affectueusement. » [6]

Rochambeau enverra ses hommes prendre la ville de Port-de-Paix ce qui contraindra François Capois à battre en retraite. Cependant, en stratège militaire, le général noir à qui la mort ne faisait pas peur s’empara de Petit-Fort où il mit la main sur de nombreuses munitions. Fort de sa victoire et de son butin inespéré, Capois prit d’assaut l’île de Tortuga (île de la Tortue). Seul problème, l’armée noire ne disposait pas de navire et se trouva donc dans l’incapacité de traverser le petit bras de mer qui la séparait de l’île. Nonobstant cette contrainte, il construit avec ses hommes des radeaux de planches attachées les unes entre elles par des lianes. 

Le 12 avril 1803, François Capois reprend Port-de-Paix, et  Tortuga peu de temps après. Les Français ne les récupéreront jamais. [7]

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La bataille de Vertières en 1803

L’un des plus hauts faits d’armes de François Capois, grâce auquel son nom connu la postérité, est sans conteste la Batailles de Vertières. Cette dernière grande bataille de la Guerre d’indépendance haïtienne marquera le combat final de la Révolution d’Haïti sous le leadership de Jean-Jacques Dessalines. Le 18 novembre 1803, Dessalines, futur empereur d’Ayiti ordonna à ses troupes de prendre le fort de Vertières. Capois à la tête d’une demi-brigade s’élança vers l’ennemi avec fougue, mais fut repoussé par les tirs des canons en provenance du fort. 

Battre en retraite n’était pas dans les habitudes du Général Capois qui repartit de plus belle au combat avec la dernière des ardeurs. Une fois de plus, la mitraille eut raison de ses hommes. Véritable guerrier dont la détermination n’avait d’égale que la bravoure courut chercher des renforts et chargea l’ennemi pour la troisième fois. Il lui fut impossible d’atteindre le fort.  

Personnification du courage sur le champ de bataille, la Général Capois, malgré ses trois tentatives infructueuses se rua une fois encore sur l’ennemi en criant à ses hommes : « En avant ! En avant !« . Au cours de ce nouvel assaut, un boulet de canon faucha sa monture. Capois se retrouva à terre. Néanmoins, et comme à son habitude, il se releva, reprit la tête de ses troupes et chargea à nouveau. Cet acte de bravoure insensé et hors du commun lui vaudra dès lors le surnom de « Capois-la-Mort« , celui qui continue d’avancer malgré l’adversité.

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Admiratif de l’héroïsme dont avait fait preuve le Général noir, Rochambeau s’approcha de Capois-La-Mort et s’écria :

« Le général Rochambeau envoie des compliments au général qui vient de se couvrir de gloire comme ça!« . [7]

Après avoir salué la ténacité des guerriers haïtiens, Rochambeau revint et les combats reprirent. Le lendemain, un message sera transmis au quartier général de l’armée haïtienne par un soldat à cheval :

« Le capitaine-général Rochambeau offre ce cheval comme une marque d’admiration pour l' »Achille » noir » pour remplacer celui que son armée française regrette d’avoir tué« . [7] 

Lorsque la garde des grenadiers de Rochambeau se mit en formation pour une charge finale, François Capois et d’autres généraux, mousquets en main, repoussèrent la contre-attaque désespérée des Français. Une soudaine averse assortie du tonnerre et de la foudre avait noyé le champ de bataille. Sous cette pluie battante, Rochambeau se retira de Vertières, vaincu. La France avait perdu Saint-Domingue.

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Notes et références :

[1] Port-de-Paix ou Pòdepè en kreyol Ayisien est une commune et la capitale du département nord-ouest d’Haïti sur la côte atlantique.

[2] Jacques Maurepas était le commandant de la ville de Port-de-Paix au nord-est de Saint-Domingue, au moment où Napoléon avait mandaté une grande armée menée par son beau-frère Charles Leclerc pour renverser Toussaint Louverture. Maurepas sera et certains de ses compagnons d’armes de la 9e brigade ainsi que sa famille seront jetés à la mer par-dessus bord d’un des navires français, sur ordre de Rochambeau.

[3] L’expédition de Saint-Domingue était une expédition militaire française mandatée par Napoléon Bonaparte, et placé sous le commandement de son beau-frère Charles Victor Emmanuel Leclerc afin de reprendre le contrôle de la colonie française de Saint-Domingue et mettre un terme aux velléités d’indépendance prises par Toussaint Louverture. L’expédition débarqua à St Domingue en décembre 1801. Après un cours succès, les troupes napoléoniennes sont battues à plates couture lors de la bataille de Vertières. L’armée française n’a d’autre choix que de fuir l’île en décembre 1803.

[4] Charles Victoire Emmanuel Leclerc (1772 – 1802) était un général de l’armée française qui servait sous les ordre de Napoléon Bonaparte pendant la Révolution française. Il était marié à Pauline Bonaparte, la sœur de Napoléon. En 1801, il est envoyé à Saint-Domingue, où une force expéditionnaire sous son commandement a capture et déporte le Général Toussaint L’Ouverture. Il n’arrivera cependant jamais à réaffirmer le contrôle impérial sur le gouvernement Saint-Domingue. Leclerc succombera pitoyablement à la fièvre jaune lors de cette expédition échouée.

[5] Philippe Girard ~ « L’utilisation de chiens de combat pendant la guerre d’indépendance haïtienne« , cairn.info

[6] Lettre au général Jean-Pierre Ramel, commandant de l’île de la Tortue du 5 avril 1803.

[7] Jacques Nicola Leger ~ « Haiti, Her History and Her Detractors« , The Neale Pub. Co, (1907)