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Le massacre du Zong, symbole de l’horreur de la traite des Noirs

Société

Le massacre du Zong, symbole de l’horreur de la traite des Noirs

Par Sandro CAPO CHICHI 21 octobre 2017

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En 1781 eut lieu le massacre du Zong, où l’équipage d’un bateau négrier jeta par dessus bord plus d’une centaine d’Africains afin de pouvoir toucher leur assurance.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Le contexte

En 1781, un Britannique du nom de Luke Collington arriva sur la côte de l’actuel Ghana dans l’espoir de capturer un maximum d’esclaves en un minimum de temps. Son objectif était d’atteindre, en tant que capitaine du bateau négrier britannique Zong, la destination de la Jamaïque le plus vite possible. Il s’agissait d’y vendre les hommes et femmes capturés, pour rapidement obtenir des bénéfices. Quelques semaines après son arrivée, il parvint à faire capturer 470 Noirs. Collington embarqua avec ces derniers à bord du Zong le 6 septembre 1781. Comme on l’a dit, Collington était pressé d’arriver à destination en Jamaïque. C’est peut-être cet empressement qui l’avait conduit à estimer le trajet du voyage à huit semaines seulement. Cette prédiction se révéla toutefois incorrecte.

Le contrat d’assurance

Le Zong, qui était la possession de James Gregson & Associés, avait été assuré auprès d’une société d’assurance britannique appelée Gilbert & Associés. L’un des articles du contrat signé par les deux parties stipulait que les assureurs indemniseraient les propriétaires du bateau si les esclaves venaient à mourir dans des circonstances précises. S’ils étaient tués par des membres de l’équipage après s’être révoltés, ces derniers seraient dédommagés. En revanche, s’ils venaient à mourir de mort naturelle, par maladie ou par suicide, la compagnie d’assurance ne paierait pas.

La maladie frappe les passagers et les prisonniers du bateau

12 semaines après son départ, le Zong était toujours loin d’être arrivé à destination en Jamaïque. Au contraire, l’équipage avait confondu Saint Domingue avec la Jamaïque, dépassant celle-ci. Le mois entier supplémentaire de voyage mésestimé par Collington et son équipage avait contribué à la maladie qui touchait de plus en plus de prisonniers africains. Soixante de ces prisonniers, certains étant malades et d’autres morts sur le bateau, avaient été jetés par dessus bord par l’équipage du Zong. La perte de ce qu’il considérait être une marchandise inquiéta Collington qui réalisait bien qu’il ne serait pas dédommagé par sa compagnie d’assurance. Les prisonniers étaient en effet morts à cause de leur maladie, une condition qui comme on l’a vu ne permettait pas un dédommagement.

Le massacre du Zong

Collington eut alors l’idée de jeter les esclaves malades, mais vivants, par dessus bord afin de pouvoir toucher l’assurance. A partir du 29 novembre 1781, 131 Africains vivants furent jetés à la merci des requins. Le Zong arriva en Jamaïque le 22 décembre.

Après le retour en Angleterre

Lorsque le Zong retourna en Angleterre, les propriétaires du bateau effectuèrent les démarches pour être ‘dédommagés’ auprès de leur compagnie d’assurance. Ils affirmèrent que le jet des prisonniers noirs par dessus bord était motivé par un manque de provisions d’eau qui aurait menacé la vie des membres de l’équipage s’il avait du être partagé avec les prisonniers. Cet argument était fallacieux, d’abondantes pluies s’étant abattues sur le trajet du bateau et ayant en partie servi de boisson aux membres de l’équipage. Le refus de la compagnie d’assurance, qui avait eu vent des machinations de Collington et de son équipage, entraîna un événement qui peut paraître complètement hallucinant à nos yeux d’aujourd’hui, mais qui semblait manifestement normal à beaucoup dans le Royaume-Uni de l’époque : un procès intenté par les meurtriers de plus de 100 hommes qui estimaient devoir être financièrement rétribués pour avoir commis ce crime.

Les procès

Le premier procès eût lieu le 6 mars 1783. Le tribunal donna raison aux propriétaires du Zong et imposa à la compagnie d’assurance qu’ils poursuivaient de les dédommager.

Massacre du Zong

Portrait présumé d’Olaudah Equiano, qui joua un rôle clé dans la protestation contre le Massacre du Zong

Deux semaines après l’incident, Olaudah Equiano, un ancien esclave devenu militant anti-abolition fit mention du cas Granville Sharpe, un célèbre anti-abolitionniste britannique, qui chercha à faire condamner pour meurtre les membres de l’équipage. Si lors d’un procès en appel, le verdict fut cette fois annoncé en faveur de la compagnie d’assurance, Sharpe ne parvint pas à faire inculper les membres de l’équipage du Zong. Ce terrible crime, qui était toutefois loin d’être rare à l’époque, allait, grâce à sa médiatisation, devenir un symbole de la barbarie de la traite des Noirs et de la nécessité de lutter contre celle-ci.

massacre du zong

La peinture The Slave Ship par J. M. W. Turner’, le plus grand peintre anglais de l’histoire inspirée par le Massacre du Zong

Pour en savoir plus :
James Walvin / The Zong: A Massacre, the Law and the End of Slavery