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DOSSIER Colbert (2/3): Colbert, un réformateur de génie ?

Histoire

DOSSIER Colbert (2/3): Colbert, un réformateur de génie ?

Par Anne Rasatie 10 mai 2018

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L’héritage laissé par Jean-Baptiste Colbert dans les domaines des Arts et des Sciences a forgé la renommée de la France. Il est néanmoins nécessaire de rappeler que cette dernière s’est construite aux dépens des populations d’Afrique, d’Amérique et des Caraïbes.

« Je crois qu’on demeurera facilement d’accord sur ce principe qu’il n’y a que l’abondance d’argent dans un Etat qui fasse la différence de sa grandeur et sa puissance ». Ces Mémoires de Jean-Baptiste Colbert adressées à Louis XIV, définissent parfaitement la politique libérale qu’il mettra en place durant ses vingt-deux années de présence à la cour du roi.

Le « Colbertisme »

Attribué à Jean-Baptiste de La Rose, l’Ancien (1612 – 1687). Le Marquis de Seignelay et le duc de Vivonne visitant la « Galère Réale » en construction. Photo (C) RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Protectionnisme, mercantilisme, interventionnisme, tels sont les termes les plus souvent utilisés pour décrire le « système Colbert » à partir de 1661. Dès son arrivée au pouvoir, à l’âge de 42 ans, le Ministre met en place de nombreuses mesures qui réforment en profondeur le fonctionnement du royaume de France.

Dans le secteur de la finance, Colbert supprime les dépenses coûteuses de gestion, impose un grand nombre de nouvelles taxes, crée une chambre de justice enquêtant sur les abus et la corruption, et baisse les rentes excessives. Ces réformes drastiques qui transforment les peines de prison en amendes et envoient les traitres à la potence ou aux galères, permettent à l’Etat de renflouer les caisses. S’agissant du commerce extérieur, le Ministre privilégie la production française en prohibant certaines marchandises venues de l’étranger. Les droits de sorties des matières premières sont augmentées quand l’industrie et l’artisanat du territoire sont privilégiés. Les draps français se vendent en Perse et en Arménie, les manufactures de tapisseries (Manufacture nationale des Gobelins), verreries, cristalleries, fonderies ou soieries se développent de manière considérable, favorisant ainsi l’exportation de produits de luxe. Le « made in France » se vend aux quatre coins du monde, forgeant la réputation du savoir-faire à la française.

Mais s’il est un domaine que l’on évoque spontanément au nom de Colbert, c’est bien celui de la Marine. Alors qu’il exerça un contrôle sur l’ensemble des affaires d’Etat, excepté celui de la guerre, c’est en tant que Ministre des Marines qu’il est le plus connu. Ce fut en effet son chantier le plus conséquent. Pour maintenir la cadence des échanges extérieurs, il créé de grandes Compagnies de commerce et entreprend la reconstruction de la flotte royale jusque là délaissée. Sur un rythme effréné, les Chantiers Navals de Rochefort, Dunkerque, Brest ou Toulon, voient défiler des tonnes de bois de construction venus des pays du Nord. Il fonde une école d’hydrographie ainsi que des écoles pour l’artillerie de marine. Colbert désire répandre le goût de la vie maritime car la France accuse un retard important à une époque où les Portugais, Espagnols et Hollandais sillonnent les mers depuis déjà près de deux-cents ans. Pour forcer les vocations, les volontaires Français qui s’engagent dans la marine bénéficient de privilèges (prise en charge des soins) et d’exemptions (impôts). A son arrivée à la cour en 1661, la flotte royale comptait une trentaine de bâtiments, à sa mort en 1683, 276 navires étaient à flots.

Colbert à la conquête du savoir

Colbert présente à Louis XIV les membres de l’Académie Royale des Sciences créée en 1667.  Testelin Henri (1616-1695) Versailles, châteaux de Versailles.

Au-delà des réformes des finances, du développement du commerce et de la reconstruction de la marine, Colbert créé l’Académie des Inscriptions (1663), l’Académie de peinture, sculpture et architecture qu’il installe au Louvre (1664), l’Académie des Sciences qui s’assemble à la Bibliothèque du roi, suivie la même année par la construction de l’Observatoire de Paris et celle d’un Conservatoire des machines et modèles (1666), l’École des Langues orientales (1669), le Cabinet des Médailles, l’Académie de France à Rome et agrandit le Jardin des Plantes (1673). Ce réseau d’institutions stimule les domaines de la recherche française en jetant les fondements d’une politique scientifique à la conquête du savoir.

En 1664, le fils de Colbert, le Marquis de Seignelay (du nom du domaine acquis par son père en 1657) est Secrétaire d’Etat à la Marine. Il est l’initiateur d’un projet d’exploration qui mène une poignée des meilleurs chercheurs, scientifiques et mathématiciens recrutés par Colbert, sur les grandes routes maritimes de l’Inde et de la Chine. Ces missions représentent également le moyen de récolter des informations précieuses sur les modes de vie des contrées lointaines. Par le biais de sa Compagnie des Indes orientales, Colbert envoie également des linguistes en mission pour apprendre les langues orientales (arabe, perse, hébreu), constituer des rapports, et transcrire des dictionnaires bilingues. Parmi ces explorateurs, on retrouve Antoine Galland qui a écrit les « Mille et une Nuits », la traduction de contes arabes. En 1669, l’institution des « Enfants de langue » est créée.  Celle-ci envoie des jeunes hommes en formation durant cinq ans à Constantinople. Ces « drogmans » ainsi formés, deviennent des interprètes destinés à servir dans les consulats et les différents comptoirs français.

Une mémoire controversée

Tombeau de Jean-Baptiste Colbert, église Saint Eustache quartier du forum des Halles Paris. Œuvre d’Antoine Coysevox (1640-1720) et Jean-Baptiste Tuby (1635-1700).

Jean-Baptiste Colbert travailla « à la gloire du roi » et au prestige de la France jusqu’à sa mort le 6 septembre 1683. Il semble pourtant que la postérité ait élevé son nom plus haut que ne le fît le peuple contemporain du Ministre. Les Parisiens du XVII ème siècle firent circuler contre sa mémoire des épitaphes, des sonnets, des épigrammes, des chansons et des pamphlets. Toutes ces pièces, au nombre de 100, furent imprimées dans un recueil publié à Cologne en 1693. Par ailleurs, la princesse Palatine présente aux obsèques du Ministre témoigne de l’atmosphère qui régnait dans les rues de Paris. Dans un courrier daté du 29 septembre 1683 qu’elle adresse à la duchesse de Hanovre, elle décrit: « toute la populace était tellement déchaînée contre lui [Colbert ndlr] qu’elle voulait déchirer ce pauvre corps mort et que l’on a dû faire occuper par des gardes à pied du roi le chemin qui conduit de la maison de Colbert à l’église où on l’a enterré ».

Parce que l’envers du décor est plus sombre que la face exposée au grand jour, nous tenions, dans ces deux premières parties, a retracer principalement les faits les plus connus de la vie de Jean-Baptiste Colbert. Ceux-ci permettent en outre, de prendre la mesure des actes qui ont marqué les esprits et l’histoire française. Néanmoins, pour la dernière partie du dossier Colbert, nous retiendrons deux dates moins considérées : 1664 et 1685. Elles correspondent respectivement à la création de la Compagnie des Indes occidentales et à la promulgation du Code Noir.

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