La bataille d’ Adwa, ou la victoire de l’Ethiopie sur l’impérialisme italien
Histoire

Par SK 2 octobre 2014
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Le 1er mars 1896, l’armée de l’empereur éthiopien Ménélik II remportait une victoire décisive sur l’armée italienne, celle d’Adwa, mettant fin aux ambitions coloniales des Transalpins dans la région.
Par Sandro CAPO CHICHI / Nofipédia
La bataille d’ Adwa, ou la victoire de l’Ethiopie sur l’impérialisme italien
Cette victoire eut une répercussion considérable en Ethiopie, dont l’indépendance fut maintenue, mais aussi dans le reste de l’Afrique et de la diaspora, où l’Ethiopie allait devenir le symbole d’un monde noir capable de tenir tête à l’impérialisme européen.
Contexte
En 1884-1885, le royaume d’Italie, récemment unifié en 1871, participe à la fameuse conférence de Berlin. De ce véritable partage, entre puissances européennes, de ce qui reste à coloniser du continent africain, l’Italie se voit octroyer le droit d’occuper l’Abyssinie (Ethiopie et Erythrée modernes). Le gouvernement italien, avec Crispi à sa tête, voit la création d’un empire colonial comme la renaissance d’une Italie expansionniste, héritière de l’empire romain, et la possibilité d’offrir des terres à ses populations, notamment à celles, pauvres du Mezzogiorno, la partie sud du pays.
L’empereur éthiopien de l’époque, Yohannes IV, occupé à gérer des guerres contre le gouvernement mahdiste du Soudan à l’ouest et des conflits dans les hauts-plateaux du nord du pays, ne prête pas attention à l’occupation progressive des régions côtières de son territoire par les Italiens vers 1885. Après que ceux-ci ont tenté d’envahir les hauts-plateaux, le Ras Alula Engeda, un gouverneur de Yohannes, commande une armée de 10 000 hommes et lance une embuscade contre un bataillon de 500 soldats italiens qu’ils massacrent lors de la bataille de Dogali en janvier 1887.
L’Italie réagit très mal et, refusant de se contenter du port de Massawa comme compensation, décide de mettre en place dans la région une politique de « diviser pour mieux régner ». les Italiens décident d’armer des seigneurs de guerre du nord du pays hostiles au pouvoir de Yohannes et de soutenir militairement Menelik II contre les Mahdistes du Soudan.
Le traité de Wuchalé
Après la mort de Yohannes IV au combat contre les Mahdistes, le trône échoit à son rival de longue date, le roi du Shewa Menelik II.
Les Italiens entrent alors en contact avec lui, et les deux parties signent un traité à Wuchalé, en italien et en amharique, le 1er octobre 1889. En échange de territoires au nord du pays, les Ethiopiens obtiennent un prêt de 800 000 dollars, dont la moitié en armes et en munitions. A côté de ces accords, alors que la version italienne du traité stipule que l’Ethiopie doit solliciter l’accord de l’Italie avant d’entrer en contact avec les puissances étrangères, la version amharique, elle, stipule que Ménélik peut solliciter l’Italie s’il le souhaite.
La version italienne, qui fait de l’Ethiopie un protectorat italien, est dénoncée par Menelik en 1893 qui essaie de signer des traités avec des puissances étrangères comme la Russie ou l’Allemagne. Pour se défaire de ce traité, il rembourse entièrement le prêt engagé lors du traité avec intérêts, mais garde les munitions en cas de guerre. Il envoie une lettre aux puissances européennes réaffirmant son indépendance et, citant la Bible, déclare que l’Ethiopie étend ses bras jusqu’à Dieu. Crispi répond ironiquement : « L’Ethiopie étend ses bras jusqu’à nous ! »…
Les Italiens lancent plusieurs expéditions victorieuses contre des forces mahdistes en territoire éthiopien, puis contre le gouverneur du Tigray qu’ils chassent de son territoire. Devant l’avancée italienne, Ménélik parvient à convaincre les seigneurs de guerre du danger et de l’imminence de l’invasion italienne s’ils ne s’unissent pas.
En décembre 1895, une armée de 30 000 Ethiopiens défait 2 450 Italiens, puis prend possession du fort italien de Mekele, libérant les prisonniers italiens. Pour le Premier ministre Crispi, une telle humiliation est impensable et une conclusion au problème éthiopien sous la forme d’une victoire décisive indispensable.
LA BATAILLE D’ADWA
Fin février 1896, l’armée italienne de 20 000 hommes (composée environ d’un tiers de recrues issues des territoires occupés) quitte ses fortifications prêt du Mont Entichay dans la région du Tigray. Elle espère attaquer par surprise l’armée éthiopienne regroupée près d’Adwa. Celle-ci, bien que plus nombreuse avec ses 90 000 hommes, est inférieurement équipée d’un point de vue technologique :
20 000 d’entre eux ne disposent d’aucun fusil et sont équipés de boucliers en peaux de bêtes et d’armes blanches traditionnelles.
Ceux qui possèdent des armes à feu ont droit à des fusils de piètre qualité, contrairement à l’équipement moderne des Italiens, qui disposent de 40 canons.
Parmi les généraux de Menelik se trouvent Ras Makonnen, le père de Tafari Makonnen, futur empereur Haile Selassie, l’impératrice Taytu, la redoutable épouse de Ménélik, Ras Alula, déjà décisif à Dogali, et Balcha Safo, qui sera le héros de la bataille.
Grâce à la manœuvre unificatrice de Ménélik et de son épouse Taytu, tout le paysage ethnique de l’Ethiopie habituellement divisée était mobilisé. Des femmes étaient même présentes sur le champ de bataille pour fournir aux combattants, paysans ou professionnels, des rations en eau et en nourriture.
En quelques heures, l’armée italienne est anéantie, les généraux survivant s’enfuyant jusqu’à leurs possessions en Erythrée. Menelik choisit toutefois de ne pas poursuivre les Italiens en déroute. En octobre, l’Italie est obligée de signer un traité reconnaissant l’annulation du traité de Wuchalé. Humilié, ridiculisé et même menacé physiquement par cette défaite, Crispi est déposé, avec son gouvernement, deux semaines après la débâcle.
L’Ethiopie maintient son indépendance et cet événement est un électrochoc sur le moral des peuples noirs oppressés dans le monde. La victoire d’Adwa est à l’origine du prestige de l’Ethiopie comme seule nation africaine ayant échappé à la colonisation, participant aux fondations de mouvements comme le rastafarisme ou des couleurs panafricaines arborées par les drapeaux des pays africains jusqu’à ce jour.